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Interview de SEM. Hama Amadou, Président de l’Assemblée nationale : «Le peuple n’attend pas que nous nous chamaillions, entre institutions. Il attend que nous fassions le travail de complémentarité qui permet au pays d’avancer ».
Publié le lundi 8 avril 2013   |  Le Sahel


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© Autre presse
Le Président de l’Assemblée nationale, SEM. Hama Amadou


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Excellence Monsieur le Président, quelles ont été les principales priorités de l’Assemblée nationale durant ces deux années d’action parlementaire ?

Je crois que je l’ai dit et répété, le rôle de l’Assemblée au cours de cette période, conformément aux dispositions de la Constitution, est de faire les lois et de contrôler l’action gouvernementale. Les priorités que nous nous sommes données, c’est de redorer l’image de marque de l’Assemblée nationale, en regagnant la confiance des citoyens nigériens afin que la démocratie soit perçue par les populations nigériennes comme un système de gestion d’Etat qui prenne en compte leurs préoccupations et leurs soucis.

La représentation nationale, de ce point de vue, doit être très proche de ces préoccupations et doit donc porter la parole des populations ; donc, c’est une des priorités majeures que nous nous sommes fixées.

La seconde priorité, c’est de créer un cadre de travail qui mette les députés dans des conditions et leur permette d’assumer leurs responsabilités avec la solennité qui convienne à une institution de ce genre. Et bien entendu, il faut, du point de vue des infrastructures et des équipements, faire un effort particulier pour mettre l’Assemblée nationale à la hauteur des besoins de fonctionnement d’une Assemblée ; et c’est ce que nous sommes entrain de faire. La troisième priorité, c’est ouvrir l’Assemblée nationale du Niger sur le reste du monde afin qu’elle soit reconnue comme une institution parlementaire véritablement démocratique, respectueuse de toutes les normes de fonctionnement d’une Assemblée et qui est porteuse vraiment des attentes du peuple.
Et, c’est dans ce cadre que nous avons développé la diplomatie parlementaire et qui a permis d’installer, en tout cas dans la sous-région ouest africaine, l’Assemblée nationale du Niger comme une des Assemblées qui comptent. Vous avez assisté plus d’une fois à l’arrivée de Présidents d’Assemblées d’autres pays qui ne sont pas que de l’Afrique de l’Ouest et nous avons été maintes fois nous-mêmes invités à représenter notre Assemblée au cours des sessions des autres Assemblées. Tout cela contribue d’une certaine façon à marquer la présence du Niger sur la scène internationale. C’est ce que fait l’Exécutif. Et ce que l’Assemblée fait est perçu de manière très positive, d’un côté comme de l’autre, par nos partenaires et les membres de la communauté internationale.

Excellence Monsieur le Président, sur le plan de la diplomatie parlementaire, pouvez-vous nous édifier davantage sur la plus-value de cette diplomatie ?

Je ne sais pas exactement ce que vous appelez plus-value,mais je considère que, quand l’Assemblée nationale du Niger est prise en compte, avec tout le respect et la considération que l’on doit à une institution, et qu’elle participe activement, du point de vue des préoccupations internationales, à la vie de la communauté internationale, et apporte véritablement son mot qui est toujours pris en considération, on peut dire que pour le pays, c’est une nouvelle visibilité et un plus qui s’ajoute à l’appréciation que l’on fait de notre pays. Pour reprendre votre mot, c’est une plus-value inestimable, de mon point de vue.

Excellence Monsieur le Président, dès votre arrivée à la tête de l’Assemblée nationale, vous avez orienté votre action sur l’amélioration de l’image de l’Assemblée nationale, une institution qui incarne la représentation du peuple. Est-ce une priorité ?

Vous savez, chacun a sa manière de raisonner. Mais vous pouvez poser la question aux députés. Il est évident que si les députés sont discrédités au niveau de la population, le travail parlementaire qu’ils font le sera également. Et si l’Assemblée nationale est discréditée, le risque d’aller vers une instabilité politique est très grand. Notre pays, vous le savez, a connu une instabilité quasi chronique liée un peu au fait justement que les institutions ne s’assument pas dans la plénitude de leurs responsabilités ; leur image, en conséquence, est plus ou moins dégradée au niveau de la perception que les populations en ont.
Quand vous avez des groupes sociaux qui vont à la télé, à la radio, dans les Fadas et autres, critiquer, discréditer une institution, la deuxième de la République, il va de soi que c’est la République tout entière qui en est affectée. Donc, pour la stabilité nécessaire du pays, que l’Assemblée nationale retrouve son image de marque auprès des populations nigériennes me paraît être une priorité absolue, parce que quand vous ne respectez pas celui qui vous représente, il n’y a plus de représentation. Donc, pour nous, c’est essentiel que le peuple nigérien retrouve confiance dans l’institution parlementaire.

