Lettre ouverte à l’ex pensionnaire du Lycée National Issoufou Mahamadou sur les souvenirs provoqués par l’inauguration de l’Hôtel du Ministère des Finances (Par Djibril Baré)
Publié le vendredi 23 octobre 2020 | actuniger.com
L’inauguration, le jeudi 15 octobre 2020 à travers une cérémonie officielle de l’Hôtel des Finances devant abriter tous les services relevant du Ministère des Finances érigé en plein centre-ville, sur le site des annexes de l’ex Lycée National et actuel Lycée Issa Korombé, et la récente visite qui m’a été rendue par les deux jumeaux et la Veuve Elh Amadou Souley dit Papa du Lycée (paix à son âme), un ancien serviteur dudit établissement que nous avions fréquenté dans les années 60-70, m’a rappelé la toute dernière lettre que je vous avais adressée sur nos souvenirs du Lycée National. Je m’y étais fait le devoir de vous rappeler les services reçus de cette grande famille, afin que vous le rappeliez à votre tour à vos camarades.
Je récidive parce que la famille de Papa Amadou, plus connu sous son petit nom « Papa Lycée », m’a rappelé les propos que vous aviez tenus lorsque vous vous étiez rendu dans la famille du défunt pour présenter les condoléances suite au décès de ce dernier courant février de l’année 2003 en exprimant votre entière disponibilité. Le geste les avait touchés du fond du cœur, à tel point qu’ils avaient fondé beaucoup d’espoir de concrétiser cet élan de générosité après votre accession à la Magistrature suprême. Mais la rencontre tardant à se concrétiser malgré de multiples tentatives infructueuses en 2013 et 2019, et en désespoir de cause, à quelques mois de la fin de votre mandat, ils se sont résolus à s’adresser à ma modeste personne. En espérant être reçus par l’ancien pensionnaire du Lycée que vous avez été et qui a apprécié le couscous et autres macaronis du père. Ils attendent avec impatience votre appel, puisque je leur ai confirmé ce qu’ils savaient déjà, que vous êtes généreux puisqu’aucun de ses enfants n’est candidat à quoi que soit. Ce, d’autant plus que, dans ma précédente lettre, j’avais tenu à rappeler à vos camarades de parti que dès votre tendre enfance, vous aviez bénéficié, tout comme moi, des bienfaits de l’école publique nigérienne gratuite. En tenant certains propos déplacés, vos camarades avaient-ils perdu de vue que le Gouvernement Djibo Bakary et ceux de la première République du Président Diori Hamani (paix à leurs âmes), vous a assuré une éducation de qualité à l’école publique gratuite ? Une santé gratuite et de qualité ? Ignoraient–ils tant que les régimes du Président Diori et de Seyni Kountché vous ont gratifié d’une formation universitaire de qualité au Centre d’Enseignement Supérieur (CES), l’ancêtre de l’Université Abdou Moumouni Dioffo, et en France aux frais de l’Etat ? Vous viviez à « Londres » (nom des dortoirs du CES) tout en étant à Niamey. Quel privilège !
J’avais tenu à rappeler que :
- les cahiers, les livres et les fournitures scolaires nous étaient distribués à chaque rentrée et gratuitement par Le surveillant Robert COULDIATI (paix à son âme);
- votre habillement, de la tête aux pieds, était assuré par Garé de l’intendance du Lycée national, votre restauration par Papa Amadou dit Papa lycée, Johnson, et Hassoumi du célèbre Réfectoire du Lycée National, vos desserts en fruits livrés par notre maman Hadjia Tacko, votre courrier et vos mandats distribués par le brave vaguemestre Seydou. Le très sympathique Econome du Lycée national, Hassan SIDDO, veillait à ce qu’il ne vous manqua de rien. Ces conditions matérielles et morales exceptionnelles vous avaient permis, disais-je, de mener vos études dans la sérénité.
