Le principal parti au pouvoir aura beaucoup de soucis à se faire dans les tous prochains jours, au regard de la forte mobilisation faite autour du MNSD Nassara, dimanche dernier, jour de la célébration de son 22ème anniversaire. Ce jour là, ce sont des milliers de personnes qui se sont données rendez-vous au Palais du 29 juillet, pour apporter leur soutien au parti de Tandja Mamadou qui a fait exceptionnellement le déplacement pour honorer de sa présence à cette importante manifestation. A l’occasion, le PNDS a vibré par son absence.
Quant à Hama Amadou, dont la présence a été une surprise, il n’a pas manqué de rappeler à ses anciens compagnons qu’il fut un produit du MNDS/Nassara et profiter de l’occasion pour leur faire un clin d’œil, avec des échanges avec Seïni Oumarou et Tandja. Ces « salamalecs » entre « compagnons » d’hier, dont les soucis se rejoignent, et que s’ils perdurent, risqueraient d’avoir des conséquences à travers un isolement du « Guri » avant les prochaines joutes électorales. Le Président Issoufou qui fêtera dans trois jours ? son deuxième anniversaire à la tête de l’Etat est-il conscient de cette nouvelle donne? La question mérite d’être posée au regard du tableau sombre de sa gestion, dressé par les différents intervenants à cette cérémonie.
De l’absence du PNDS à la cérémonie et le clin d’œil de Hama
La célébration du 22ème anniversaire du MNSD/Nassara a donné l’occasion à la classe politique nigérienne, toute tendance confondue, de se retrouver un temps soit peu, dans un cadre conviviale, pour témoigner de sa grande maturité, en dépit des divergences qui opposent les uns aux autres. Et c’est ce même moment qu’a choisi le PNDS, principal parti au pouvoir, pour marquer de la plus mauvaise des manières, son absence à cette manifestation, malgré toutes les invitations qui lui ont été envoyées, selon nos sources.
Le PNDS a ainsi raté une occasion, non seulement pour s’affirmer en tant qu’actuelle première force politique au Niger, surtout qu’il est de notoriété publique qu’au Niger, aucun parti politique ne peut se prévaloir à lui seul d’une majorité, mais aussi pour rendre les civilités au moment où certains leaders se bousculent pour marquer de leur présence à cette cérémonie. De quelle excuse les responsables du PNDS vont-ils se prévaloir pour justifier leur absence à cette manifestation ? Cet état de fait aura certainement des répercussions très négatives dans les rapports entre ces deux forces sur l’échiquier politique national.
Une situation que l’allié de Issoufou mettra à profit pour se faire une bonne image auprès de son ancienne formation politique, le MNSD/Nassara à qui il ne manquera pas de faire un clin d’œil.
« En me retrouvant avec le MNSD/Nassara dans cette salle, ce sont des souvenirs multiples qui m’assaillent. Je me rappelle particulièrement de la Conférence nationale qui nous avait réuni ici dans cette salle. Et à l’époque, je défendais les couleurs du MNSD/Nassara. Pendant 98 jours, nous avons eu à échanger avec les forces d’opposition de l’époque que l’on nommait CCLD et autres, et dans lesquels se trouvaient la plupart des partis politiques d’aujourd’hui. (…) C’est vous dire Mesdames et Messieurs qu’un pan de ma vie reflète encore cette intimité, cette histoire que j’ai vécue au sein du MNSD/Nassara. Pour certains, ces moments pourraient être effacés, oubliés, par dépit, par rancœur ou par rancune. Mais je voudrais vous dire sincèrement que si je suis venu ici, c’est pour dire aux militantes et militants du MNSD Nassara que je suis un musulman. Et un musulman apprend à oublier et à pardonner les torts qui lui ont été causés. Donc, je voudrai vous dire que ma présence ici signifie simplement que je suis toujours dans l’esprit et dans le cœur, un produit du MNSD/Nassara. Il est vrai qu’aujourd’hui, l’histoire politique de notre pays m’a conduit à créer un autre parti, le Mouvement démocratique nigérien (Lumana Africa). Mais c’est l’histoire, ce sont les événements de la vie, les impondérables, les analyses incertaines qui nous ont tous conduit à cela. Ce que je souhaite au nom de mon parti, c’est qu’il n’y ait pas d’un côté comme de l’autre, aucune rancune, aucun esprit vindicatif entre les militants du MNSD et ceux de Lumana Africa», a déclaré Hama Amadou.
En faisant ce clin d’œil au MNSD, Hama Amadou a probablement voulu profiter de l’absence de son allié pour pouvoir s’affirmer, malgré que dans le déroulement de la cérémonie, une allocution de sa part n’était pas prévue. Il a fallu selon nos sources, que le président du Lumana envoie un émissaire pour demander à prendre la parole auprès du comité d’organisation et pouvoir prononcer son allocution.