Excellence Monsieur le Président, comment appréciez-vous les rapports ayant prévalu durant cette même période entre les groupes parlementaires de la majorité au pouvoir et ceux de l’opposition, au sein de l’hémicycle ?

Je pense que la presse est constamment présente au sein de l’hémicycle et elle a dû bien se rendre compte que la tradition d’une Assemblée démocratique, haut lieu de la parole et du débat démocratique, est réelle, vivante. Vous le savez autant, entre l’opposition et la majorité, il y a parfois des échanges assez musclés, mais si vous avez observé, l’Assemblée nationale actuelle se distingue par la grande sérénité qui existe dans les rapports entre parlementaires. Au début, il y a eu certainement quelques échauffourées, mais progressivement, le sens de responsabilité et le souci primordial de jouer pleinement leur rôle par rapport aux attentes de la population a amené tous les groupes parlementaires à adopter des attitudes que je considère, en tout cas à mon niveau, comme étant les marques d’une évolution très positive dans l’esprit et dans les comportements de ces groupes, les uns vis-à-vis des autres.
Et aujourd’hui, vous le suivez régulièrement, au niveau de l’Assemblée, il y a une cohésion des corps parlementaires et chacun continue d’assumer le rôle que le peuple lui a dévolu, majorité et opposition, en mettant en avant l’intérêt du peuple nigérien. Mieux, il n’y a pas, du côté de la majorité, un suivisme systématique et il n’y a pas du côté de l’opposition, des critiques acerbes systématiques. Il y a une mesure de part et d’autre qui est prise par rapport à l’analyse des lois et même dans le cadre des interpellations à travers le contrôle de l’action gouvernementale, une certaine mesure qui, chaque fois, joue dans l’appréciation que les uns et les autres portent sur ce qui se passe. Je pense que c’est très important et la population, qui suit attentivement ce qui se passe du côté de l’hémicycle, a dû relever ce dont je parle. En un mot, je dirais que l’Assemblée arrive peu à peu à s’extraire du jeu politique classique pour essayer de satisfaire les véritables attentes de la population.

Excellence Monsieur le Président, en dépit des critiques souvent acerbes des députés, l’Assemblée nationale a presque toujours adopté, sans beaucoup d’amendements, les projets de loi qui lui sont soumis. Peut-on dire que l’institution que vous dirigez est une simple chambre d’enregistrement ?

C’est que les gens ne suivent pas le travail parlementaire dans sa totalité. Il y a un pan important de ce travail qui est fait dans l’ombre. Car, lorsque des projets de textes sont transmis par le gouvernement pour adoption au parlement, ils subissent un processus. Les textes font d’abord l’objet d’une étude et d’un examen très approfondi au niveau des commissions parlementaires.

L’Assemblée nationale joue un rôle, et en toute responsabilité, aussi bien pour sauvegarder la stabilité du pays que pour aller dans le sens des attentes du peuple.

