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Allocution de SEM Mahamadou Issoufou ancien président de la république du Niger à l’ occasion de la cérémonie prix mo Ibrahim

Publié le vendredi 4 juin 2021  |  actuniger.com
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© AFP par ISSOUF SANOGO
Le président nigérien Mahamadou Issoufou s`est engagé à ne pas se représenter à la présidentielle de 2020 pour une troisième mandat.
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C’est avec beaucoup d’émotion que je prends la parole à l’occasion de la cérémonie d’attribution du prix Mo Ibrahim pour l’année 2020. Je suis d’autant plus ému que ce prix n’a pas été attribué depuis 2017. Je le suis encore plus, quand je pense à la liste des prestigieux lauréats des années précédentes, parmi lesquels Nelson Mandela dont j’aime à citer les mots suivants : « je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends.» Oui, je suis ému et, en même temps, fier que les membres du comité du prix Mo Ibrahim aient porté leur choix sur moi. A travers moi, c’est l’ensemble du peuple Nigérien qui est honoré.

Mesdames et Messieurs,

C’est avec une vision claire de nos devoirs vis-à-vis du peuple Nigérien que nous étions arrivés au pouvoir en 2011, après vingt ans d’opposition. Nos objectifs, rigoureusement consignés dans le programme de renaissance du Niger, étaient clairs : asseoir des institutions démocratiques fortes et stables, réaliser un taux de croissance économique moyen annuel de 7%, réduire les inégalités, combattre la pauvreté, assurer la sécurité des personnes et des biens, équiper le pays en infrastructures routières, énergétiques, ferroviaires, aéroportuaires, de télécommunication et urbaines, nourrir les Nigériens avec la mise en œuvre de l’initiative « 3N », « les Nigériens Nourrissent les Nigériens », développer le capital humain par la promotion de l’éducation, de la santé et l’accès à l’eau potable, et enfin créer des emplois notamment pour les jeunes.

En dépit d’un contexte difficile, caractérisé par des défis multiples et apparemment insurmontables : défis sécuritaire, climatique, démographique, défi de la baisse des prix des matières premières et défi sanitaire avec notamment l’apparition de la pandémie de covid19, les promesses que nous avions faites au peuple Nigérien ont été tenues dans leur globalité.

Ainsi en est-il de la mise en place d’institutions démocratiques fortes et stables. Nous nous sommes efforcés, pendant dix ans, de mettre en place un Etat efficace, en installant et en faisant fonctionner ses institutions dans le respect de la règle de la séparation des pouvoirs, en renforçant les capacités en ressources humaines à travers la formation et le recrutement, en améliorant l’accès à la justice et la qualité des services judiciaires, en renforçant les actions de promotion des droits humains, ce qui a valu à notre pays le prix de la lutte contre la traite des personnes en 2019, prix décerné par l’Union Européenne, la CEDEAO et le Centre International des Politiques Migratoires. Notre pays a également été cité comme un « modèle de bonnes pratiques » en matière de respect des droits humains lors de la 17ème session du Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies. Nous avons aussi amélioré la gouvernance politique et administrative centrale et locale, progressé dans la lutte contre la corruption, garanti les libertés notamment la liberté de la presse. Nous avons promu l’Etat de droit en évitant de triturer nos lois, notamment notre Constitution, et réalisé la première alternance démocratique de l’histoire de notre pays. Cette alternance prouve que le Niger n’a pas besoin d’homme fort ou providentiel mais d’institutions fortes. Cette alternance permet à notre pays de détribaliser et de moderniser la politique. Elle nous permet de mettre en relief cette dimension mystique qui caractérise la politique dès lors qu’elle se fait autour des valeurs.