Hama Amadou a ainsi cherché à corriger une erreur qui a glissé dans le spot publicitaire de cette célébration qui avait occulté son passage au MNSD/Nassara. L’occasion pour lui de réitérer son pardon à tous ceux qui lui ont causé du tort, mais il oublie de s’interroger si le pardon était mutuel ou pas. Ce d’autant plus que dans le cadre de la bataille pour le contrôle du parti, Hama Amadou a eu souvent des mots très durs envers ses anciens compagnons, notamment l’actuel président du MNSD, Seïni Oumarou qu’il estime avoir « fabriqué ». Pour cela, il aurait dû également demander pardon pour les torts qu’il a lui-même causés aux autres, surtout qu’avec certains membres du Bureau politique national du MNSD, le torchon continue encore à brûler avec le président du Lumana.
Il est clair que Hama Amadou a voulu effacer comme par un coup de baguette magique, toutes les rancœurs qui existent entre lui et certains membres de son ancien parti politique qu’il admire tant, comme le ferait un homme qui cherche à se réconcilier avec son ex-femme. Il ressort ainsi des enseignements tirés de cette manifestation quant à la participation des partis politiques, que le PNDS a laissé le champ libre à son allié qui en a profité, en cherchant à marquer des points dans le cas d’une éventuelle recomposition de la classe politique nigérienne. Ce détail vaut son pesant d’or.
Convergence entre le Lumana et l’opposition
Des différents discours qui ont été prononcés au cours de la cérémonie anniversaire du MNSD/Nassara, il ressort de façon claire qu’il y a une certaine convergence de point de vue entre les partis politiques de l’opposition, regroupés au sein de l’ARN et le Lumana FA, en ce qui est de l’appréciation de la gestion du régime de la 7ème République sous le mandat du Président Issoufou.
Il y a d’abord les critiques négatives du président du CDS Rahama qui a dressé un tableau au vitriol de la gestion du pouvoir par le régime de la 7ème République en deux ans de règne. « La gestion actuelle du pouvoir d’État nous plonge délibérément au cœur de graves pratiques frauduleuses et anticonstitutionnelles. Ce triste constat intervient au moment où les autorités de la 7èmeRépublique s’apprêtent à célébrer, le 7 avril prochain, le deuxième anniversaire de leur accession au pouvoir d’État », a souligné le président de l’ARN, Mahamane Ousmane. A cela, il faut ajouter les critiques de Seïni Oumarou contre le régime Issoufou et qui, à l’occasion, cite les mêmes critiques, déjà faites par le principal allié dans la gestion de ce pouvoir qui se trouve également être la deuxième personnalité du pays, lors de la cérémonie de clôture de la session budgétaire pour l'année 2013. Devant le parlement et un panel de personnalités internationales, l’homme avait dressé un tableau sombre de leur gestion des affaires publiques qui se caractérise par: « Une contre performance des services administratifs dans la mobilisation des ressources et une faible consommation des crédits de fonctionnement et d'investissement; une incapacité des services administratifs à consommer les ressources mises à leur disposition par les partenaires extérieurs; une incapacité à mobiliser les fonds de contrepartie sur le budget national pour accéder aux financements extérieurs; une propension dans la corruption et le détournement des deniers publics; un rythme de revendications matérielles qui se succèdent et ne finissent pas, etc. ». Pourtant, le premier magistrat de la République, pense quant à lui, tout à fait le contraire de son allié principal, a fait remarquer le président du MNSD/Nassara.
Les inquiétudes du « Guri »
Dans ce climat marqué par une convergence entre les partis de l’opposition et le principal allié du PNDS concernant la gestion des affaires sous la 7ème République, il est bien clair que les inquiétudes du « Guri » et du Président de la République montent d’un cran.
En effet, il est aujourd’hui clair qu’un fil conducteur est en train d’unir l’opposition et le Lumana eu égard aux multiples critiques du président de ce parti à l’encontre de son propre régime. Le Président de la République et son parti se retrouvent de façon indirecte dans une situation de minorité où dans leur propre camp, ils font face à une opposition, souvent plus critique que l’ARN.
Une situation qui doit inquiéter le PNDS et ses alliés les plus fidèles, car cette convergence de point de vue pourrait bien déboucher sur une mise en place d’une stratégie visant à mettre en difficulté le régime et entraîner de fait, un cataclysme politique dont le seul perdant sera le PNDS Tarayya. Au regard de la situation ainsi décrite, l’on est en droit de s’interroger sur l’attitude préventive que va adopter le PNDS pour faire face à toute éventualité? Une question qui s’impose avec autant d’acuité que la victoire appartient à ceux qui savent prévoir.