Dans ce pays où le taux de fécondité est de sept enfants par femme, les hommes sont mis à contribution pour faire évoluer les mentalités.
Si Yakouba Issifi est venu ce jour-là à l’« école des maris », ce n’est pas pour prendre des cours d’algèbre. Sa présence dans cet établissement pas comme les autres est pourtant une question de chiffres : deux, comme le nombre de ses femmes, et neuf, celui de ses enfants. En cette fin février, ils sont une dizaine, comme lui, assis en tailleur sur une natte ombragée par le feuillage d’un margousier. Des « maris modèles », réunis dans la cour du centre de santé de Sona, petite ville rurale au bord du fleuve Niger située à 85 km de la capitale, Niamey, sur la nationale conduisant au Mali.
Pas de cours d’algèbre ni de géométrie, donc, mais une histoire de courbes follement ascendantes formées par les indicateurs démographiques étourdissants du Niger. Des courbes que ces agriculteurs illettrés tentent – avec bien d’autres – de dompter en promouvant dans les villages environnants les règles élémentaires de la santé maternelle, dans l’objectif d’épargner des vies et de limiter les naissances.
Vaste entreprise et question vitale pour le Niger. Outre le plus mauvais indice de développement humain (IDH) au monde, ce pays détient d’autres records que les autorités s’efforcent d’effacer des tablettes. Il y a ainsi cette moyenne de sept enfants par femme. La pente est descendante. En 2000, elle était de 7,7. Mais un tel « indice synthétique de fécondité » alimente un taux de croissance démographique de 3,3 % par an. Autrement dit, le nombre de Nigériens est passé de 3,5 millions en 1960 à 22,5 millions actuellement. Et ils seront 79 millions en 2050, puis 209 millions en 2100 si rien ne change, alors qu’aujourd’hui ce pays sahélien gagné par la désertification ne parvient déjà pas à nourrir toutes ses bouches.
Il y a un autre record, celui des mariages précoces et donc des grossesses. « 30 % des filles sont mariées avant l’âge de 15 ans, 76 % avant 18 ans, 42 % des femmes sont mères avant 17 ans, 75 % avant 19 ans », énumère Abdoulkarim Hachimou, secrétaire général au ministère de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant. Or, dans ce pays sous-équipé en structures sanitaires, accoucher n’est pas sans risque. Toutes les deux heures, une femme meurt en couches ou de leurs suites. Dans le même intervalle, six nouveau-nés perdent la vie. « La situation est intenable et, quoi qu’on fasse, l’économie ne peut pas suivre de tels taux de croissance. Agir est une obligation », explique M. Hachimou.... suite de l'article sur LeMonde.fr