Au Niger, c'est le dimanche 21 février qu'aura lieu le second tour de la présidentielle. En l'absence du président Mahamadou Issoufou (qui se retire après deux mandats), ce scrutin va opposer le candidat du parti au pouvoir, Mohamed Bazoum – qui est arrivé en tête au premier tour avec quelque 39% des voix – et l'ancien président Mahamane Ousmane – qui a obtenu quelque 17% des voix. Il y a donc un écart de 22 points entre les deux challengers. Pourtant, le candidat Mahamane Ousmane y croit, il le dit au micro de RFI.
RFI : Vous êtes arrivé deuxième au premier tour, mais loin derrière Mohamed Bazoum, le candidat du parti au pouvoir, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). Quelles sont vos chances pour ce deuxième tour ?
Mahamane Ousmane : Mes chances sont énormes. À ce vote du second tour, je peux affirmer que je vais gagner.
Vous dites que vous pouvez le gagner, mais il y a quand même 22 points d’écart entre le candidat Mohamed Bazoum et vous…
Oui, dans les chiffres qui sont publiés par une Céni [Commission électorale nationale indépendante] dans laquelle nous n’étions pas. L’opposition n’était pas à la Céni. C’est pour cela que vous avez ces chiffres que j’allais dire bidons. Il y a eu plus d’un million de voix farfelues, bidons. Cette fois-ci, c’est un duel : il y a deux candidats, nous serons présents dans chacun des bureaux de vote. C’est pour cela que je vous dis sans détour que ces élections-là, je vais les gagner.
Alors c’est vrai que vous avez un certain nombre de soutiens. En revanche, vous n’êtes pas soutenu par Seyni Oumarou , le candidat du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), qui est arrivé troisième avec 9% des voix. Et vous n’êtes pas soutenu non plus par Albadé Abouba, du Mouvement patriotique pour la République (MPR), qui est arrivé quatrième avec 7% des voix. Est-ce que vous êtes déçu ?
Déçu, oui. Mais par la suite, cette déception a été effacée, parce que les consignes que les leaders de ces partis ont données sont en train d’être contestées par les militants de base, de leur propre base, qui s’organisent un peu partout dans le pays en se disant : non, nous voterons pour Mahamane Ousmane.
Justement, comment expliquez-vous le virage pro-Bazoum de vos amis, Seyni Oumarou et Albadé Abouba ?
C’est difficile à expliquer. Moi, je ne vais pas parler comme l’homme de la rue.
Vous ne voulez pas parler comme l’homme de la rue, mais celui-ci dit quelquefois que certains candidats ont pu être séduits par des promesses de portefeuille ministériel de la part du favori, Mohamed Bazoum…
Je vois que vous avez déjà (rires)… un certain nombre d’éléments. Mais, moi, je me garde de commenter ces choses-là.
Mais n’est-ce pas le signe que le MNSD, qui est bien implanté au Niger, et que le candidat Albadé Abouba se disent : c’est Mohamed Bazoum qui va gagner, il vaut mieux être de son côté…
Ah, moi, je n’ai pas à fouiner sur les raisons et les motivations qui ont poussé à prendre une option. Puis, le citoyen aussi a son propre jugement.
Mohamed Bazoum, votre adversaire, fait campagne sur la continuité avec Mahamadou Issoufou. Il veut être l’homme qui rassure. Qu’est-ce qui vous distingue de votre adversaire ?
Ce qui me distingue, c’est que moi, je ne suis pas pour la continuité de la mauvaise gouvernance : la continuité de la gabegie, la continuité d’investissements inefficaces et improductifs ; je ne suis pas pour la continuité de l’absence d’éducation. Voilà ce qui nous distingue ! Je suis plutôt le candidat du changement sur la base de l’équité. Voilà ce qui fait notre différence, parce qu’ils ont été mal inspirés [au parti au pouvoir PNDS] de dire aux gens qu’ils vont continuer dans la suite de ces résultats qu’ils ont eus. C’est peut-être ma chance justement, ça a permis aux gens d’apprécier ce que veut dire consolider et avancer dans cette même lancée. Non, nous disons qu’il faut changer. Si je prends la question de l’insécurité, avant l’élection de monsieur Issoufou Mahamadou, un certain nombre d’éléments constitutifs de cette insécurité, comme Boko Haram pour ne pas le citer, n’étaient pas présents sur notre territoire national. C’était plutôt chez nos voisins. Mais avec le style de gestion qu’ils ont adopté, en les défiant et en disant : « Le Niger sera le tombeau de Boko Haram » [Mahamadou Issoufou, février 2015], en posant aussi un certain nombre d’actes, finalement, nous nous sommes retrouvés dans une situation très grave où l’ensemble du pays est soumis à cette insécurité. D’ailleurs, je vous dis que je ne suis pas un novice dans ce domaine-là. Rappelez-vous, j’ai eu à gérer la question des différentes rébellions armées des années 1990. Maintenant aussi, j’ai des nouvelles recettes adaptées à ce nouveau contexte.
Vous avez été invité par l’Office de radiodiffusion télévision du Niger (ORTN) à un débat avec votre adversaire du deuxième tour, il paraît que vous avez dit non. Est-ce que l’homme de la rue ne risque pas de se dire que Mahamane Ousmane a peur d’affronter Mohamed Bazoum dans un face-à-face radiotélévisé ?
Monsieur Bazoum est un philosophe. Moi, je suis un scientifique. Deuxièmement, ça ne servira à rien : nous savons ce que Bazoum a fait, nous savons ce que Mahamane Ousmane a fait. On n’a pas besoin de débat. Les gens qui vivent la situation du Niger depuis dix ans, ils n’ont pas besoin d’un débat d’une heure ou deux entre deux personnalités pour que leur opinion soit faite. Ils sont impatients pour que leur pays puisse émerger et non pas pour consolider, renforcer et continuer, comme le dit le slogan du PNDS [« La continuité pour un Niger meilleur »].