«Nous devons œuvrer, ensemble, avec encore plus d’ardeur, pour traduire nos connaissances et politiques en des actions concrètes», déclare SE. Brigi Rafini
Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
J’ai l’honneur de prendre la parole à ce débat de haut niveau du Conseil de Sécurité des Nations Unies, au nom du Président de la République du Niger, Son Excellence ISSOUFOU MAHAMADOU, qui n’a malheureusement pas pu se joindre à vous pour des raisons d’agenda. C’est pourquoi, il m’a chargé de vous transmettre son soutien et ses vœux de pleins succès au présent débat de haut niveau.
A présent, je voudrais vous livrer le message qu’il a souhaité partager avec vous.
Monsieur le Président,
Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Permettez-moi tout d’abord de saluer le Royaume Uni pour son engagement à maintenir la question des risques sécuritaires liés au changement climatique sur l’agenda du Conseil. Je voudrais également remercier Monsieur Antonio Guterres, ainsi que Nisreen Elsaim, pour leurs interventions et leur ferme engagement à faire prendre en compte l’impact des changements climatiques sur les questions de paix et de sécurité.
Monsieur le Président,
Comme l’ont si bien rappelé le Secrétaire Général et les autres intervenants, l’impact du changement climatique sur la paix et la sécurité, est de plus en plus évident. Il est aujourd’hui indéniable que les phénomènes climatiques inversent la trajectoire de développement, à travers plusieurs régions du monde, amplifiant des crises humanitaires et sécuritaires.
Selon une récente étude de la Banque mondiale, «la raréfaction en eau exacerbée par le changement climatique, pourrait affecter les économies et conduire certaines régions du monde, telle que le Sahel, à enregistrer un recul du PIB de l’ordre de 6%, provoquer des migrations massives des populations et générer des conflits».
En outre, le changement climatique pourrait augmenter la faim et la malnutrition de 20% d’ici 2050 et accroître la pauvreté, en particulier pour les 2,5 milliards de petits producteurs, dont les moyens de subsistance dépendent du climat et de son impact sur leurs conditions de production.
Ainsi, au Sahel, creuset de cette réalité, le changement climatique a intensifié la compétition autour des ressources foncières, fourragères et hydriques déjà en baisse, ce qui a attisé les tensions entre éleveurs et agriculteurs et entravé les efforts de consolidation de la paix et de développement dans la région.
Monsieur le Président,
Mon premier message porte sur notre responsabilité collective de prendre en compte ce défi existentiel visant à un changement de paradigme.
Le changement climatique et la dégradation des terres ne se limitent plus à une question d’ordre environnemental mais s’inscrit désormais, dans une vision plus large, qui lie étroitement les objectifs environnementaux aux objectifs de développement économique et social, et partant, à notre objectif commun qu’est la paix, la stabilité et la sécurité du monde.
Tout comme nous l’avons fait pour la pandémie de la COVID-19, nous nous devons de considérer le changement climatique comme une menace à la paix et à la sécurité, et cela ne doit pas être source de division.
Nous devons œuvrer, ensemble, avec encore plus d’ardeur, pour traduire nos connaissances et politiques en des actions concrètes.
Il est donc important de comprendre les causes, les effets, et la complexité du changement climatique afin, de pouvoir les combattre, car notre objectif n’est pas seulement de gérer les conflits : Nous avons la responsabilité fondamentale de les prévenir.
Sur cette base, mon deuxième message est un appel à l’action à travers une approche intégrée et coordonnée.
Dans le cas des efforts des Nations unies et du Conseil de Sécurité, un investissement accru dans les actions de prévention et d’anticipation dans les États fragiles, pourrait limiter les conséquences humanitaires combinées du changement climatique et des conflits armés.
À cet égard, nous appelons au renforcement de la capacité de ce conseil à comprendre l’impact du changement climatique sur la sécurité par la production d’un rapport régulier du Secrétaire général qui intégrera une analyse approfondie des risques actuels et futurs, ainsi que des recommandations orientées vers l’action.
J’en appelle également à une prise en compte systématique de ces risques dans les résolutions se rapportant à des contextes et situations spécifiques des pays et régions, car cela peut accroître l’efficacité des efforts de consolidation et de maintien de la paix.
