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Enlèvement d’un américain à Massalata : la piste d’un kidnapping avec demande de rançon, un business très prisé par les bandits armés dans la zone

Publié le mercredi 28 octobre 2020  |  ActuNiger
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© Autre presse par DR
La ville de Konni abrite depuis quelques mois, une base de la nouvelle unité spéciale de la police nationale, la Compagnie Mobile de Contrôle de Frontière (CMCF)
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Les autorités nigériennes et américaines ont confirmé l’enlèvement dans la nuit du lundi au mardi, d’un citoyen américain du nom de Philipe Nathan Walton, à Massalata près de Birnin Konni et à quelques kilomètres de la frontière nigériane. Si la zone n’est pas très loin des zones d’opérations des groupes terroristes opérant dans la zone des trois frontières, le mode opératoire des ravisseurs laissent plutôt penser à un kidnapping avec demande de rançons, une pratique lucrative qui s’est beaucoup développée ces derniers temps le long de la frontière nigéro-nigériane et qui visaient particulièrement les populations rurales.

C’est d’abord le préfet de Birnin Konni, Ibrahim Abba Lélé, puis le gouverneur de la Région de Tahoua, Moussa Abdourahamane, qui ont annoncé officiellement l’enlèvement du citoyen américain, aux environs de 2h dans la nuit du lundi 26 au mardi 27 octobre à Massalata, village situé à quelques kilomètres de Konni, dans le centre-sud du pays. Les autorités américaines ont également confirmé les faits à travers un communiqué de l’ambassade des Etats-Unis à Niamey et une source au Département d’Etat US a confié aux médias que les recherches se poursuivent « en étroite collaboration avec les autorités nigériennes ». Selon les autorités nigériennes, Philipe Nathan Wolton, 27 ans, s’est établi depuis 2019 à Massalata où il a acheté un jardin à la périphérie du village où il loge avec sa famille.

L’enlèvement n’a encore été revendiqué mais on sait désormais un peu plus le déroulement des faits. Selon le père de la victime, qui réside à Konni et qui a été contacté par les ravisseurs qui lui ont demandé une rançon, les ravisseurs étaient au nombre de six (6), portaient des armes AK 47 et « parlaient haoussa », la langue locale la plus parlée au Niger et dans le nord du Nigeria voisin, ainsi que quelques rares mots d’anglais (« bring money »). Selon le témoignage qu’il a pu recueillir auprès des autres membres de la famille qui étaient présent avec Philipe Wolton, ils ont d’abord demandé de l’argent et comme il n y a pas grand-chose, tout au plus 20.000 francs CFA (environ 30 euros), les ravisseurs ont décidé de partir avec la victime en prenant soin de ligoter les autres membres de sa famille notamment son frère et sa femme et ont laissé la petite-fille du couple. Les ravisseurs auraient pris la direction de la frontière nigériane située à moins d’un kilomètre du lieu du rapt et selon toujours le père de la victime, qui a été au passage interrogé par la police nationale dans le cadre des investigations et des recherches en cours, les ravisseurs ont promis d’annoncer leurs revendications sur la chaine américaine VOA, très suivie dans la sous-région notamment ses programmes en langue haoussa.

Terrorisme, criminalité organisée et banditisme transfrontalier

Le contexte sécuritaire actuel au Niger a été vite mis en avant par certains observateurs et sur les médias internationaux, d’autant que la zone du kidnapping n’est pas très loin de là où opèrent les groupes terroristes notamment dans le nord de la région de Tahoua. Les départements de Tassara et de Tillia, qui font frontières avec le Mali, sont sous état d’urgence depuis presque deux (2) ans, face à l’amplification des attaques revendiquées par les groupes terroristes qui sévissent dans la zone dite des trois frontières (Burkina, Niger et Mali). La ville de Konni est d’ailleurs située à moins de 300 kms tout au plus de celle d’Abalak, au nord, où un humanitaire américain, Jeffery Woodke, a été enlevé en octobre 2016 et reste depuis lors introuvable même si les dernières informations officielles le situent au Mali. En septembre 2019, le Président Issoufou avait assuré que Jeffery Woodke était « en vie et en bonne santé ».

En décembre 2018, une cellule qui se réclame « djihadiste » a même essayé de s’implanter dans les environs du village de Jima-Jima, à juste une quinzaine de kilomètres de Konni, près de la frontière avec le Nigéria. Elle a été vite démantelée par les FDS et les investigations menées ont montré qu’elle dispose de base dans l’Etat voisin de Sokoto. (Lire sur actuniger : https://www.actuniger.com/societe/14637-insecurite-decouverte-d-une-cellule-djihadiste-pres-de-konni-a-la-frontiere-avec-le-nigeria)

Cependant, le mode opératoire notamment la demande de rançons par les ravisseurs de Massalata, qui étaient visiblement à la recherche de dollars, fait plus penser à un kidnapping par les bandits armés qui pullulent dans cette zone frontalière entre le Niger et le Nigeria. Depuis quelques années, les enlèvements avec demande de paiement de rançons ont pris une tournure inquiétante dans les Etats du Nord Nigeria (Zanfara, Sokoto et Kano), et au regard du business très lucratif que cela a engendré, il s’est étendu aux régions voisines frontalières du Niger (Maradi et Tahoua particulièrement). Toute la zone sud du Niger fait ainsi face à ce climat d’insécurité qui avec en plus, un déplacement massif de milliers de personnes, notamment des femmes et des enfants, du Nigeria vers les localités nigériennes situés le long de la frontière. L’amplification de la criminalité organisée et du grand banditisme a fait prospérer le commerce illicite d’armes et de munitions, ce qui a d’ailleurs poussé les autorités nigérianes à fermer leurs frontières avec le Niger depuis plus d’une année maintenant. C’est en tout cas l’un des prétextes mis en avant par l’administration du président fédéral Buhari pour justifier le maintien de la fermeture du pays, bien avant le début de la pandémie du Covid-19. A plusieurs reprises, les Forces de défense et de sécurité (FDS) nigériennes ont intercepté des cargaisons d’armes ou de munitions en transit pour le Nigeria.

En attendant la suite des opérations de recherche et malgré les risques terroristes ambiants, il est donc fort probable que ce rapt soit l’œuvre de bandits armés qui sévissent dans la région et qui ont déjà menés plusieurs attaques à Konni et dans plusieurs localités situées le long de la frontière avec le géant voisin le long de laquelle les autorités ont renforcé la présence des Forces de défense et de sécurité. Avec l’appui de l’Union européenne à travers sa mission Eucap Sahel Niger, une deuxième base d’une nouvelle unité spéciale de la police, la Compagnie Mobile de Contrôle de Frontière (CMCF), a été positionnée à Konni avec comme principal mission la lutte contre la criminalité et la migration clandestine.

Le fait nouveau dans ce contexte sécuritaire, c’est ce que ce kidnapping d’un ressortissant étranger dans la bande sud du Niger va attirer un plus les projecteurs de l’actualité nationale et internationale sur l’ampleur de la dégradation du contexte sécuritaire et les conditions difficiles que vivent les populations locales depuis quelques temps.

A.Y.Barma (actuniger.com)
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