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L’inquiétant mouvement de gréve des universités publiques du Niger (Par Moustapha Liman Tinguiri)

Publié le vendredi 6 mars 2020  |  actuniger.com
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© Autre presse par DR
Université de Maradi
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Cette année académique 2019-2020 aura déjà été marquée par un mouvement de grève d’une envergure sans précèdent du Syndicat National des Enseignants Chercheurs du Supérieur. Jamais de mémoire, un mot d’ordre de grève, d’une durée d’un mois n’a été déposé et exécuté et à l’expiration de cette première, une deuxième série de grève est en cours. Ce bras de fer si tendu Gouvernement-SNECS place l’enseignement supérieur dans une situation inacceptable et compromet l'avenir de la jeunesse estudiantine et partant de là, du développement du pays. Le point de désaccord majeur concerne la nomination ou élection des recteurs. C’est un problème de gouvernance qui ne fait d’ailleurs pas partie des principaux maux qui minent l’enseignement supérieur :

nsuffisance d’infrastructures et d’équipements, effectifs d’étudiants et d’enseignants les plus faibles de la sous-région, profusion de diplômes sans rapport avec les besoins de notre économie, conditions très difficiles de travail, etc.

Selon l’article 28 de la Loi d’Orientation du Système Educatif Nigérien : « L'enseignement supérieur vise :

- à fournir aux services publics de l'Etat et au secteur privé des cadres qualifiés ;

- à former des cadres supérieurs capables de jouer un rôle significatif dans la création et le développement de la pensée et de la science universelles.

Il a pour missions :

- la formation initiale et continue ;

- la recherche scientifique fondamentale et appliquée ainsi que la diffusion de ses résultats, notamment dans les domaines en rapport avec les besoins du pays ;

- la contribution à la diffusion de la culture et de l'information scientifique et technique, notamment en collaboration avec les praticiens ;

- la formation d'une identité culturelle et d'une conscience nationale et africaine en favorisant la prise de conscience des problèmes liés à l'histoire et au développement des sociétés africaines, de la solidarité des nations et des économies du continent ;

- le développement de la coopération internationale. »

Ces missions de formation, de recherche et de promotion des valeurs culturelles, artistiques et scientifiques seront-elles menées à bien par des recteurs et vice-recteurs nommés par le gouvernement ou choisis par les enseignants chercheurs ? La loi instituant la nomination des recteurs et vice-recteurs adopté le 18 avril 2019 par l’assemblée nationale, sur proposition du gouvernement, met ainsi fin à 25 années d’élection desdits responsables à l’université Abdou Moumouni de Niamey. Pour le ministère de tutelle, l’assainissement de l’enseignement supérieur passe par la nomination des recteurs, soit dit, comme c’est le cas dans tous les pays de la sous-région et «la nouvelle loi votée, doit forcément être appliquée ». Le SNECS considère l’adoption de cette loi comme une remise en cause du statut des universités fondé une tradition de « libertés académiques et de « franchises universitaires » acquises de haute lutte depuis la conférence nationale. La poursuite de la grève va conduire à la dégradation de la qualité de l’enseignement, à des retards dans les progressions et programmes de formation, voire l’invalidation de l’année, la baisse davantage de niveau, l’habitude du moindre effort et le laxisme, etc.

La réécriture, de manière unilatérale par le gouvernement, du décret mis en cause par le SNECS, ne constitue-t-il pas un recul dans cette phase de construction démocratique, de promotion de la gestion participative et de la bonne gouvernance? En effet dans le cadre de la consolidation de la démocratie, le président américain Barack Obama prononçant un discours lors d’une visite officielle au Ghana en 2010, disait : « L’Afrique, au lieu d’avoir des hommes forts, doit avoir des institutions fortes ». Dans le même sens, la Recommandation de l’UNESCO du 11 novembre 1997 concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur est plus pertinente maintenant que jamais, surtout en termes de libertés académiques.

«L'exercice des libertés académiques doit être garanti aux enseignants de l'enseignement supérieur, ce qui englobe :

- la liberté d'enseignement et de discussion en dehors de toute contrainte doctrinale,

- la liberté d'effectuer des recherches et d'en diffuser et publier les résultats,

- le droit d'exprimer librement leur opinion sur l'établissement ou le système au sein duquel ils travaillent,

- le droit de ne pas être soumis à la censure institutionnelle et celui de participer librement aux activités d'organisations professionnelles ou d'organisations académiques représentatives ».

Un recteur élu par ses pairs serait certainement plus considéré et respecté et s’acquitterait sans doute mieux de ses fonctions, qu’un recteur nommé par le ministère de tutelle. D’ailleurs en considérant le cas de l’Université Abdou Moumouni de Niamey, dans la description de l’organisation du rectorat, sur son site web, on note que : « Le Recteur de l’université, par ses décisions, le conseil d’université et le conseil scientifique par leurs délibérations ; assurent l’administration de l’université. Le Recteur dirige l’université. Il préside le conseil de l’université. Il est assisté par une administration composé d’un cabinet et d’un Secrétaire Général qui coiffe des directions ».

Le Conseil de l’université qui assure l’administration de l’institution, est composé des doyens des facultés, des directeurs d’écoles et d’instituts, de représentants élus des enseignants, du secrétaire général de l’université, des représentants des ministères impliqués dans la formation des étudiants, des représentants des étudiants et des personnels administratifs.

Donc, comme on constate avec cette organisation, même aux temps où le recteur était élu, il est assisté par des enseignants chercheurs, un personnel technique et administratif dont certains sont placés par le ministère de l’enseignement supérieur.

Evidemment, le décret a force de loi et dès qu’il est promulgué, il est exécutoire et comme le disait le ministre de l’Enseignement Supérieur, Yahouza Salissou dans une communication aux journalistes « La loi est adoptée et nous sommes tous tenus de la respecter ». La loi s’impose à tous, mais la crise persiste. Les deux parties doivent revenir à de meilleurs sentiments pour dialoguer sincèrement dans l’intérêt du pays. La démocratie est un processus permanent de conquête de nouveaux droits et libertés. De par le monde, il y a beaucoup de pays où les recteurs et présidents d’université sont élus et au Niger, «laboratoire de la Démocratie » on pourrait revenir au décret abrogé et le réexaminer sur les conditions et critères d’éligibilité, le cahier de charges d’un recteur élu et les procédures et dispositions de révocation du mandat de l’élu.

Tous les partenaires « organisés » de l’école, comme les associations nationales, la société civile et même les notabilités doivent s’impliquer, prendre contact avec les deux parties pour trouver une solution durable à la crise que traverse l’enseignement supérieur. Nous sommes aujourd’hui, plus que jamais, au pied du mur dans le domaine de l’Education et nous devons au regard des valeurs de tolérance et d’humanisme de notre société, travailler dur et faire un consensus sur toutes les questions d’Éducation pour le devenir de notre pays.
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