Au niveau de ces commissions, chaque aspect, chaque élément du projet de loi qui est transmis à l’Assemblée est analysé ; cela ne suffit pas. Les acteurs et les concernés par la loi sont convoqués et sur cette base en général, il y a des corrections, des amendements très significatifs qui sont portés. Les commissions font ce travail. Et au niveau de la plénière, là où vous mettez vos micros et vos caméras pour suivre et informer nos compatriotes, un autre débat est fait et tous ceux qui suivent les travaux de l’hémicycle savent l’âpreté avec laquelle ces projets de lois sont discutés. Au finish, entre le stade où l’Assemblée les reçoit et le stade où ces projets de lois sont adoptés, la différence est fondamentale.
Et, contrairement à ce que vous croyez, ce sont des transformations sérieuses qui sont apportées aux projets de lois, tant du point de vue de la forme que du point de vue de l’esprit. Et si vous suivez souvent nos débats, est-ce que vous avez vraiment l’impression que c’est une chambre d’enregistrement ?Je pense simplement qu’il y a des clichés qui ont la vie dure ; des clichés que les gens ont du mal à extirper de leur tête et qui veulent que l’Assemblée soit une chambre d’enregistrement. Or, l’Assemblée actuelle fait un travail remarquable ; son rôle, c’est de garantir la stabilité institutionnelle du pays sans laquelle il n’y a pas de travail de développement possible. Donc, ce n’est pas parce que l’Assemblée veut marquer coûte que coûte son indépendance, puisque c’est une institution qui est indépendante de l’Exécutif du fait de la séparation des pouvoirs, qu’il faut chaque fois démolir tout ce qui vient du gouvernement .
Non, il faut arranger, construire, de améliorer et c’est tout ce travail qui fait la loi, pas ce que le gouvernement nous transmet. Parfois, il arrive que nous renvoyions un projet de loi pour être repris au niveau du gouvernement afin de l’adapter à certaines exigences formulées par les représentants du peuple qui y annexent des observations et des critiques ; c’est notamment lorsqu’on constate que dans le fond, il y a un ou des problèmes à résoudre. Sur cette base, je dirai que l’Assemblée n’est pas une institution à la solde de l’Exécutif. Mais l’Assemblée nationale joue un rôle, et en toute responsabilité, aussi bien pour sauvegarder la stabilité du pays que pour aller dans le sens des attentes du peuple. Le peuple n’attend pas que nous nous chamaillions, entre institutions. Le peuple attend que nous fassions le travail de complémentarité qui permet au pays d’avancer.

Excellence Monsieur le Président, à chaque session de l’Assemblée nationale, vous choisissez un thème en rapport avec l’actualité nationale pour donner votre vision. Pourquoi cette innovation ?

Ce n’est pas une innovation. C’est-à-dire, et c’est peut-être là où les gens au Niger sont un peu trop conservateurs, l’Assemblée nationale est le porte-voix du peuple, le garant de la protection des intérêts du peuple.

Notre rôle est tout le contraire de ce queprétendent certains compatriotes qui n’hésitent pas à dire que le président de l’Assemblée nationale critique l’action gouvernementale ; non, le président de l’Assemblée nationale, son parti, son groupe parlementaire, appartiennent à la majorité. Ce que nous faisons, c’est un peu l’alerte qu’il faut donner par rapport à tel ou tel autre aspect de la vie. A un moment, j’ai parlé de l’administration et de ses carences.Quand je l’avais dit, des gens ont estimé que c’était une critique gratuite. On oublie un peu que j’ai été pendant très longtemps Premier ministre de ce pays, presque 9 ans. Donc, je connais parfaitement quels sont les atouts et les faiblesses de l’Etat nigérien.
Quand j’attire l’attention sur une faiblesse qu’il nous faut corriger coûte que coûte afin d’améliorer les rendements et la productivité du travail de l’administration, faciliter la mise en œuvre des programmes du gouvernement, je ne critique pas, je contribue à attirer l’attention sur un aspect bien précis qui risque, si rien n’est fait, de poser problème. Et vous avez bien vu, finalement, même l’Exécutif a reconnu la pertinence et la justesse de mes alertes. Une fois, j’ai abordé le problème des finances publiques. La tendance à l’inflation incontrôlée sur la masse salariale. Certains ont considéré que c’était trop dire. Je connais un peu quelle est la structure financière de ce pays. Que l’on n’oublie pas qu’en 1999, quand j’ai été nommé au poste de Premier ministre, l’Etat était en faillite totale, les finances publiques n’existaient pas et que c’est le travail que j’ai fait avec mon équipe qui a permis de restaurer les finances publiques du Niger. Donc je sais très bien, à ce niveau également, quels sont les dangers et les problèmes que nous devons éviter.

