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Niger (II), le pétrole n’a pas fait reculer la pauvreté

Publié le samedi 23 novembre 2019  |  mondafrique.com
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© Autre presse par DR
Une fuite de pétrole dans l`Ogoniland, au coeur du delta du Niger
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Dix ans après les découvertes en pétrole, le pays reste toujours classé au dernier rang de l’indice du développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Grand comme deux fois la France, le Niger, pays ouest-africain coincé entre le Nigeria au Sud et l’Algérie et la Libye au Nord, est devenu producteur du pétrole en 2011. Les Nigériens s’étaient frotté les mains lorsque le premier baril du pétrole a jailli des tuyaux de la Société de raffinerie de Zinder (SORAZ), à près de 1000 km au sud-est de Niamey. Ils étaient persuadés que l’entrée de leur pays dans le club fermé et envié des producteurs africains d’or noir serait synonyme de mieux-être, d’amélioration de la qualité de vie voire de recul de la pauvreté.

En 2019, comme lors des années précédentes le Niger tient le dernier rang au classement de l’Indice du développement humain (IDH), établi chaque année par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). C’était la place que le pays occupait avant l’entrée dans la production pétrolière. A la vérité, l’or noir n’a pas apporté l’amélioration des indicateurs sociaux qui sont les principaux critères de l’IDH. Malgré la mise en service de la SORAZ, l’école nigérienne ne se porte pas mieux, les centres de santé sont devenus des mouroirs au point où l’élite politique et la classe moyenne prennent l’avion pour l’Europe ou le Maghreb (Maroc, Tunisie) au moindre bobo. A la pompe, le prix du litre d’essence est plus élevé que celui pratiqué par les vendeurs à la sauvette qui amènent frauduleusement l’or noir du Nigeria voisin.

La mafia du pétrole
Propriétaire à 60% de la SORAZ contre 40% pour le Niger, la China national petroleum company (CNPC) cherche surtout à se faire rembourser le milliard de dollars qu’elle a avancé pour la construction de la raffinerie. Sur les 20 000 barils/Jour normalement produits par la SORAZ, il est prévu que 7000 soient réservés à la consommation nationale alors que les 13000 autres devraient être exportés. Le pouvoir nigérien a mis au point un système qui ne profite qu’à une petite mafia pétrolière principalement formés par des hommes d’affaires qui lui sont proches. Cette ingénierie frauduleuse prévoit que le pétrole soit enlevé des usines de la SORAZ par la Société nigérienne des produits pétroliers (SONIDEP) qui doit reverser à la SORAZ les produits de la vente.

A la surprise de tous les bons traders du pétrole, la SONIDEP accuse des millions d’euros d’arriérés de reversement à la SORAZ. Selon une enquête de la Haute autorité (nigérienne) de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA), près de 150 hommes d’affaires ont mis en place un système de fausses exportations du pétrole qui a causé entre 2017 et 2019 au moins 15 millions d’euros de manque à gagner au trésor public nigérien. Le rapport d’enquête a évalué le préjudice financier, mais surtout identifié les opérateurs économiques impliqués dans ce trafic. A ce jour, rien ne leur est arrivé, malgré la saisine du président Mahamadou Issoufou et du procureur de la république près le tribunal de Niamey. Et pour cause, certains de ces hommes d’affaires sont des bailleurs de fonds de la campagne présidentielle du candidat Issoufou ou des pontes de la Mouvance pour la renaissance du Niger, MNR la majorité qui le soutient.

Pour les Nigériens, le pétrole était attendu comme une bouée de sauvetage après le naufrage de l’uranium principal produit d’exportation du pays pendant de très nombreuses années. Outre la chute du cours de ce produit sur le marché international depuis l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon, en 2011, le Niger n’avait pas réussi, malgré les liens personnels entre Issoufou et le président français François Hollande, à obtenir la mise en service de la mine d’Imouraren censée produire 5000 tonnes d’uranate par an. Dans ce contexte économique morose et aggravé par la menace terroriste au nord-ouest et au sud-est, ORANO, qui a succédé à la défunte Areva, a annoncé en septembre dernier la fermeture de la Compagnie minière d’Akouta (COMINAK), une de ses deux filiales au Niger.

Les dépenses de prestige
Alors qu’il peine à assurer ses fonctions régaliennes, l’Etat nigérien s’est engagé dans des dépenses de prestige qui ont explosé le niveau d’endettement du pays. Sur un emprunt turc de près de 150 millions d’euros (environ 100 milliards de FCFA), l’aéroport international Diori Hamani a été entièrement rénové pour accueillir en juillet dernier le sommet de l’Union africaine. La société turque Summa a également construit sur un prêt de 45 millions d’euros (30 milliards de FCFA) un hôtel cinq étoiles en plein de cœur de Niamey. Les Turcs, que plus rien n’arrête désormais au Niger vont également construire à crédit le nouveau siège du ministère des Finances pour près de 38 millions d’euros, soit 45 milliards de FCFA.

La société indonésienne WIKA s’est, quant à elle, vu confier la rénovation du palais présidentiel pour près de près de 21 millions d’euros, environ 14 milliards de FCFA. Une décision incomprise des Nigériens qui s’interrogent sur l’utilité d’une telle dépense alors que le président Issoufou s’est engagé à quitter le pouvoir dans moins d’un an et demi.

En septembre 2014 déjà, Mahamadou Issoufou avait acheté un nouvel avion présidentiel Boeing 737 BJB pour la somme de 30 millions d’euros, soit 20 milliards de FCFA payés par le trésor public de son pays.

Si elle n’a pas aidé à l’amélioration de la qualité de vie des Nigériens, ni permis à l’Etat d’assumer pleinement ses fonctions régaliennes, la production pétrolière aura tout de même donné aux dirigeants du pays des idées de dépenses pharaoniques.
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