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Vote de confiance : l’opposition va-t-elle tomber dans le piège du pouvoir ?
Publié le mercredi 30 octobre 2013   |  Le Canard déchaîné


Cérémonie
© AFP par Boureima hama
Cérémonie de signature du pacte politique de l’Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR)
Samedi 05 octobre 2013


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Les choses se précisent. Le Conseil des ministres du jeudi 24 octobre 2013 .a entériné le texte sur lequel le Premier ministre compte engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale.

Le Premier ministre va présenter devant la représentation nationale le Programme de Développement Economique et Social (PDES) qui sera mis en débat puis au vote. Il s’agit pour le chef du gouvernement de demander aux députés nationaux de lui renouveler leur confiance. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, l’exercice est simple : si 57 députés sur 113 approuvent le texte soumis à leur appréciation, le gouvernement passe haut la main l’examen. S’il ne requiert pas les 57 voix nécessaires, le Premier ministre remet au président de la république sa démission et celle de son gouvernement. Mais alors, au vu du caractère risqué de l’exercice, pourquoi l’exécutif s’entête-t-il à y aller malgré tout ? Un arbre cacherait-il une forêt dans cette affaire ?

A priori, il n’y a rien d’étonnant encore moins d’extraordinaire que le gouvernement initie un vote de confiance. D’abord, cela est bien prévu par la loi fondamentale et donc tout à fait démocratique. Ensuite, après le départ du MODEN FA de la majorité MRN, cette dernière a vu son effectif réduit à l’Assemblée nationale. Il serait donc tout logique que le gouvernement cherche à connaître la réelle contenance de sa tasse parlementaire, lisez, sa majorité. De ce point de vue, il n’y a rien à redire. Pourtant, d’un autre point de vue, il y a beaucoup de choses à redire. Et si le Président de la République voulait se débarrasser du gouvernement ?

Cela paraît improbable. Si tel était le cas, le président Issoufou Mahamadou n’a pas besoin de passer par des « acrobaties » pour démettre le gouvernement qu’il a lui-même nommé. Certes, l’équipe actuelle n’a même pas un trimestre d’existence mais la Constitution ne fait aucune restriction en la matière. Le chef de l’Etat peut changer de gouvernement autant qu’il le désire. De la même façon qu’il n’est pas nécessaire de passer par un vote de confiance pour se débarrasser du gouvernement, il n’est pas non plus besoin d’un vote de confiance pour savoir si le président Issoufou dispose ou non de la majorité au parlement. Il suffirait de voir les résultats des votes qui seront consacrés aux projets de loi transmis par le gouvernement. Surtout maintenant que l’Assemblée nationale est en session budgétaire. Déjà, le président de l’Assemblée avait dès l’ouverture de la session parler de la nécessité pour l’Etat de disposer d’un « budget réaliste ».

Le président Hama Amadou a été relayé par d’autres députés des groupes parlemen taires de l’opposition. Ce qui laisse supposer, que l’opposition votera contre le projet de budget 2014 qui est équilibré en recettes et en dépenses à 1 800 milliards CFA. Pour savoir si la MRN appuyée par les députés transfuges du MNSD-Nassara qui soutiennent le président Issoufou, dispose ou non de la majorité, il aurait tout simplement fallu attendre le vote du budget. Mais visiblement cette option ne convient pas à l’exécutif. Alors, reprenons notre question : pourquoi l’exécutif s’entête til à aller coûte que coûte vers un vote de confiance ? Et si le Président de la République voulait se débarrasser de l’Assemblée nationale ? Vraisemblablement, c’est vers cette logique que tend le pouvoir en place. On se rappelle que par 2 fois, le ministre des Affaires étrangères Mohamed Bazoum, avait lancé un défi aux parlementaires en soutenant qu’ils n’oseront pas scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Au lieu de réveiller l’orgueil des élus nationaux pour montrer à Bazoum qu’ils sont bien capables de déposer le gouvernement quitte à ce que l’Assemblée soit dissoute, rien n’y fit. L’effet recherché à travers ce défi renouvelé ne s’est donc pas produit. Alors, on introduit un vote de confiance pour non seulement donner à l’opposition l’occasion de descendre le gouvernement et peutêtre, demander aux députés de la majorité MRN de refuser leur confiance au gouvernement. Ce dernier s’écroule de facto en donnant au Président de la République un bon alibi pour en finir avec l’Assemblée nationale à 2 ans de son renouvellement. Le président Issoufou pourrait alors reconduire Brigi Rafini à qui il avait renouvelé sa confiance le 2 août passé. L’équipe de Brigi va à son tour organiser des législatives anticipées devant permettre au parti au pouvoir de revenir avec une majorité propre, c’est-à-dire, sans l’appui de « mercenaires » politiques.

Ainsi, la Renaissance renaîtra de ses propres cendres et marchera allégrement sur le boulevard du deuxième mandat. L’opposition ARDR va-t-elle tomber dans ce piège ? Tout porte à croire que non. Si l’Alliance pour la réconciliation, la démocratie et la république (ARDR) pouvait se faire piéger si facilement, elle aurait manifesté des signes dès le début. Avant même sa formation, beaucoup d’analystes avaient prédit l’imminence d’une motion de censure. Rien n’y fit. Après la création de l’ARDR, on s’attendait également au dépôt instantané d’une motion de censure. Rien jusque-là. Or, nous savons qu’au Niger, les motions de censure ne sont pas déposées seulement pour qu’elles soient votées favorablement. C’est une belle occasion de faire des révélations disons des tankataféri (humiliation), comme on en a connu par le passé.

Donc, l’ARDR n’à nul besoin de se convaincre si une motion de censure passera ou non pour la déposer. Mais on a vu, pour faire le tankataféri, l’opposition politique a récemment opté pour l’interpellation du ministre de l’Intérieur. Ne voulant certainement pas donner au pouvoir l’occasion d’aider à faire passer une motion de censure. Le Président Issoufou ne pouvant pas mettre en avant ses humeurs matinales pour dissoudre le parlement, il lui faut un bon prétexte. L’ARDR refusant de lui donner ce prétexte, il se tourne vers sa propre majorité à travers le vote de confiance. Dès lors, ne soyons pas étonnés si les députés des groupes parlementaires de la majorité appellent à renouveler leur confiance au gouvernement mais que dans les faits ils votent contre le Premier ministre Brigi Rafini conformément à d’éventuelles consignes qui leur seront données d’en haut. Si l’ARDR comprend bien le manège, on pourrait se trouver dans une situation du genre « le monde à l’envers » où ce seraient les députés de la majorité qui refuseront leur confiance au gouvernement tandis que ceux de l’opposition vont lui accorder la leur.

Ce qui est sûr, la chose dont l’opposition a le moins besoin aujourd’hui, c’est mettre le Président de la République en cohabitation. Pour la simple raison que même si elle y arrivait, cela ne durera pas longtemps, tout au plus 1 ou 2 jours, peut-être moins. En tout cas ça sera juste le temps de dissoudre l’Assemblée nationale. Le chef de l’Etat pourrait alors reconduire Brigi Rafini et tous les autres qu’il voudra. Donc si l’opposition ne cherche pas encore à porter atteinte à la vie du gouvernement, ce n’est nullement qu’elle n’en a pas envie, mais tout simplement parce que les calculs politiques démontrent qu’une telle éventualité est en sa défaveur.

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