Décès d’Inoussa Ousséïni, réalisateur, ambassadeur, délégué permanent du Niger auprès de l’UNESCO : Hommages des acteurs du cinéma nigérien à un pionnier du film documentaire
L’homme de culture, Ambassadeur, Délégué permanent du Niger auprès de l’UNESCO, Inoussa Ousséïni est décédé le 5 janvier à Paris en France, à l’âge de 72 ans. Parents, amis, connaissances ou collègues saluent sa mémoire et magnifient ses actions dans le domaine du cinéma notamment où il laisse son empreinte.
Ambassadeur et représentant permanent du Niger auprès de l’UNESCO depuis 2004, après avoir été ministre dans son pays, feu Inoussa Ousseini fut un des compagnons de route de Jean Rouch qui disait-il l’avait «pris sous ses épaules». On lui doit le festival Forum africain du film documentaire de Niamey lancé en décembre 2006 à Niamey. Ce cadre a été le lieu d’éclosion de jeunes réalisateurs nigériens, de révélation de talents qui expriment leur reconnaissance à l’illustre disparu.
Sociologue, diplomate, homme de culture tout court Inoussa Ousseini aura marqué l’histoire du cinéma au Niger, en Afrique car il est un des pionniers du film documentaire. Certains cinéastes nigériens notamment ceux de la jeune génération lui doivent beaucoup dans leur carrière. «Le décès de Inoussa Ousseini est une énorme perte pour la culture nigérienne, au-delà du cinéma ; il a vécu la culture dans toute ses dimensions. Nous avons perdu un papa, un grand frère, un ami parce qu’avec Inoussa c’est toujours des relations horizontales quel que soit votre âge et sans complexe. Il était un rêveur qui savait se réveiller pour réaliser ses rêves. Il a apporté son appui sur la scène cinématographique nigérienne où il s’est beaucoup investi », témoigne le directeur général du Centre National de la Cinématographie du Niger (CNCN), le cinéaste Sani Magori. «Inoussa n’a pas été compris par beaucoup de gens, y compris ses amis. Il a agi sur des projets peut être que certains ne partageaient pas, mais dont ils sont en train d’en bénéficier, notamment en ce qui concerne le forum africain du film documentaire», estime le Directeur général du CNCN, réalisateur du documentaire Koukan Kourtchia.
Le président de la Fédération des Associations de Cinéastes Nigériens, M. Harouna Niandou ne pouvait contenir son émotion en évoquant la vie, les souvenirs partagés avec Inoussa Ousseini. «La disparition du cinéaste Inoussa Ouseini est une très grosse perte pour nous, pour plusieurs raisons. D’abord il est un cinéaste qui s’est imposé sur le plan national, sur le plan africain et sur le plan international par des prix. Personnellement, j’ai vécu avec Inoussa depuis qu’on était jeune ; on s’est retrouvé plus tard au Ministère de la Communication où il était le Directeur de la culture et moi le Directeur de l’information. A ce titre, nous avons partagé les mêmes peines, les mêmes joies et les mêmes espoirs. Je peux dire que Inoussa est un battant qui ne baisse jamais les bras. Chaque fois que nous nous retrouvons, ça nous donne suffisamment d’espoir pour nous battre ensemble», témoigne M. Harouna Niandou. «C’est grâce à des gens comme Inoussa Ousseini, Diop Moustapha, Oumarou Ganda, et les autres que j’ai appris à aimer le cinéma ; nous sommes allés ensemble à des festivals nationaux, africains et internationaux» confie-t-il. «Inoussa avait essayé par tous les moyens d’aider le cinéma africain, nigérien. Entre autres il a joué un rôle important dans l’organisation et le déroulement du premier forum interafricain du cinéma qui s’est tenu ici avec les Sembene Ousmane, Paulin Soumanou Vieyra; il a fondé aussi le Forum africain du film documentaire de Niamey… Nous pouvons dire qu’en le perdant nous perdons un grand nom de l’histoire du cinéma dans ce pays», dit M Harouna Niandou tout ému.
Le réalisateur Saguirou Malam a réagi également à travers un message à l’annonce du décès de Inoussa Ousseini. Il magnifie les actions du défunt en faveur des jeunes amoureux de cinéma pour lesquels il a tracé des sillons. «Tu m’avais pris sous ton aile lorsque j’avais décidé subitement de quitter mes études de droit à l’université pour embrasser le cinéma. Puis nous avons cheminé ensemble. Tu me présentais à tout le monde tantôt comme petit frère tantôt comme ton ami alors que j’ai l’âge de ton fils. J’ai énormément appris avec toi, le cinéma et surtout la vie. J’étais le premier de la jeune génération et tu étais là pour nous pousser. Nous ne nous sommes pas toujours mis d’accord sur tout mais nous nous sommes respectés partout. On avait cet esprit commun de nous engager sans gilet de sauvetage parce qu’à la fin on n’avait rien à perdre. Tu avais cette chose rare aujourd’hui, l’audace. Inoussa tu es un esprit irrigué par l’espoir. Tu nous a contaminés avec cet esprit d’espérer, moi comme beaucoup de ceux qui étaient avec toi », dit le réalisateur Saguirou Malam auteur du documentaire Solaire made in Africa, l’œuvre du Professeur Abdou Moumouni.
Aicha Macky, la réalisatrice du documentaire à succès L’Arbre sans fruit, aime toujours rappeler l’opportunité que lui a offerte Inoussa Ousseini, et qui a été le déclic pour sa carrière de réalisatrice. Cette fois-ci, c’est avec le cœur serré qu’elle en parle : «Étudiante en licence au département de sociologie, en 2008 j’ai eu écho d’une opportunité de stage au Forum Africain du Film documentaire de Niamey pour 10 filles à sélectionner à travers un test. Par la suite SEM Inoussa Ousseini a fait recenser les dossiers de ceux qui ont le diplôme requis pour aller faire une formation afin de légitimer nos passions. C’est ainsi que j’ai eu une bourse (avec deux autres stagiaires, Ramatou Doullah Harouna et Boka Abdoulaye) et j’ai rejoint la première promotion du Master Cinéma de l’université Abdou Moumouni en collaboration avec l’université de Grenoble, Africadoc et l’IFTIC; Inoussa avait créé un pont entre ce Master et celui de l’université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal où j’ai poursuivi ma formation suite à une sélection sur la base d’un projet déposé. Le Master coûtait une fortune que je ne pouvais pas me payer malgré mes ambitions et ma passion pour le cinéma». La réalisatrice voit en Inoussa Ousseini «un homme qui a de la vison, qui a compris que la transmission du savoir pouvait permettre de créer des opportunités à des jeunes afin de leur permettre d’avoir les compétences et s’ouvrir à l’international». Car dit-elle «pendant que le cinéma nigérien était en léthargie, il a su créer une jeune génération de cinéastes qui sont en train de redorer les lettres de noblesse qu’avait notre cinéma».
Ces talents que Inoussa Ousseini a contribué à faire éclore perpétueront certainement sa mémoire comme sa filmographie riche de plus d’une dizaine de documentaires dont : La Sangsue : 1970; Paris is beautiful (Paris c’est joli): 1974 ; Ganga : 1975; Une jeunesse face à la culture : 1976 ; Lutte saharienne : 1976 ; Médecines et médecins: 1976 ; Le griot Badye : 1977; Fêtes traditionnelles populaires du Niger : 1980 ; Le Soro : 1980 ; Wasankara : 1980 ;…