Et je sais pertinemment que le problème de la masse salariale et des revendications qui sont liées au problème des salaires peuvent avoir un effet absolument négatif sur l’allocation des ressources fondées sur les recettes intérieures. Parce que, ne nous faisons pas d’illusions, l’essentiel de l’action gouvernementale dépend fondamentalement des recettes intérieures. Ces recettes ne sont pas indéfiniment extensibles, il faut nécessairement tenir compte de leurs limites du moment. Car, lorsquevous dépensez toutes les recettes intérieures entre les salaires et le fonctionnement de l’Etat, quelle part réservez-vous aux investissements ? Or, si on veut emprunter pour faire des investissements, il faut se dire que les décaissements des investissements dépendent fondamentalement de votre capacité à dégager les contreparties qui sont obligatoires, étant entendu que si les contreparties ne sont pas libérées à temps à la hauteur indiquée, vous n’avez pas d’investissements financés par l’extérieur. Ce sont là des réalités qu’il ne faut jamais perdre de vue.

A quoi servirait mon expérience, accumulée au cours de longues années de gestion, si je n’attire pas l’attention des uns et des autres, voire du régime auquel j’appartiens, sur ces aspects ? Dans la même foulée, j’ai eu aussi à aborder des problèmes de société : le changement de mentalité, la démocratie qui suppose liberté et en contrepartie responsabilité ; toutes ces questions aident à analyser un peu la société nigérienne.
C’est quoi nos principales crises fondamentales ? C’est l’insuffisance de travail, l’insuffisance du sens de responsabilité et, à certains égards, l’insuffisance du sens de patriotisme. Cela n’a l’air de rien et ça fait même un peu vieux jeu de rappeler ces aspects fondamentaux. Donc, si vous voyez, chaque fois que j’interviens, c’est sur un sujet qui véritablement pose problème à notre pays. Dernièrement, j’ai abordé le problème de la presse que certains ont interprété de toutes les manières possibles. Mais, il faut bien comprendre et je l’ai dit, la presse doit avoir un rôle extrêmement utile et positif dans le cadre des actions qui doivent permettre de grandir l’image de notre pays. La presse agit sur les mentalités et les esprits. Alors, si la presse se voue à maintenir les mentalités dans le colportage, le mensonge et non pas à leur fournir les éléments pour se transformer positivement dans le sens des attentes de notre développement, vous croyez vraiment que la presse a joué son rôle ?
Il est évident que la presse a vocation aussi à critiquer les hommes politiques, et je peux dire que je suis le plus critiqué des hommes politiques. Que ça soit lorsque je suis dans l’Exécutif, à l’opposition ou à l’Assemblée, voire quand je ne suis rien du tout, les tirs croisés sur ma personne sont fréquents. Très souvent, je ne dis rien. Mais quand je sens que cela peut être tout à fait préjudiciable à l’intérêt national, mon devoir de député est d’en parler. Il ne faut pas avoir peur de dire aux citoyens, soient-ils journalistes, qu’ils ont une responsabilité vis-à-vis du Niger. Et si ce sont nos lois qui permettent à ceux qui n’ont pas compris le sens de la liberté de la presse de se lancer dans des excès qui jurent avec les règles d’éthique et de déontologie de leur métier, il faut alors corriger la loi. Comme je l’ai dit, ce n’est pas pour envoyer des gens en prison, ni pour revenir sur les droits acquis de la presse.
Le premier texte sur la dépénalisation de la presse, c’est moi qui l’ai fait. Les gens l’oublient, je l’ai transmis à l’Assemblée mais ça n’a pas été adopté parce qu’après, vous savez tous ce qui s’est passé. Donc, je ne suis pas contre la dépénalisation, j’ai eu à discuter personnellement avec les journalistes de Reporters Sans Frontières plus d’une fois. Et ensemble, on s’est entendu sur le cadrage de la loi sur la dépénalisation. Donc, je sais de quoi je parle, je ne suis pas en train d’inventer des idées et autres. Et puis, notre presse doit avoir une image à l’extérieur également.

Quel intérêt ai-je à aller en guerre contre la presse ? Je suis un homme politique

C’est par le respect de la déontologie, c’est par leur professionnalisme, que le mérite de nos journalistes à l’étranger sera pris en compte. Ce n’est pas en fabriquant des feuilles de choux dans lesquelles il y a toutes sortes de monstruosités que nous allons valoriser l’image de la presse nigérienne, l’image de la liberté de la presse au Niger. Donc, vous, les journalistes et nous, les députés, nous avons ensemble la responsabilité de revoir les contours de la chose pour que l’éthique, la déontologie, le professionnalisme, l’emportent suer certaines tendances qui ne sont pas bonnes à dégager. Donc, poser le problème ne veut pas dire que je sois entrain de vouloir remettre en cause des droits acquis par la presse parce que je suis attaqué. Mais, je suis attaqué tous les jours. Pourtant, combien de fois on m’a vu réagir ; cependant, il y a des limites à toute chose. Il faut que les gens nous comprennent, dans tout ce que l’on fait, l’excès est nuisible. Ceux qui écrivent avec acharnement tous les jours sur moi, ils se discréditent parce que les gens savent bien que ce qu’ils font n’est pas aussi crédible.

