Le philosophe romantique du siècle des Lumières, Jean-Jacques Rousseau, écrivait cette mémorable maxime : « Nul ne veut le bien public que quand il s’accorde avec le sien ». Quant au grand prophète de l’Islam (PSL), il enseignait, dans un hadith authentique, que « chacun de nous est un berger, et répondra, le jour de la résurrection, de ce qu’on lui aura confié sur cette terre ».
Ayant compris le mieux la gravité et la profondeur de cette parole prophétique, le deuxième Calife de l’Islam, Omar Ibn Khatabb, s’était imposé une discipline de fer dans l’utilisation des biens de la Oummah, une véritable éthique de gestion publique à enseigner dans toutes les facultés de management du monde. On raconte qu’il disposait de deux lampes à son palais pour s’éclairer la nuit. Quand un visiteur venait le voir, il lui demandait s’il s’agissait d’une affaire publique ou d’une affaire privée. Si la question concernait la Communauté, il allumait alors la lampe dédiée aux affaires publiques ; si, au contraire, cela concernait une affaire personnelle, il sortait dans ce cas sa lampe privée qu’il avait achetée pour ses besoins privés. Voilà un exemple éloquent d’éthique de gestion de la chose publique qui remonte au haut Moyen-âge, mais qui pourrait encore inspirer davantage tous ceux qui ont la charge, aujourd’hui, de la gestion des biens de l’Etat !
Hélas, de nos jours, ce culte voué à la chose publique est en train de prendre un sérieux coup, au regard de certains comportements collectifs et individuels observés dans l’utilisation des moyens de l’Etat mis à la disposition de certains responsables politiques et administratifs. Afin de bien remplir les missions qui leur sont confiées, des responsables politiques et administratifs bénéficient souvent d’une dotation en matériels roulants comme les véhicules de service ou autres commodités entrant dans l’exercice de leurs fonctions. Mais, aujourd’hui, on observe, de plus en plus certains abus criards dans l’utilisation de ces moyens de l’Etat. Pour illustrer nos propos, il nous plairait d’évoquer le cas récent de cette responsable d’une des grandes institutions de la République, qui, à l’occasion du déplacement du Président de la République dans la région de Diffa, a cru nécessaire de s’y rendre pour accueillir l’illustre hôte du Manga.
A priori, rien d’anormal dans cette décision, personnelle ! Mais le hic dans cette banale affaire, c’est que ce déplacement privé se serait effectué avec les moyens de l’Etat, notamment avec les véhicules de l’institution ainsi que des membres du staff rattaché à son cabinet ! Dans ces conditions, le déplacement, qui était censé être privé, prend la forme d’une mission officielle, avec tout ce que cela pourrait engendrer en termes d’incidences financières pour l’institution.
Ce cas est loin d’être isolé, car, il est devenu monnaie courante chez la plupart des dépositaires des biens publics en général. Combien de fois n’a-t-on pas assisté à la transformation pure et simple d’un véhicule de service en véhicule de corvée familiale transportant la ‘’Grande dame ‘’ aux mariages ou baptêmes ou encore déposer les enfants à l’école ? On a même vu des véhicules portant des immatriculations administratives carrément transformés en véhicules de ‘’courses familiales’’! Comme on le voit, l’utilisation abusive des biens de l’Etat ne se cache même plus, cela fait partie désormais des privilèges affichés au grand jour, et plus personne ne semble s’en offusquer.
Pourtant, les biens de l’Etat ne doivent être utilisés que dans le cadre strict des besoins du service pour lesquels leur affectation a été décidée par la loi. Le respect quasi- religieux de ces conditions d’utilisation n’est point une chose impossible, dans la mesure où, à une certaine époque, des circulaires administratives étaient régulièrement prises pour en réglementer l’utilisation. Par exemple, sous le régime du Conseil Militaire Suprême du pointilleux Général Seini Kountché, au-delà de 21 heures, aucun véhicule administratif n’avait le droit de circuler sauf muni d’une autorisation spéciale. Les agents de Police chargés de la circulation postés aux différents carrefours des villes avaient pour mission d’enregistrer les numéros de tous véhicules administratifs contrevenant à cette réglementation.
Aujourd’hui, à la lumière du changement de comportement que souhaiterait apporter le premier magistrat du pays qui montre d’ailleurs, chaque jour, une certaine sobriété dans l’utilisation des moyens de l’Etat, comme l’allègement du protocole à l’aéroport, ou encore de la diminution de la taille de sa délégation qui l’accompagne à chacun de ses déplacements, l’on ne saurait tolérer la permanence de ces pratiques qui nuisent profondément aux ressources publiques et surtout, à un moment où l’on demande au commun des Nigériens de se serrer la ceinture. Les responsables politiques et administratifs actuels, utilisateurs des moyens de l’Etat, devraient donc se ressaisir et adopter un comportement plus responsable et surtout reflétant la volonté présidentielle d’induire un changement positif de mentalité dans la gouvernance politique et administrative.
Si le Président Bazoum s’est soumis lui-même à cette austérité, est-il alors normal qu’une responsable d’une institution de la république se comporte de la sorte, c’est-à-dire en contradiction flagrante de la volonté du Président Bazoum ? Non certainement, car, à l’heure où l’orthodoxie et l’austérité budgétaire doivent retrouver de nouvelles couleurs, il serait inadmissible que de telles pratiques perdurent encore au sein de la société.
Que ceux qui n’ont pas encore compris l’adage qui dit que ‘’lorsque le rythme change, la danse doit aussi changer’’, le sachent bien : désormais, personne ne passera plus dans les mailles de l’impunité ! La main sur le cœur, le Président Mohamed Bazoum en a fait son sacerdoce : ni le parti, ni la région ou les relations de proximité ne seront d’aucun secours pour tous ceux qui se montreront indélicats dans l’utilisation des moyens de l’Etat pour des fins personnelles. Que ceci soit entendu !…