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Niger, Mali-Azawad : Revenir aux origines politiques de la crise au Sahel

Publié le lundi 27 mai 2019  |  NigerDiaspora
Bilal
© Autre presse par DR
Bilal Ag Achérif, chef de la Coordination des mouvements de l`Azawad en 2012.
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Les milliards, les armes et les forums n’y feront rien tant que perdureront l’injustice, l’impunité et la mal gouvernance. Plus que toute autre chose, les pays sahéliens ont d’abord besoin d’une gouvernance inclusive pragmatique et soucieuse des équilibres nationaux constitutifs de la légitimité des États, une gouvernance destinée à produire des récits nationaux partagés et susceptibles de générer un patriotisme effectif chez chaque citoyen.

La paix et la stabilité au Sahel passent nécessairement par une évaluation audacieuse des politiques publiques conduites depuis les indépendances. La manière dont les Etats ont appréhendé la diversité ethnoculturelle de leurs populations constitue en effet une grille de lecture essentielle à la compréhension des maintes difficultés qui font aujourd’hui le lit des groupes jihadistes. L’iniquité et les injustices inhérentes au fonctionnement de ces Etats devraient constituer le premier écueil à surmonter plutôt que d’exhorter les populations concernées à s’inscrire dans des agendas qui n’ont finalement pour objectif que la perpétuation et la consolidation des systèmes qui les ont toujours marginalisées.

Au Niger, la relative stabilité que connaît le pays depuis plus de vingt ans n’a pas été suffisamment mise à profit pour résorber les problèmes de fond qui avaient abouti à la rébellion des années 90. Le court-termisme et le clientélisme ont prévalu sur une gestion sérieuse des questions de gouvernance. Le terrain demeure éminemment fragile et les élites politiques du pays tardent à prendre enfin la mesure des conséquences périlleuses des politiques menées depuis les indépendances.

Au Mali, contrairement à une idée répandue à dessein, par certains esprits partisans, la crise libyenne n’est pas à l’origine de la décomposition actuelle de l’Etat. La cause, réelle et profonde, est plutôt à rechercher dans le fonctionnement d’un système qui a, depuis toujours, choisi de se structurer autour de certaines communautés, en maintenant d’autres à la marge de la décision politique. Vouloir réduire le conflit actuel à une conséquence du chaos libyen est un déni du véritable problème qui oppose l’Azawad à l’Etat central du Mali depuis la création des frontières actuelles. Les moyens matériels et humains venus de Libye, après la chute de Kadhafi, ont certes contribué à la reprise des hostilités en 2012 mais ils ne constituent pas l’origine réelle du conflit.

De manière générale, n’en déplaise à certains, la participation des populations locales aux politiques sécuritaires constitue un impératif incontournable si l’on souhaite construire un espace de stabilité et de paix. Continuer à les maintenir à l’écart de ces enjeux, témoignerait d’une persistance de la méfiance vis à vis d’elles, risquant ainsi de les précipiter dans les bras des forces dont l’action est combattue par les États. L’absence de perspectives conduit une partie de la jeunesse à verser dans la délinquance et l’expose aux sirènes des organisations mafieuses qui s’adonnent aux différents trafics dans cet espace sahélo-saharien. Les mesures mises en place, notamment avec le soutien de l’Union européenne, ne donnent pas des résultats suffisants pour se substituer aux activités économiques habituelles rendues impossibles par l’insécurité.

La structure actuelle des armées nationales, caractérisée par une certaine forme de discrimination ethnique, constitue un point de blocage. Aucune stratégie sécuritaire ne pourra être efficace sans l’adhésion et la confiance de l’ensemble des populations. L’insécurité ne pourra être vaincue durablement sans le respect, par les Etats, des équilibres politiques, des droits et intérêts des différentes composantes de leurs populations.

Le G5 Sahel, dont l’objectif est de permettre à ses membres de mutualiser un certain nombre de moyens, gagnerait à renforcer sa vigilance et à montrer plus de volontarisme en matière de bonne gouvernance et de la consolidation de la démocratie. Un accompagnement audacieux et sans complaisance des États membres serait nécessaires pour les encourager à se défaire des habitudes qui empêchent toute évolution porteuse d’espoir pour les populations sahéliennes. Le risque est, en effet, très grand de voir ce projet ambitieux englué dans les mêmes pratiques qui ont amené ces pays dans l’impasse politique actuelle.

En outre, la culture de l’impunité illustre l’absence de volonté politique des gouvernants à traiter et à résoudre les tensions de ces dernières décennies entre les Etats et certaines franges de leurs populations. Il n’est, en effet, ni acceptable, ni compréhensible qu’aucun procès n’ait suivi les différents massacres de populations civiles depuis les années 90, alors qu’auteurs et victimes sont connus de tous. Cette faiblesse ou forfaiture est un des vrais points de rupture qui seront toujours une aubaine pour ceux qui veulent diviser et déstabiliser ces pays.

En conséquence, la communauté internationale ne pourra stabiliser cette région et y instaurer la paix, tant qu’elle n’aura pas fait preuve de sa volonté à demander des gages aux différents États sur leur gestion des questions de droits de l’Homme et de la gouvernance en général. Cela mettrait fin à une hypocrisie qui n’a que trop duré !

Les moyens financiers déversés aujourd’hui dans ces pays, avec le souci de juguler les velléités et ramener la paix, emprunteraient souvent les mêmes canaux de corruption et de redistribution du système qui a abouti à la situation actuelle. Au lieu d’apaiser les frustrations, cela les amplifie.
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