Certains n’ont pas le sens de la vie. Il faut que la loi installe les limites de cette mesure que chacun doit observer. Donc, là également, ce n’est pas pour aller en guerre contre la presse. Quel intérêt ai-je à aller en guerre contre la presse. Je suis un homme politique. Mais en tant qu’homme d’Etat, ma responsabilité veut que, chaque fois que je dois dire quelque chose qui est conforme à l’esprit de notre responsabilité au pouvoir, que je le fasse, quel qu’en soit le prix.

Il me semble, Excellence Monsieur le Président, que ce qu’on vous reproche le plus sur tous ces sujets abordés, c’est de dire toujours très haut ce que les autres pensent bas. Dire la vérité à tout prix, est-ce une philosophie pour vous ?

Moi, je pense que le rôle de l’homme d’Etat, c’est de dire à ses concitoyens ce qui peut être dommageable pour l’intérêt national et qui est lié à son comportement. Avoir peur de le lui dire, c’est simplement montrer qu’on n’est pas véritablement au service de l’intérêt national. Parce que, si je mets en avant la sauvegarde de ma personnalité en fermant les yeux sur ce qui peut nuire à notre pays, à moyen et long termes, je n’ai pas rempli ma mission. Donc, moi j’ai opté pour ça, ce n’est pas d’aujourd’hui, vous le savez très bien. Quand j’étais déjà Premier ministre, parce que je dis les choses sans tourner en rond, on m’a traité d’arrogant, mais pour moi c’est un principe. Un homme d’Etat doit avoir le courage de dire à ses concitoyens ce qu’ils ne veulent pas entendre.
Même s’ils ne veulent pas l’entendre, s’ils l’entendent, avec le temps, ils réfléchiront là-dessus et peut-être que certains aspects seront atténués. De cette façon, nous contribuerons progressivement à changer les mentalités, changement sans lequel nous n’irons nulle part. Si certains se complaisent à le murmurer et à ne pas le dire, ils ne rendent pas service au Niger. Moi, ma philosophie est que ce que je fais et ce que je dis doit servir mon pays, quitte à ce que je prenne des coups pour cela. Les militaires vont bien vendre leur vie pour sauver la République, n’est-ce pas ?. Entre la vie que l’on perd et les coups de plumes acerbes que certains peuvent vous asséner, le choix n’est pas difficile. Donc, je dois au moins avoir ce petit courage-là. Le combat pour la restauration de la démocratie, nous l’avons fait, les risques étaient grands. Rappelez-vous, j’ai fait la prison pour toutes ces choses-là.
Je ne peux pas changer, du point de vue des responsabilités, ce que je dois avoir vis-à-vis de mes concitoyens qui m’ont fait confiance en m’élisant. Rappelez-vous que j’ai toujours été élu député. Donc, les Nigériens me font confiance et je dois leur dire la vérité, sans blesser, parce que, quand vous prenez tous mes propos, je dis les choses telles qu’elles doivent être dites et je considère que c’est ma responsabilité de le faire. Et j’invite les autres qui se taisent à faire la même chose. Sinon, nous sommes en train de tromper le peuple.

Excellence Monsieur le Président, à maintes reprises, vous avez souligné, à travers vos allocutions et autres interventions, la nécessité d’un changement des mentalités devant s’opérer chez l’ensemble des Nigériens. Pourquoi cette préoccupation ?

Mais le développent, c’est un état mental. Et quand je dis il faut changer les mentalités, il faut le comprendre comme tel. Lorsque vous avez un de vos concitoyens qui croit que parce qu’il a, à la fin du mois, un sac de mil, il a un toit en paille avec des cafards qui s’y promènent, qu’il a au moins de l’ombre et une chambre pour se coucher, qu’il est satisfait, alors il n’a pas la mentalité nécessaire pour promouvoir le développement puisqu’il se satisfait de sa situation. Quand vous avez un responsable de l’administration qui croit que l’essentiel, c’est de gagner quelque chose pour lui, pas de conduire des dossiers qui vont aboutir à un changement qualitatif dans la vie au quotidien de ses compatriotes, il y a également un problème.