Mais suite à cette lettre, je dois avouer que nombre d’ex promotionnaires et pensionnaires du Lycée n’avaient pas manqué de m’interpeller pour me signaler des omissions de taille, celles
Du Surveillant Robert Couldiati qui aura marqué toute notre génération de lycéens des années 60 à 70. De surveillant, il n’avait que le nom puisqu’il faisait plus office de père, d’éducateur, de psychologue, de conseiller pédagogique pour ces centaines de lycéens venus souvent de contrées lointaines et qui devaient passer toute une année scolaire loin des parents. En ces temps mémoriaux, il n’y avait ni télé, ni téléphone portable, encore moins de messages whatsApp qui permettent aujourd’hui aux enfants séparés de leurs parents, de rester connectés aux villages ou villes lointaines des parents. Robert Couldiaty, l’ancien, veillait sur tout et tous avec une empathie d’une rare intensité. Il inspirait confiance à tous. Quand il sortait son « courboundou » ou « moutchia » (spatule en bois à remuer la farine de mil), ce n’était que pour impressionner l’indiscipliné convoqué dans son bureau pour cause d’indiscipline. Il ne s’en servait presque jamais. Le plus indiscipliné et récalcitrant de ces pensionnaires de l’ex Lycée National, ressortait de son bureau plein de bonnes intentions, voire redevenait l’un des plus disciplinés de sa classe ou de son dortoir. De même il fermait les yeux quand ces « jeunes » lycéens aux culottes gonflées avec un début de barbe, jugement supplétif oblige, sautait la grille de la porte principale la nuit tombée, bravant l’interdit, pour disparaitre du côté de « la petite forêt » pour se rendre on ne sait où, il fermait les yeux. Nous les puceaux de l’établissement, nous nous tenions à carreaux à l’internat. M. Couldiati n’était pas non plus très regardant sur ce qui se passait dans les dortoirs la nuit tombée. C’est pourquoi, quand il tira sa révérence courant février 2003, à une semaine d’intervalle avec Papa Amadou, nombre de Lycéens avaient tenu à l’accompagner à sa dernière demeure.
Du proviseur Djibo Habi (paix à son âme) qui s’imposait par sa prestance et sa tenue lors des délibérations quand il faisait le tour des classes à la fin de chaque trimestre pour distribuer les sanctions, bonnes ou mauvaises. Ce furent des moments solennels inoubliables ! La grosse écriture mémorable de son épouse sur nos bulletins trimestriels, inspirait confiance et était en même temps redoutée par les mauvais élèves qui attendaient les sanctions au bas du document.
Du discret Censeur, Abaché Chaibou, tout aussi imposant que le précédent avec qui il faisait corps lors de leurs visites trimestrielles des classes.
C’est ainsi j’en ai oublié d’autres et je m’en excuserai à l’avance. Ne méritent-ils pas lui et tous les autres serviteurs de cet ancien antre du savoir, vivants ou non, une décoration pour service rendus ?
Parmi nos professeurs je citerai M. Bozola, le couple Negro, Madame Gaudreau, le couple « OCHO », M. Bondil, Ferraci, Mme Boutourlinski et surtout les professeurs de dessin Jean Caffe et celui de musique, M. Surrugue dont les bâtiments viennent d’être hélas, sacrifiés à la faveur de l’érection du nouvel hôtel du ministère des finances. Les domiciles du Proviseur Djibo Habi, de l’Econome Siddo, des dortoirs de nos icones d’antan, Mariama Alassane, Josephine Kadidia, Yao, Fassouma Moussa, Adama Jataou, Aichatou Any, Hadiza Mamane, Hadjara B., pour ne citer que celles-là, viennent de subir le même sort à notre grand désespoir. Quel lycéen n’aurait pas un pincement au cœur en voyant ce que ces lieux sont devenus ? Il est vrai que « la petite forêt » a subi, quelques décennies plus tôt, ce sort peu enviable. Dire que c’est l’œuvre d’anciens lycéens tels que Massaoudou, Ouhoumoudou le Dircab. Les Lycéens se souviendront sans nul doute que l’espace séparant les domiciles du Proviseur Habi et de l’Econome Siddo du Lycée, vous servait de lieu d’études à vous le destructeur en chef de ces lieux qui dressait sa table en face de la porte d’entrée principale. En détruisant lesdits bâtiments, ignoriez-vous ce que les Economistes désignent par patrimoine immatériel parce que chargés d’Histoire et trouver un espace neutre pour un tel projet immobilier, aussi important soit-il ? Il est vrai que la modernité a un coût. Pour toutes ces raisons, en tant qu’ancien du Lycée National, je dois avouer que j’ai été peiné lors de la destruction de ces bâtiments. E je suis sûr que je n’étais pas seul. Le bâtiment aussi majestueux soit-il, ne remplacera jamais ces anciennes bâtisses, aussi vétustes fussent-elles, dans nos cœurs à nous, Lycéens de l’époque. Frère Massaoudou, tu nous dois tous des excuses puisque le Ministre Diop, un ancien lycéen, a vendu la mèche dans son discours, comme pour se dédouaner.
En écrivant ces mots j’ai une pensée pour mon ami le défunt Ibrahim Alassane, Ibrahim Yaro, Jean Padonou, Afro et tous les autres qui nous ont devancés dans l’au-delà. Que leurs âmes reposent en paix ! Amine !
Salutations fraternelles tout de même !
Niamey, le 22 octobre 2020
Djibril Baré, Ancien pensionnaire du Lycée National de Niamey (1967-1974)