Nonobstant les progrès réalisés, je demeure conscient que nos institutions démocratiques ne sont pas à l’abri de tentatives de déstabilisation, comme l’illustrent les évènements de la nuit du 30 au 31 mars dernier. Nous devons donc continuer à renforcer l’Etat car sa faiblesse est souvent une des causes de l’échec des démocraties. En effet, seul un Etat démocratique fort peut garantir à la fois l’ordre et la liberté. Sans un Etat démocratique fort, rien de grand ne peut être construit.

Mesdames et Messieurs,

L’amélioration de la solidité des institutions démocratiques de notre pays, pendant ces dix dernières années, a contribué à sa stabilité macro-économique : durant cette période, notre pays a enregistré un taux moyen de croissance économique annuelle de 6% de son PIB, en dépit des effets de la pandémie de covid19, sans laquelle l’objectif de 7%, retenu par le Programme de renaissance, eût été atteint ; l’inflation et le déficit budgétaire ont été maîtrisés ; l’endettement est resté modéré. Il faut souligner fortement que la croissance économique a été inclusive, ce qui s’est traduit par une réduction de la pauvreté et un renforcement de la classe moyenne. La pauvreté étant rurale et féminine dans notre pays, la croissance économique a permis de réduire les inégalités entre villes et campagnes ainsi que la vulnérabilité des femmes.

Mesdames et Messieurs,

Nos institutions démocratiques font face depuis six ans aux assauts de forces terroristes et criminelles. Dans cette épreuve, notre armée a donné la preuve qu’elle est la colonne vertébrale de l’Etat. Nous en avons fait la troisième armée de l’espace CEDEAO après celles du Nigéria et du Ghana. Nous avons doublé ses effectifs, renforcé sa formation, son entraînement, son équipement, et amélioré ses conditions de vie et son moral. Les forces spéciales occupent, de jour en jour, une place plus forte en son sein. Les ressources financières allouées au secteur de la sécurité ont représenté en moyenne annuelle 17% des ressources budgétaires contre 10% prévu au Programme. L’importance des ressources affectées à ce secteur m’a amené à le faire auditer, ce qui a permis de mettre à jour des irrégularités et d’en saisir les tribunaux. Il s’agit là de l’expression d’une forte volonté de bonne gouvernance, non seulement du secteur de la sécurité, mais aussi de l’ensemble des secteurs de l’Etat. Tous les efforts consentis, que je viens de rappeler, ont permis d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Bien que le combat soit mené sur plusieurs fronts, de la frontière de la Libye à celle du Burkina, en passant par celles du Mali et des pays du bassin du lac Tchad, aucune portion de notre territoire n’est occupée par les organisations terroristes. Ce résultat nous le devons non seulement aux mesures hardies pour renforcer nos capacités opérationnelles et de renseignement, mais aussi aux efforts de notre diplomatie qui a su permettre à notre pays de nouer les alliances qu’il faut pour vaincre le terrorisme et le crime organisé. Par ailleurs, dans ce combat, nous n’avons pas perdu de vue le nexus sécurité -développement et droit humain.

Mesdames et Messieurs,

Le taux d’investissement, par rapport au PIB, a été en moyenne annuelle de 30% environ entre 2010 et 2020.

Les investissements ont concerné le secteur pétrolier dont l’expansion ouvre de belles perspectives pour le pays.

Ces investissements ont concerné le secteur des infrastructures. Ainsi, des milliers de kilomètres de routes bitumées et rurales ont été réalisés, la construction du chemin de fer Niamey-Cotonou a été amorcér, des milliers de kilomètres de fibre optique ont été posés afin que notre pays ne soit pas en marge de la révolution numérique, la puissance électrique installée a été accrue, des centaines de villages ont été électrifiés, la construction d’un barrage hydro-électrique sur le fleuve Niger est en cours, des aéroports, notamment celui de Niamey, ont été modernisés, un nouvel aéroport a été construit, plusieurs villes ont été modernisées, notamment Niamey avec ses échangeurs, son troisième pont, ses rues bitumées et électrifiées ainsi que ses hôtels et centres de conférences.