Il n’a pas la mentalité nécessaire pour conduire le développement. Quand vous avez un homme politique qui croit qu’il faut simplement mystifier les gens, leur dire ce qu’ils veulent entendre et que les comptes sont bons, il n’a pas la mentalité nécessaire pour conduire le développement. Aujourd’hui, les valeurs sociales de notre pays ont été anéanties. Une seule valeur demeure, si encore c’en est une : celle de l’argent !
Et vous croyez vraiment que lorsque l’esprit de tout un peuple ne vise que l’argent, lorsque les rapports sociaux eux-mêmes ne sont fondés que sur l’argent, lorsque les gens se demandent ce qu’ils gagnent en faisant ceci ou cela, vous croyez vraiment qu’un pays peut se développer ainsi ?

La richesse, elle se crée par l’effort des hommes. Elle ne se donne pas. Il faut avoir de l’ambition et la fierté de dire qu’à telle période, j’ai réalisé telle chose qui est utile pour moi, mais aussi pour mes concitoyens, j’ai fait quelque chose, dans l’année qui a été utile aux autres. Mais quand tu te contentes tout juste de ne regarder que toi-même et voir ce que tu vas manger et te satisfaire de la situation dans laquelle tu es, ou de changer cette situation par les voies de la facilité, c’est-à dire la corruption et tous ses aspects, vous croyez vraiment que le développement est possible ? C’est vrai que le développement suppose d’abord un ensemble de préalables du point de vue structurel, au niveau de l’économie.

Mais tout est d’abord dans le comportement des hommes. Vous croyez qu’on va atteindre l’autosuffisance alimentaire si les paysans nigériens se contentent de cultiver un ou deux hectares avec une productivité à 350 kilos l’hectare ? Le paysan n’arrive même pas à satisfaire ses besoins alimentaires fondamentaux avec un hectare ou deux, à plus forte raison essayer d’améliorer le quotidien de la vie de sa famille, acheter des habits, permettre à ses enfants d’aller à l’école, leur assurer les soins de santé. Parce que s’il n’intègre pas dans sa tête que son travail doit lui permettre de couvrir tous ses besoins, il n’est pas dans le sens du développement. Ce sont des problèmes de ce genre qui font que je répète, à l’envi, qu’il faut que nous changions de mentalités pour donner une plus grande valeur au travail de production. La richesse, elle se crée par l’effort des hommes. Elle ne se donne pas.

Quand vous dites que vous avez du pétrole, des mines et autres, mais la plus-value par rapport à ça, c’est l’argent et le travail. Les autres apportent l’argent, ils exploitent votre travail. Ils sont organisés pour le faire. Vous, vous êtes là, vous n’êtes pas organisés, vous ne voulez pas travailler, vous n’avez pas d’argent pour investir, comment voulez-vous vous développer ? Ce sont ces questions que nous devons nous poser au niveau de la société. Ce sont ces préoccupations que les journalistes doivent mettre en avant, essayer d’amener nos concitoyens à réfléchir sur leur sort. Parce que ce ne sont pas les hommes politiques qui font le développement. Les hommes politiques, ce sont des conducteurs. Mais, que peut-on conduire ? Des gens qui sont assis ou des gens qui bougent ? Si les gens sont assis, vous avez beau vous agiter, vous n’agitez que du vent. Donc le changement des mentalités reste et demeure la priorité des priorités au Niger. C’est ma conviction !

Excellence Monsieur le Président, vous êtes le Président d’un des principaux partis politiques de la mouvance MRN. Aujourd’hui, quelle est votre perception de la vie et de la gestion de cette alliance ?

