Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Plongée au coeur des relations mouvementées entre le Niger et l’Algérie

Publié le jeudi 28 janvier 2021  |  mondafrique.com
Carte
© Autre presse par DR
Carte du Niger
Comment


Les rumeurs sur une tentative de corruption de Mohamed Bazoum, qui a toutes les chances de devenir président du Niger en février, ne doivent pas masquer les relations difficiles du Niger avec avec leur puissant voisin algérien.

A la plus petite critique sur les abus commis contre ses citoyens, comme l’adoption récente par le Parlement européen, par 669 voix contre 3, le 26 novembre 2020, d’une résolution d’urgence condamnant le régime pour ses pratiques liberticides et la répression continue des droits de l’Homme, l’Algérie réagit instantanément par le rejet, au prétexte qu’il s’agirait là d’ingérence extérieure dans ses affaires intérieures souveraines.

Le mantra éternel du régime algérien est, en effet, de ne jamais s’ingérer dans les affaires des autres pays. C’est pour cette raison que la récente tentative de corruption du favori de l’élection présidentielle au Niger par le général Mohamed Bouzit (alias général Youssef) peut être regardée comme maladroite, voire même hypocrite.

En décembre dernier, quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, des émissaires du chef de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE) auraient proposé à Mohamed Bazoum de financer sa campagne à hauteur de 2 millions de dollars en échange d’un service : le futur alignement diplomatique du Niger sur l’Algérie à propos du Sahara Occidental et de la Libye.

Un avion militaire algérien transportant les fonds aurait atterri le 25 décembre à l’aéroport de Tahoua, le fief du parti rose au pouvoir, sans qu’on possède les preuves d’un tel vol
L’un des enjeux de l’accord était que Bazoum invite officiellement à son investiture Brahim Ghali, le Président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Une telle réhabilitation de la RASD après des mois d’échecs diplomatiques de l’Algérie, y compris le blocus provocateur par le Polisario de la route vers la Mauritanie au poste frontière de Guerguerat, la violation qui s’en est suivie de l’accord de cessez-le-feu avec le Maroc, et la reconnaissance par la Maison Blanche de la marocanité du Sahara Occidental, aurait été un bon coup et un moyen de se racheter pour Bouzit, qui, en tant que chef des services de renseignement extérieurs, était tenu pour responsable de la calamiteuse série de reculs de la diplomatie algérienne.

Un avion militaire algérien transportant les fonds aurait atterri le 25 décembre à l’aéroport de Tahoua, le fief du parti rose au pouvoir dans le centre du Niger, avant de poursuivre son vol vers Niamey.

L’Algérie n’est pas le voisin préféré du Niger et Mohamed Bazoum a toujours considérée ce pays avec méfiance.
Sans parler de ses implications éthiques et juridiques, ce marchandage, s’il a existé, était à la fois imprudent et téméraire. D’un point de vue algérien, cette opération était à très haut risque. L’Algérie n’est pas le voisin préféré du Niger et Bazoum l’a toujours considérée avec méfiance. Pire, le probable futur président était connu pour poignarder l’Algérie dans le dos.

Le mauvais coup de Bazoum contre l’Algérie s’était produit lors d’une grande conférence internationale sur la sécurité à Alger en septembre 2011, organisée par les Etats-Unis pour mettre en avant la menace d’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) dans le Sahel Sahara et pour promouvoir la position de leader de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme dans la région.

Bazoum était présent à la conférence en tant que ministre nigérien des Affaires Etrangères. Bien que nommé seulement cinq mois plus tôt à ce poste, il avait déjà servi en tant que ministre des Affaires étrangères dans les années 1990 et dans l’intervalle, il était resté une figure de premier plan dans le paysage politique du Niger. Pour faire court, il était très familier de l’Algérie, de son régime complexe et de sa duplicité dans la Guerre Globale contre la Terreur lancée par les Etats-Unis avec la complicité algérienne au Sahara en 2003. .

A l’occasion de la conférence, l’Algérie avait répandu sa propagande et ses fausses informations sur les circonstances dans lesquelles elle avait initié la création, en avril 2010, d’un commandement militaire conjoint, le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), dont le quartier général se trouvait à Tamanrasset. Ce commandement réunissait la Mauritanie, le Mali, le Niger et l’Algérie au sein d’un front militaire commun contre le terrorisme.

Le commandement militaire commun entre l’Algérie et le Sahel était une farce, malgré un énorme budget consenti par l’Algérie détourné par quelques généraux corrompus
En réalité, le CEMOC, bien que bien cité par les media internationaux, n’existait que de nom. C’était une farce, avec un énorme budget consenti par l’Algérie puis détourné par quelques généraux corrompus. Pourtant, à ce moment-là, le CEMOC apparaissait comme une composante clé de la campagne de désinformation américano-algérienne faisant la promotion de la Guerre Globale contre la Terreur – et consécutivement de l’instabilité – dans la région.

Le premier à siffler la farce du CEMOC fut le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, qui eut la candeur et le courage de déclarer aux journalistes présents à la conférence que la coopération entre les quatre pays avait été inexistante. « A ce jour », avait dit Bazoum, « le commandement militaire conjoint entre les quatre pays et basé à (…)Tamanrasset a été inexistant. Jusqu’ici, nous ne l’avons pas vu mettre en œuvre une seule opération concrète. »

L’intervention de Mohamed Bazoum, renforcée par d’autres protagonistes, notamment un responsable des services de renseignement français qui qualifiait la conférence d’affichage diplomatique et Mohamed Mahmoud Aboulmaaly, le responsable de publication de Nouakchott Info, également spécialiste d’AQMI, qui était informé de la propagande algérienne, n’est pas passée inaperçue de la presse internationale ni des allés occidentaux de l’Algérie. Associated Press (AP) et News24 se firent l’écho de sa déclaration sous le titre: ‘Un responsable nigérien met en doute les efforts antiterroristes. ’

L’intervention de Mohamed Bazoum fut décisive dans la mesure où elle amplifia la méfiance des services occidentaux face à l’Algérie

L’intervention de Bazoum ne fut pas sans conséquences. Les alliés occidentaux de l’Algérie, surtout les Etats-Unis et le Royaume-Uni, un peu moins la France, commençaient à prendre ombrage du soutien caché du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) au régime de Kadhafi en Libye, ainsi que du soutien croissant du DRS à AQMI au Sahel et au Sahara. Le résultat fut une tension croissante dans les relations entre le DRS algérien et les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ces derniers envisageant même de cesser toute relation avec le DRS. C’est cette détérioration rapide de la relation entre le DRS algérien et ses alliés occidentaux qui, comme expliqué dans Mondafrique, conduisit à la désastreuse attaque d’In Amenas en janvier 2013.
Commentaires