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Pénurie d’eau potable à Zinder : le dur quotidien des populations
Publié le mardi 22 octobre 2013   |  alternativeniger.org




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Zinder a la triste réputation d’être une ville où les coupures d’eau sont monnaie courante. Ce calvaire, les populations le vivent depuis des décennies. Dans les quartiers pauvres de la ville où la quête quotidienne du précieux liquide est devenue un véritable parcours de combattant, la grogne ne fait que monter. Notre reporter qui y’a effectué récemment un voyage a eu la désagréable surprise, à son réveil matinal, de trouver le robinet à sec. Il nous raconte ce qu’il a vécu…

L’eau, c’est la vie a-t-on coutume de dire. Et pourtant, ce liquide précieux manque cruellement aux habitants de Zinder. En effet, la pénurie d’eau constitue l’éternel problème de cette ville. Il y a quelques jours, j’ai été témoin du calvaire des habitants de la capitale du Damagaram.

Arrivé un lundi de ce mois de septembre aux environs 22 heures dans cette cité historique située à environ 900 km de Niamey, je tombai rapidement dans les bras de Morphée. Tiré du sommeil par l’appel du muezzin pour la prière de l’aube, je me précipite dans la douche pour les ablutions. Ma surprise sera totale. Je tourne en vain le robinet, aucune goutte d’eau ne tombe. J’enrage tout seul dans la douche en me posant des questions sans réponses. Déçu, je retourne m’affaler sur le matelas en attendant le lever du jour. Le soleil commence à darder ses rayons violents et toujours pas d’eau. Je m’étais résolu à faire ma toilette avec le contenu du petit frigo installé dans la salle à coucher, quand arrive le gardien des lieux avec un seau rempli d’eau. Une providence pour moi.

« Je me suis réveillé à 3 heures pour faire les réserves d’eau et j’ai conservé cette petite quantité pour vous. Nous vivons avec ces coupures depuis plusieurs semaines. Dans cette zone, nous avons de l’eau de temps en temps. Dans les quartiers périphériques, les gens peuvent faire des jours sans avoir la moindre goutte d’eau, » m’annonce t-il avant de retourner à ses occupations. Plus tard dans la journée, en discutant autour d’un verre de thé avec mes collègues, j’ai su que la situation de pénurie d’eau est moins sévère que pendant la période de forte chaleur.

Tour à tour, chacun me raconta les supplices des habitants de son quartier pour se procurer de l’eau potable. « Aujourd’hui, je me suis lavé avec le contenu d’une bouilloire. Maintenant, on peut dire que ça va, car les coupures ne durent pas plus de trois jours dans certains quartiers populaires. L’année dernière, dans ma concession, il s’est écoulé 72 jours sans que la moindre goutte gicle du robinet. Chaque matin, avant toute chose, je prenais la voiture pour venir ici au bureau prendre de l’eau pour les besoins du ménage. Solidarité oblige, il m’arrivait d’en donner de petites quantités aux voisins immédiats. La cour de la radio Alternative ne désemplissait pas de personnes venues des quartiers éloignés pour se procurer de l’eau. Bien que la facture soit trop salée, il n’a jamais été question pour nous de limiter l’accès au robinet, car nous avons compris le rôle social que nous avons à jouer dans cette épreuve difficile » révèle Hassanou Sani, coordinateur de l’antenne régionale d’AEC.

« Sur nos antennes, nous avons rendu quotidiennement compte du calvaire des gens pour se ravitailler en eau. Nous allons dans les quartiers périphériques où la pénurie est plus accentuée pour donner la parole aux habitants qui témoignent des difficultés. Mais, au temps fort des révoltes contre la pénurie d’eau, nous avons eu maille à partir avec les autorités locales qui nous accusaient d’encourager les mouvements de colère des populations, » a indiqué pour sa part, Souleymane Maazou, directeur de l’antenne locale de Alternative FM.

Pendant que je devisais avec mes collègues, un visiteur très bavard débarque dans le bureau du coordonnateur de l’antenne. Moins d’une minute après son entrée, j’en sais beaucoup sur l’objet de sa visite. Il a trait justement avec le sujet de notre conversation. Ayant su que je suis un journaliste venu de la capitale, il se proposa de me conduire sur sa moto dans les quartiers non desservis pour que je rende compte dans mes reportages des difficultés des habitants à se ravitailler en eau. « Mon frère, nous sommes fatigués de cette galère. Certes, le problème ne date pas d’aujourd’hui. Mais, avec toutes les richesses que nous vendons, on ne peut plus me convaincre avec l’argument du manque d’argent. Il faut qu’on arrête de nous prendre pour des animaux. Dites à vos gars de la capitale que remporter les élections, ce n’est pas gagner la guerre. Alors, il faut que les dirigeants règlent cette histoire de pénurie d’eau, si elles ne veulent pas se mettre les populations de cette région sur le dos », avertit-il dans une colère mal contenue.