Vous savez, les partis politiques sont des associations qui ont vocation à conquérir le pouvoir. Et dans une association d’ambitions qui ne regardent pas toujours dans la même direction, il peut y avoir des frictions, des petits problèmes parce qu’en dernière analyse, c’est le pouvoir qui constitue la cause de tous les tiraillements éventuels. Mais je peux dire que globalement, depuis que notre alliance a été créée, il n’y a pas eu de problèmes majeurs réels. Il y’a eu beaucoup de ragots, beaucoup de propos, beaucoup de choses qui ont été dites mais qui n’ont pas d’assises réelles. Dans une alliance, c’est des intérêts souvent antagonistes, mais c’est la gestion de ces types d’intérêts qui crée l’apaisement. Et ça ne peut pas se faire tant qu’on ne pose pas les problèmes.

Et celui qui a la position dominante, forcément, est exaspéré par la répétition de la demande. Parce que quand on a 36 alliés, il faut bien se dire qu’on a beaucoup de demandes, beaucoup de requêtes et on en est exaspéré. Donc cela créé un peu d’insatisfaction d’un côté, beaucoup de crispation de l’autre et les gens, à cause de cela, croient qu’on est au bord de l’éclatement. Mais une alliance politique, c’est pour gérer pendant cinq (5) ans. Ce n’est pas pour prendre le peuple en otage et dire que parce que je n’ai pas de satisfaction maintenant, je vais casser la baraque. Ce n’est pas ça, la démocratie! Vous défendez vos intérêts dans le cadre de l’alliance, mais sans casser la baraque.

Parce que si la baraque est cassée, c’est tout ce à quoi vous aspirez que vous allez perdre. Donc, fondamentalement, l’alliance à mon avis n’a pas trop de problèmes. Mais il est évident que cela ne veut pas dire que les attentes ne sont pas grandes et que l’exaspération n’est pas aussi grande. Mais il faut qu’il y ait d’un côté comme de l’autre, de la mesure et que chacun fasse un effort pour comprendre qu’en fin de compte, c’est le Niger qui compte.

Excellence Monsieur le Président, quel regard portez-vous sur la situation sociale dominée, ces derniers temps, par une kyrielle de revendications syndicales ?

Quand vous voyez qu’il y a une multiplication de revendications, c’est soit l’espérance dans la capacité de résoudre les revendications est grande, soit parce qu’il y a une sorte de mécontentement. Ça peut aussi être entre les deux. Mais traditionnellement, le Nigérien est un revendicateur professionnel, c’est-à-dire que le Nigérien attend toujours qu’on lui fasse. Vous allez avoir une longue liste de revendications que vous allez essayer de satisfaire aujourd’hui, le lendemain, on vous sort une nouvelle. Donc, c’est lié aussi à notre mentalité, la démesure. On oublie que pour satisfaire des revendications, il faut un travail qui crée un surcroît de richesses. Il faut d’abord mesurer dans l’année, quel est ce surcroît de richesse disponible et dont on attend sa part.

Si on ne peut pas dire, voilà le surcroît de richesses, est-ce que la revendication est fondée ? Parce que, si c’est les mêmes volumes de richesses qui demeurent d’une année à l’autre, plus vous augmentez votre part, plus vous diminuez la part d’autres concitoyens. Ainsi, si ce sont les salaires qui augmentent, alors les investissements diminuent. Donc, ce sont peut-être les satisfactions des zones rurales qui sont compromises. Mais à mon avis, toute cette situation est liée simplement au fait que les gens attendent trop d’un pouvoir qui n’a pas encore trouvé ses marques, qui est en train d’essayer de travailler pour trouver ses marques et lancer ses programmes pour satisfaire les attentes.

Dès que la marmite est montée sur le feu, on n’attend pas que ça cuise, on veut tout de suite consommer le plat. Il y a de l’incompréhension dans cette affaire qui fait que ça secoue de tous les côtés, mais le Niger, à mon avis, est habitué à ça. Pendant les années où j’ai été Premier ministre, vous avez vu, chaque matin, c’était des bras de fer. C’est dans la nature des choses. Un pouvoir pauvre a toujours des problèmes de revendication qui sont récurrents, malheureusement.

Excellence Monsieur le Président, l’Assemblée nationale a massivement voté la résolution autorisant le président de la République à envoyer un contingent nigérien au Mali dans le cadre de la restauration de l’intégrité territoriale de ce pays frère. Quelle est votre appréciation sur l’évolution de la situation au Mali ?