Des investissements importants ont aussi été réalisés dans le secteur agro-pastoral pour la mise en œuvre de l’initiative 3N « les Nigériens Nourrissent les Nigériens », dont l’objectif est la « faim zéro » au Niger. Cette initiative nous a permis, dès 2013, d’atteindre deux cibles des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) : la réduction de moitié des personnes qui souffrent de la faim et la réduction de la mortalité des enfants de moins de cinq ans. Sécheresse n’est plus synonyme de famine au Niger. L’initiative 3N a fortement contribué à créer des emplois dans les campagnes, à réduire l’exode rural et la pauvreté, surtout chez les femmes. Du reste, cette stratégie a été reconnue comme un modèle par la FAO et elle a reçu, en 2017, le prix de la meilleure politique d’avenir, prix attribué par le World Future Council et par la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification. Elle intègre les mesures contenues dans notre Contribution Déterminée au niveau National et donc nous permet d’honorer nos engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris sur le Climat.

Des investissements importants ont été également réalisés dans le développement du capital humain. Pour atteindre l’objectif de l’école gratuite et obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, nous avons construit presqu’autant de classes en dix ans que pendant les cinquante premières années de notre indépendance. Nous avons formé et recruté des dizaines de milliers d’enseignants. Nous avons fait passer la proportion des enfants orientés vers les centres de formation professionnelle et technique de 8% en 2010 à 39% en 2021. Nous avons créé quatre nouvelles universités. Des centres de santé, des hôpitaux (dont deux de référence), des maternités ont été créés. Des médecins, des infirmiers et infirmières ont été recrutés. Le Niger est un des rares pays à avoir su contrôler la pandémie de covid19 en dépit de ses moyens relativement limités.

C’est le lieu de souligner que l’éducation et la santé sont, pour nous, deux instruments essentiels pour créer les conditions de la transition démographique : à travers respectivement le maintien des jeunes filles à l’école au moins jusqu’à l’âge de 16 ans pour éviter les mariages et les grossesses précoces et à travers la santé de la reproduction.

Pendant la décennie, enfin, des millions de Nigériens ont eu accès à l’eau potable et à l’assainissement.

Mesdames et Messieurs,

Les ressources internes et externes mobilisées pendant la décennie correspondent à plus de 96% des prévisions, ce qui est remarquable. Ces ressources, allouées aux différents secteurs prioritaires que je viens d’évoquer, ont permis de créer des centaines de milliers d’emplois, notamment en faveur des jeunes. Une partie de ces ressources a aussi servi au financement des plans annuels de soutien aux couches vulnérables, à la capture du dividende démographique, à l’autonomisation des femmes. Des mesures importantes ont été prises en vue de l’émancipation de celles-ci, notamment celles relatives aux quotas qui leur sont réservés dans les nominations (30% au moins) et dans les mandats électifs (25% au moins), sans oublier la stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre, la stratégie nationale de l’autonomisation économique de la femme, la politique nationale du genre, l’initiative spotlight.

Mesdames et Messieurs,

En dix ans, notre pays a connu une importante transformation. Cette transformation va s’amplifier avec l’expansion du secteur pétrolier dans les années à venir. Malgré cet atout, le Niger offre un marché trop étroit pour accélérer le rythme de son développement et atteindre l’émergence. Voilà pourquoi nous nous sommes impliqués, ces dix dernières années, dans le processus d’intégration continentale. Voilà pourquoi j’ai accepté d’être, avec le Président du Ghana, champion pour la monnaie unique de la CEDEAO. Voilà pourquoi j’ai accepté aussi d’être champion de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZELECAf), dont l’accord a été préparé, négocié, signé et ratifié dans des délais sans précédent dans l’histoire de notre organisation continentale. Voilà pourquoi je suis un fervent militant de l’agenda 2063 de l’Union Africaine qui décrit l’Afrique que nous voulons au moment où nos petits-enfants fêteront le centenaire de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Ce sera dans 42 ans. Or, si rien ne change, un pays comme le Niger, qui a réalisé, dans cette dernière décennie, des taux moyens de croissance économique et démographique respectivement de 6% et 4%, attendra 85 ans pour voir son revenu par habitant approcher le plancher des revenus des pays émergents. Par conséquent, le Niger et la plupart des pays Africains, à moins d’accélérer les progrès dans l’amélioration de la gouvernance et sous réserve d’avoir la paix, des régimes politiques stables, une croissance économique plus forte et une transition démographique achevée, ne seront pas au rendez-vous du centenaire, celui de l’émergence de notre continent.

