On connait tous le vieux dicton africain qui dit que «en Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle». Avec le décès, le lundi 8 mars 2021 à Dakar, de Djibril Tamsir Niane, à l’âge de 89 ans, on peut véritablement dire que c’est une grande bibliothèque de l’histoire et de la littérature africaines qui a été réduite en cendres.
Djibril Tamsir Niane est une des dernières grandes figures de l’intelligentsia africaine. En effet, à l’image de Cheikh Anta Diop, Amadou Hampâté Ba, Joseph Ki-Zerbo, Wolé Soyinka, Mongo Béti et bien d’autres, il faisait partie des premiers intellectuels du continent à s’être véritablement engagés dans la création des œuvres axées sur la promotion de la culture africaine.
Cette disparition de l’écrivain et historien guinéen vient rappeler à notre mémoire un extrait du célèbre discours prononcé, en 1960 à l’UNESCO, par Amadou Hampâté Bâ. «Je pense à cette humanité analphabète, il ne saurait être question de livres ni d’archives écrites à sauver des insectes, mais il s’agira d’un gigantesque monument oral à sauver de la destruction par la mort, la mort des traditionalistes qui en sont les seuls dépositaires. Ils sont hélas au déclin de leurs jours. Ils n’ont pas partout préparé une relève normale. En effet, notre sociologie, notre histoire, notre pharmacopée, notre science de la chasse, et de la pêche, notre agriculture, notre science météorologique, tout cela est conservé dans des mémoires d’hommes, d’hommes sujets à la mort et mourant chaque jour. Pour moi, je considère la mort de chacun de ces traditionalistes comme l’incendie d’un fond culturel non exploité», disait-t-il. Hélas, force est de constater qu’aujourd’hui, de ces grandes et abondantes bibliothèques africaines, il ne reste plus grand-chose !
Né le 9 janvier 1932 à Conakry, Tamsir est connu comme étant un des plus grands spécialistes de l’histoire du Maliet Mandé, comme en témoigne son œuvre phare «Soundjata ou l’épopée mandingue». Plus connu par ses écrits littéraires et historiques Djibril Tamsir Niane est l’auteur de plusieurs autres œuvres. En 1961, pour certains de ses écrits il a fait la prison, sous le régime de Sékou Touré, le père de l’indépendance guinéenne. Il s’est vu, alors, contraint à l’exil au Sénégal dans les années 1970.
La bibliographie de Djibril TamsirNiane est riche de 13 grandes œuvres, à savoir : ‘’Il était une fois…l’alphabète’’ (1993) ; ‘’Soundjata ou l’épopée mandingue’’ (1992) ; ‘’Histoire des Mandingues de l’Ouest’’ (1989) ; ‘’Soundjata ou l’épopée mandingue’’ (1988) ; ‘’Contes d’hier et d’aujourd’hui’’ (1985) ; « Histoire de l’Afrique authentique 2 » (1977) de Dembo Kanoute avec Djibril Tamsir Niane comme Préfacier ; ‘’Méry’’ (1975) ; ‘’Sikasso ou la dernière citadelle’’ (1967) ; ‘’Sundiata (1965) ‘’Histoire de l’Afrique occidentale’’ (1961) ; ‘’Soundjata ou l’Épopée mandingue’’ (1960) ; ‘’L’Empire mandingue’’, et ‘’Essai sur l’empire de Gao’’
On peut dire que ce grand doyen de la littérature africaine est mort la plume à la main. En effet, son tout dernier écrit date de 2020 avec « Réformes éducatives en Guinée sous Sékou Touré » (2020) de Ibrahima Bah-Lalya, où il a apporté sa riche contribution en tant que post-facier de l’ouvrage.
Comme la plupart des écrivains engagés de l’ère des indépendances africaines, Djibril Tamsir Niane devrait payer le contenu de certains de ses écrits de sa liberté. C’est ainsi qu’en 1961, il connut la prison sous le régime de Sékou Touré, avant de s’exiler au Sénégal dans les années 1970.
Djibril Tamsir fit ses études secondaire à Dakar (Sénégal), puis ses études d’histoire à l’université de Bordeaux (France), où il obtint une licence et un DES en 1959. De retour au pays natal à la fin de ses études, il entama une carrière d’enseignant à l’Institut polytechnique de Conakry avant de rejoindre l’Institut fondamental d’Afrique noire à Dakar. Djibril Tamsir Niane est professeur émérite à l’Université Howard (Washington, D.C.) ainsi que de l’Université de Tokyo.
Il faut également noter que Djibril Tamsir Niane est le père du mannequin Katoucha Niane alias ‘’la princesse peule’’, qui fut l’un des premiers tops models noirs et égérie d’Yves Saint Laurent, avant d’être trouvée morte dans les eaux glacées de la Seine, à Paris, le 1er février 2008.