Un casse-tête sans solution
Mon dernier séjour dans cette cité remonte à avril 2008. A l’époque, j’étais resté une bonne semaine au cours de laquelle, j’ai constaté la souffrance des habitants pour avoir de l’eau potable. Cinq ans après, je retrouve le même calvaire. Pour ceux qui ne le savent pas, disons que c’est toute la région de Zinder qui est concernée par le manque d’eau. Dans la plupart des communes, le débit de l’eau est faible surtout dans la journée. Les quartiers pauvres sont soumis à une alimentation discontinue avec des horaires de distribution qui correspondent souvent à la nuit. Dans ces zones défavorisées, l’eau commence à arriver dans les robinets à des heures tardives, et il faut dormir d’un œil pour ne pas rater le retour du précieux liquide.

En me baladant dans les quartiers précaires de la ville, j’ai pris la mesure exacte de la sévérité de la pénurie. Dans les rues, les candidats à la quête de la ration quotidienne d’eau sont nombreux. On y rencontre de gens de tout âge et de tout sexe. Les femmes et les jeunes sont les plus nombreux. Chacun y va de ses moyens pour se ravitailler. Enfants en califourchon, bidons ou seaux sur la tête, elles pressent les pas pour regagner la maison où les attendent d’autres corvées ménagères. Les jeunes garçons poussent des charrettes ou conduisent habilement des motos sur lesquelles sont chargés plusieurs bidons d’eau. Les moins fortunés sont à vélo ou à dos d’âne. Une fois obtenu, le précieux liquide est consommé avec parcimonie. La galère est encore plus grande pour les non résidents comme par exemple les malades ou leurs accompagnants. Devant la difficulté, certains d’entre eux n’hésitent pas à taper aux portes de voisins ou d’inconnus pour quémander un peu d’eau. Ce phénomène inédit a inspiré mon confrère Souleymane Maazou à écrire un intéressant article intitulé « les mendiants de l’eau » pour le compte d’une agence de presse.

Durant mon séjour, je passais une partie de mes journées à observer les va et vient incessants entre les concessions et les points de ravitaillement installés dans le quartier administratif. Le matin, au moment de prendre deux verres de thé, je voyais entrer de temps à autre à la radio tantôt une femme, tantôt un homme avec un récipient pour faire le plein. Le plus souvent, ce sont des voisins qui se dirigent directement vers la borne fontaine. Parfois, selon l’ampleur de la pénurie, il arrive aussi que des gens viennent de quartiers éloignés, où le manque d’eau est dramatique. Dans ces endroits là, quand l’eau revient, il faut passer de longues heures dans la queue pour remplir ses récipients. Devant la lenteur du débit d’eau, il arrive quelque fois que l’inquiétude monte dans les rangs, donnant lieu à des invectives et bruits de récipients. Mais, le calme finit toujours par revenir dans l’intérêt des ménages en quête du liquide vital.


Le ras-le-bol des habitants
La question du manque d’eau cristallise les causeries dans les fadas. « Cette année, les récoltes sont bonnes, nous avons des vivres pour quelques mois. Mais, voilà que l’eau pour la cuisson des repas est difficile à obtenir, » se désole A.M, cordonnier devant le grand marché de la ville... « En plus de la soif en cette période de forte chaleur, la rupture de l’eau en ce moment occasionne beaucoup de désagréments à nos petits métiers. Nous exprimons aujourd’hui un vrai ras-le-bol. Il est grand temps que les autorités au plus haut niveau lui trouve une solution pérenne, » me confie ce jeune d’une vingtaine d’années qui craint pour son petit business de vente de glaces et de jus locaux. Devant l’hôtel Central, deux gaillards m’expliquent que les coupures d’eau ont quasiment ruiné leur activité de lavage des véhicules des clients de l’établissement. « Dans cette ville, il y a eu à certains moments des réactions violentes de la part des résidents. Comme d’habitude, le message a été mal interprété par les décideurs qui ont crié à la manipulation. Les gens étaient manipulés par la nervosité liée au manque d’eau » fulmine l’un d’entre eux. Mais, ce sont les femmes qui vivent le plus dans leur chair cette rupture de la fourniture d’eau en raison des corvées domestiques (cuisine, vaisselle).