En ce sens, je voudrais encourager le Conseil de sécurité à s’appuyer, autant que possible, sur le rôle consultatif de la Commission de consolidation de la paix, ainsi que sur le Groupe d’Experts Informel sur le Climat et la Sécurité co-présidé par le Niger et l’Allemagne.
Ces cadres, de même que les données qui nous sont fournies par les instituts de recherche, nous permettent d’avoir une perspective sur les processus nationaux et régionaux, qui sont autant d’outils pour mieux informer le Conseil de Sécurité sur les implications du changement climatique sur la paix et la sécurité.
De plus, la nomination d’un envoyé spécial du secrétaire général pour le climat et la sécurité nous semble opportune, dans la mesure où elle donnera plus de visibilité et d’efficacité à la prise en compte de cette dimension dans les actions du Conseil.
Monsieur le Président,
Les effets du changement climatique ne connaissent pas de frontières. Nous partageons donc la responsabilité de les gérer collectivement, pour atteindre les Objectifs de développement durable.
Sans de meilleures stratégies d’adaptation et de renforcement de la résilience consacrée à gérer et restaurer notre capital naturel de manière responsable, le changement climatique en Afrique de l’0uest et au Sahel, continuera d’être un facteur important de risques, menaçant les moyens de subsistance des populations des zones rurales, provoquant des migrations forcées, et aggravant les conflits autour de ressources naturelles de plus en plus limitées.
Mon troisième message porte sur l’importance de changer la perception sur les régions les plus affectées par les risques sécuritaires liés au climat, particulièrement le Sahel.
Trop souvent, les récits et discours autour de ces zones, se limitent aux défis et aux vulnérabilités. Ils ignorent les opportunités et les potentiels de ces régions, en termes d’atouts naturels, démographiques et culturels.
Nous avons les capacités de tirer profit de ces opportunités à travers l’innovation technologique et la création d’emplois durables, particulièrement dans les secteurs clés tels que l’énergie et l’agriculture.
L’infrastructure énergétique limitée, la répartition de la population sur un très vaste territoire et l’aridité du climat qui étaient jadis considérées comme autant de conditions désavantageuses constituent désormais un atout pour cette région mais également pour l’Afrique dans son ensemble.
Cette vision peut se concrétiser à condition qu’elle soit soutenue par un engagement ferme et une volonté politique conséquente.
C’est pourquoi, en Afrique et particulièrement dans la région sahélienne, un grand espoir a été placé dans l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le Climat.
Cet Accord a, entre autres, généré une initiative phare en Afrique, adoptée lors du Sommet Africain de l’Action en faveur d’une co-émergence continentale, tenu au Maroc en marge de la COP 22 sur le climat ; en l’occurrence la création des trois Commissions climat pour l’Afrique dont celle de la Région du Sahel, que j’ai l’honneur de présider, et qui regroupe dix-sept (17) pays.
Pour son opérationnalisation, la Commission climat pour la Région du sahel, s’est dotée d’un Plan d’Investissement Climatique d’un coût global d’environ 440 milliards de dollars avec pour objectif de contribuer à l’effort planétaire d’atténuation des émissions de Gaz à Effet de Serre et d’accroitre les capacités d’adaptation et de résilience des populations Sahéliennes.
Il a fait l’objet d’une table ronde pour son financement et d’une réunion consultative de haut niveau que j’ai présidée, le 22 septembre 2019 à New York, réunion qui a enregistré la participation de hautes personnalités dont le Secrétaire Général des Nations Unies.
Pour terminer, je voudrais, au nom de la Commission Climat pour la Région du Sahel, inviter chaque Pays partie à la Convention des Nations Unies sur les changements Climatiques, à jouer pleinement sa partition dans ses rôles et responsabilités, afin de réussir ensemble à inverser la trajectoire du changement climatique.
Le chemin qui reste à parcourir est encore très long ; et les conséquences de l’inaction climatique encore plus désastreuses pour les générations actuelles et futures : Nous devons avancer les yeux ouverts et tous ensemble.