Aussi, l’initiative, prise en 2006, par le Dr Mo Ibrahim de créer la Fondation Mo Ibrahim pour soutenir la bonne gouvernance et le leadership de qualité sur le continent Africain est-elle à saluer. Milliardaire en dollars, le Dr Mo Ibrahim, qui pouvait se contenter de multiplier sa fortune, s’est montré sensible aux conditions de ceux qui n’ont pas sa chance : ainsi, proche de ses employés, il leur distribuait des bonus sous forme d’actions. Par ailleurs, la création, en 1998, de Celtel, un des opérateurs économiques majeurs en Afrique, la création, en 2006, du fonds d’investissement Satya capital consacré à l’Afrique, son soutien, en 2010, à une initiative des Nations Unies visant à étendre les bénéfices des services du haut débit aux populations non connectées, la publication de l’indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique, qui établit un classement des performances réalisées par les 55 pays Africains, sont, sans être exhaustif, autant d’actions menées en faveur du développement du continent. Le Dr Mo Ibrahim est le modèle de capitaine d’industrie dont l’Afrique a besoin pour réaliser l’agenda 2063.

Mesdames et Messieurs,

L’Afrique a plus que jamais besoin de commerce et d’investissements. L’Afrique a besoin d’accroître non seulement le commerce intra-africain, mais aussi sa part dans le commerce mondial. Pour y parvenir, l’Afrique doit produire davantage, développant les chaînes de valeur, ce qui suppose des investissements massifs. En plus, il faut changer la gouvernance politique et économique mondiale, afin qu’elle soit plus démocratique. Cela permettra d’éviter des erreurs comme celles commises en Libye et en Irak que les pays du Sahel et du bassin du lac Tchad paient cher aujourd’hui. Cela permettra de mieux lutter contre les inégalités et la pauvreté. Comme les changements de paradigme ont toujours eu lieu à l’occasion des crises, comme l’illustrent le cas des deux guerres mondiales et de la crise de 1929, d’une part, et celui des deux chocs pétroliers des années 1970, d’autre part, la pandémie de covid 19 doit être l’occasion d’opérer un tel changement. L’Afrique doit contribuer à ce débat qui sera l’occasion pour elle de redéfinir son propre modèle de croissance. Je sais que, dans la perspective de cette redéfinition, la fondation Mo Ibrahim est déjà dans le débat. La Fondation Issoufou Mahamadou (FIM), dont le but est la promotion de la paix, de la démocratie, du panafricanisme, du climat, du capital humain et du climat, tentera d’apporter aussi sa modeste contribution.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de saluer et de remercier pour leurs messages personnels, qui me vont droit au cœur, SEM Mohamed Bazoum, Président de la République du Niger, M Antonio Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies, M. Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union africaine, Mme Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne, ainsi que toutes celles et tous ceux que je n’ai pu citer pour leur participation au présent évènement. Je remercie le président Festus Mogae et les membres du Comité du Prix Mo Ibrahim qui ont bien voulu porter leur choix sur ma modeste personne. Je salue et félicite Mo Ibrahim ainsi que la Fondation Mo Ibrahim pour leur soutien multiforme qu’ils apportent au processus d’émergence de notre continent.

Je vous remercie de votre aimable attention
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