C’est vrai, nous avons voté cette résolution à l’unanimité, mais sans enthousiasme, car nous n’avons aucun plaisir à envoyer nos frères militaires au front. Nous l’avons voté dans l’unanimité parce que, au niveau de l’Assemblée nationale, nous sommes conscients que l’insécurité grandissante dans la sous-région finira tôt ou tard par affecter le Niger. Il ne peut pas y avoir de programme de développement dans un contexte dominé par l’insécurité, la peur ou la mort. Nous avons voulu, à travers le geste unanime de la représentation nationale, montrer notre solidarité avec le gouvernement et le chef de l’Etat qui savent très bien que si on n’arrive pas à éradiquer rapidement la menace djihadiste sur le sol malien, son expansion, inexorablement, se fera de notre côté. Donc, aller dans un cadre multilatéral pour essayer d’endiguer le mal est une responsabilité à laquelle le Niger ne pouvait pas échapper.

Et très tôt d’ailleurs, pour le Chef de l’Etat du Niger, le Président Issoufou Mahamadou et l’Assemblée nationale, la position était très claire : il faut faire face à cette menace et l’éradiquer par les moyens de la force parce que les autres ne connaissent que l’argument de la force. Nous avons fini par être entendus et donc nous ne pouvons pas être le pays qui recule après avoir dit qu’il fallait le faire. Et je suis heureux de dire que de ce point de vue, le Niger a assumé pleinement tous les engagements qu’il a pris parce que le contingent nigérien est parti équipé. Et de ce côté, il faut féliciter notre gouvernement qui a fait un effort très significatif que l’Assemblée nationale, en tout cas, loue. Maintenant, par rapport à l’évolution de la situation sur le sol malien, les djihadistes sont en déroute.
Ils ont perdu toutes les villes et les positions qu’ils avaient, ils se sont retranchés en partie dans la montagne des Ifoghas, d’autres se sont dispersés au sud, dans des villages où ils continuent de bénéficier encore d’une certaine complicité des populations analphabètes qui n’ont pas bien compris. Si pour ceux du nord, la lutte est frontale, sans intermédiaires ni camouflages possibles (il n’y a que les montagnes qui les camouflent), les choses peuvent aller rapidement. En ce qui concerne les djihadistes camouflés au sein de la population, les choses risquent d’être plus longues et plus difficiles. Et cela peut conduire à des dérapages de la part des forces officielles et c’est là le plus grand danger parce qu’on peut être amené à taper aveuglement sur des innocents. Le vrai danger est là.

Et ces forces peuvent aussi se diffuser dans les autres pays pour s’adonner à de nouvelles règles de combats, des attentats et tout le reste. Ce qui veut dire que s’il y a une évolution très positive de la guerre au Mali, il ne faut pas croire que la bataille est terminée. Et surtout des pays comme le nôtre ne doivent pas croire que tout danger est écarté. Et c’est pour cette raison que nous devons continuellement appeler notre population à la vigilance et nos Forces de Défense et de Sécurité à un état de veille permanent. Si vous avez observé, le Chef de l’Etat intensifie les efforts pour le renforcement des capacités d’intervention logistique et militaire de notre armée. Hier, des avions ont circulé sur la ville et ont fait peur à tout le monde mais ça montre qu’il y a une évolution.

Il y a un gros travail à faire à ce niveau et il faut simplement qu’on se dise que notre sécurité dépend vraiment de la capacité de notre armée à réagir immédiatement à toute agression, mais dépend surtout de notre capacité à mutualiser nos forces avec celles des pays de la sous-région et avec celle du Tchad. Il faut que nous le comprenions bien. Et il faut que notre population comprenne également que la religion que nous partageons avec d’autres peuples n’a jamais dit que pour s’imposer, il faut tuer. L’Islam est une religion de tolérance, c’est une religion dans laquelle, les valeurs de la vie humaine sont très élevées. Donc, tout celui qui viendra dire qu’il faut imposer la religion par la force n’est pas un homme religieux. Disons que c’est un homme politique déguisé en religieux.

Et il faut que nous fassions attention parce que derrière ces gens, il y a également des puissances d’argent peut-être qui essaient, par ce biais, d’arriver à contrôler nos pays. Il faut absolument que nous restions vigilants pour empêcher une autre forme de colonisation plus pernicieuse, de la part, souvent, de gens qui ne sont pas, du point de vue du développement, plus avancés que nous. Ils ont plus d’argent, mais c’est tout.

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