« Je me débrouille toujours pour avoir une réserve d’eau, car sans elle, il n’y a pas de ménage. A tout moment, les enfants peuvent pleurer de soif ou de faim, alors il faut avoir de l’eau à portée de mains pour satisfaire à leurs désidérata, » déclare une femme âgée d’une cinquantaine d’années. « L’eau est devenue chère, mais je suis obligée d’en acheter des quantités importantes pour abreuver mes moutons et exercer mon commerce de vente de jus et de repas, » se plaint cette vendeuse à la devanture d’une gare.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, pendant cette période, il s’est développé un véritable business de l’eau. Le bidon de 20 litres coûte entre 200 et 500 F.CFA. Dans les quartiers périphériques de la ville, où les robinets sont à secs depuis des semaines, les prix varient en fonction des jours et de l’avidité des revendeurs. « Cette hausse des prix n’est point de notre faute. Nous parcourons de longues distances pour apporter ces quantités d’eau. Souvent, nous louons des véhicules pour aller puiser l’eau dans les villages environnants. Il est donc normal que nous fixons des prix inhabituels afin de payer le propriétaire du véhicule et d’avoir une petite marge bénéficiaire pour compenser les souffrances endurées, » justifie un vendeur d’eau rencontré devant l’auto-gare de la ville.

L’année dernière, la pénurie d’eau potable était d’une intensité plus grave que certains quartiers ont passé des mois, sans voir la moindre goutte tombée des bornes fontaines. Comme le ridicule ne tue pas, les 4 camions citernes affrétés pour le ravitaillement des zones affectés ont été immobilisés pendant quelques jours, faute de carburant. Une situation qui a provoquée la colère des habitants qui ont envahi les rues de la ville pour se faire entendre à coups de pierres. Fatigués des discours mielleux des politiciens qui, après avoir versé des larmes de crocodiles, promettent de régler le problème, mais une fois partis oublient vite leurs promesses, les zinderois ont presque tout tenté pour sortir de cette galère : lobbying, déclarations fracassantes, marches pacifiques, insurrections populaires, invocations divines. Sans succès pour le moment. C’est pourquoi, dans l’esprit de certains autochtones, cette pénurie d’eau serait entretenue à dessein par des esprits malveillants qui veulent « tuer la région ». Evidemment, au fil des ans, l’argument du manque d’argent invoqué, à chaque fois, par les autorités politiques commence à sonner faux dans les oreilles des populations qui ne cachent plus leur exaspération. Le rêve d’en finir avec ce cauchemar s’est brisé quelques mois après la cérémonie de la pose de la première pierre des travaux d’adduction d’eau potable par le président Issoufou Mahamadou à Ganaram dans la commune d’Ouallelewa. Alors qu’on s’attendait à ce que le surplus de la production d’eau de la Société de raffinage de Zinder (SORAZ) bénéficie à la ville, voilà qu’un groupe de petits malins s’en fait plein les poches au détriment des populations. En effet, on ne sait comment, l’excédent de la production de la Soraz- qui a la capacité d’extraire 10.000 m3 d’eau, alors qu’elle n’en consomme que 4000, se retrouve dans les boutiques d’alimentation générale. Oui, vous l’avez bien compris, certains se font du fric, beaucoup de fric ; pendant que Zinder pleure de soif.

Ce sempiternel problème d’eau prive les habitants de leur dignité. Par manque d’eau, de nombreux ustensiles sales s’entassent dans les cours des habitations ; certaines concessions sont envahies d’odeurs nauséabondes et de mouches, les femmes n’arrivent pas à faire leurs toilettes convenablement. Toutefois, il faut le dire, même dans cette situation, les zinderois apparaissent comme des privilégiés comparés aux habitants du village de Dan Adoua qui, depuis de nombreuses années, boivent l’eau d’une mare polluée d’urines et d’excréments. C’est dire que cette pénurie d’eau potable pose un véritable problème de santé publique. Nul n’ignore que le manque d’eau potable est source de maladies mortelles comme le choléra et bien d’autres affections liées à la consommation d’eau en sachets plastiques dont la provenance n’est pas contrôlée. Selon l’Unicef, 80 pour cent des décès d’enfants de moins de cinq (5) ans sont liés au manque d’accès à l’eau salubre, à l’hygiène et à l’assainissement.

Parallèlement, cette pénurie donne un coup de poignard à l’économie, notamment domestique, qui tourne au ralenti ; la ville semble s’être vidée de ses occupants. Zinder, deuxième ville du pays et première capitale du Niger ne mérite pas ce triste sort. Dans un pays producteur d’uranium, d’or, de pétrole, et que sais je encore, l’argument du manque de moyens est irrecevable ! D’autant plus que les mêmes autorités politiques qui disent que la marmite est vide lorsqu’il s’agit de régler les problèmes des citoyens, ont trouvé des milliards pour assurer la participation de nos soldats dans la guerre de recolonisation de la France au Mali. La constitution en son article 12 fait obligation aux autorités d’assurer aux citoyens l’accès à l’eau potable. Les habitants du Damagaram ont les mêmes droits que ceux des autres régions du pays. Il urge d’inscrire dans le budget national 2014 l’argent nécessaire pour régler définitivement, ce problème d’eau. Sauf à vouloir donner raison à ceux qui disent qu’il y a des citoyens de seconde zone dans ce pays !

H B Tcherno

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