La campagne pour le 2e tour de la Présidentielle du Niger a été lancée en fanfare lundi par la coalition de l’opposition, qui affrontera le candidat de la continuité, Mohamed Bazoum, le 21 février prochain.
Avec force musique et hymne national chanté à pleins poumons, la coalition pour l’alternance a félicité lundi le peuple nigérien pour sa mobilisation, son enthousiasme et son sens du civisme et l’a invité à se mobiliser autour de son mot d’ordre « Sauvons le Niger ! »
Elle a dessiné, dans une longue déclaration, les contours de ce qui sera sa stratégie au deuxième tour : diminuer le bourrage d’urnes qui a conféré, selon elle, au candidat rose, une confortable avance de plusieurs centaines de milliers de voix au premier tour (Mohamed Bazoum ayant enregistré 39,33% des suffrages), et mobiliser les réserves de voix, notamment autour du candidat Mahamane Ousmane, à Zinder, région la plus peuplée du Niger.
En effet, si le report des voix en faveur de Mahamane Ousmane, de la part du parti Lumana de Hama Amadou dont la candidature a été invalidée par la cour suprême, a été annoncé quelques jours avant le premier tour, Mamane Ousmane va désormais pouvoir bénéficier de six semaines de délai pour mobiliser plus confortablement ses bases.
Mobiliser les électeurs des non affiliés
Pur gagner, l’opposition devra mobiliser très largement au-delà de ses 16,99% des voix du premier tour. Notamment par le ralliement des candidats non affiliés du premier tour ou de leurs électeurs.
Le général Salou Djibo, ancien chef de la Transition, a annoncé lundi la création d’un premier groupement de 10 candidats pesant environ 10% des voix. L’Alliance des Candidats pour le Changement est un cœur à prendre. Elle dit « proposer (sa) vision de la gouvernance politique à tout candidat intéressé » par sa contribution « dans l’optique de conquérir et exercer conjointement le pouvoir au profit du peuple nigérien. »
Se présentant comme des « candidats issus de formations politiques sans passé chargé », les membres d’ACC aspirent à « contribuer à la vraie alternance pour un Niger nouveau. » Se situant à l’extérieur des deux camps polarisés du pays, il s’agit pour eux de « sauver le Niger et incarner l’espoir dans (nos) exigences relatives à une meilleure gouvernance du pays. »
Une réfome profonde du cadre électoral
Le soutien au candidat du second tour sera conditionné par la qualité du programme de gouvernance de ce candidat, la garantie d’une réforme profonde du cadre électoral et la promesse ferme d’un cadre de gouvernance partagée.
Notons que ce groupement enterre une première dynamique, toute récente, rassemblant Salou Djibo et les deux candidats arrivés en 3e et 4e position, Seyni Omar et Abouba Albadé, sous le nom d’Union pour la Paix et le Progrès. D’autres changements d’alliance sont probables d’ici le 2e tour.
Seyni Omar et Abouba Albadé, qui ont enregistré respectivement 8,95 et 7,07% des voix le 27 décembre, réservent encore leur position. Leur ralliement au bulldozer socialiste est cependant probable. Ayant été associés aux gouvernements d’Issoufou Mahamadou, ils pourraient être soumis à de puissantes forces bridant leur désir d’émancipation : pressions positives et négatives, mêlant menaces et appât du gain et des postes.
Une photographie d’Abouba Albadé recevant l’un des grands argentiers de Mohamed Bazoum, l’homme d’affaires nigérian Tahirou Mangal, a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux au lendemain du 1er tour, comme un message subliminal. Sans compter qu’élu de Tahoua, il aura du mal à résister à la force d’attraction du Président dans son fief.
La puissance du parti rose
Ces deux derniers leaders devraient s’exprimer à la fin du mois, lorsque la Cour Constitutionnelle aura statué sur les nombreux recours qui devraient lui être adressés d’ici mercredi, dernier délai prévu par la loi.
De vifs débats devraient se tenir dans les deux partis sur la question, dans la mesure où le parti rose de Mohamed Bazoum ne leur a pas fait de cadeau aux élections locales, législatives et au 1er tour des présidentielles, sa stratégie étant de s’imposer tout seul. Même alliés de la Renaissance au pouvoir depuis huit ans, les deux partis ont fait les frais sur le terrain d’une campagne très agressive, dont ils se sont d’ailleurs officiellement plaints.
Le parti rose reste favori par la puissance de ses moyens financiers, logistiques et, naturellement, l’utilisation des moyens de l’Etat. Depuis 2011, le rouleau compresseur socialiste a pratiquement anéanti toute autre sensibilité que la sienne dans l’administration publique, devenue quasiment un appendice du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme.
Les institutions chargées d’organiser et de contrôler les élections, que ce soit la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI) ou la Cour Constitutionnelle sont clairement sous contrôle étroit de Mahamadou Issoufou et de son équipe, ce qui est dénoncé sans relâche par l’opposition depuis des années.
Mais la partie n’est pas encore jouée. En revenant siéger après des années de boycott au sein de la CENI, l’opposition démontre sa volonté de se battre jusqu’au bout, y compris dans le contrôle du processus électoral sur le terrain. Dans sa déclaration d’hier, l’opposition a d’ailleurs frontalement accusé le président de la CENI d’être complice de la fraude, puisqu’il lui appartient de nommer à sa guise les présidents des démembrements régionaux et communaux chargés de la supervision des opérations de vote sur le terrain.
L’opposition réclame l’armée dans les bureaux de vote
L’opposition exige donc, outre l’annulation du scrutin dans certaines zones, la mobilisation de l’armée pour assurer la transparence et l’honnêteté du scrutin. « Le second tour de l’élection présidentielle devra-t-être transparent et honnête, sans bourrages d’urnes et usage d’armes à feu, sous la surveillance de l’Armée ou verra ses résultats rejetés par l’opposition et le peuple », menace-t-elle. Selon des témoins, les forces de sécurité et la police ont à plusieurs reprises, le 27 décembre dernier, déjoué des tentatives de fraude et interpellé les auteurs.
Lundi, le Président de la République a nommé 5 représentants des partis politiques de l’opposition à la CENI ainsi que 22 représentants des candidats à la présidentielle.