Qu’est-il arrivé au Niger contemporain pour ne plus être capable d’organiser des examens scolaires et autres concours de sélection dans des conditions régulières, sans recourir aux fraudes et à la tricherie ? On ne peut plus organiser de concours ou d’examens au Niger sans recourir à la supervision de la HALCIA. C’est tout simplement terrible !
C’est par cette grave et importante question que nous débuterons la réflexion du jour, qui a trait à la grande problématique des fraudes aux examens scolaires au Niger, une plaie sociale symptomatique d’une société malade du point de vue moral ; une société qui semble avoir perdu tous ses repères moraux, une société obnubilée par la réussite scolaire à tout prix de ses enfants, peu importent les moyens pour y parvenir.
Encore, encore et toujours, comme un serpent de mer, les années se suivent, la fraude aux examens scolaires et aux concours d’entrée à la Fonction publique ne fait que s’installer durablement dans les mentalités, pour prendre, aujourd’hui, des proportions inquiétantes dans notre pays !
Aborder une telle problématique dans un éditorial relèverait de la gageure intellectuelle, tant le phénomène de la fraude aux examens scolaires pose à l’observateur une série de questions auxquelles il devrait répondre dans la perspective de mieux en appréhender les causes et les symptômes. Pour notre part, nous envisagerions de placer le curseur sur une mutation sociétale dangereuse apparue ces dernières années dans le pays, plus précisément, l’effondrement de certaines valeurs sociales qui remonte aux premières heures de l’expérience démocratique dans notre pays, au début des années 90.
Mais, que l’on se comprenne bien ici, il ne s’agissait pas de la simple tricherie scolaire qui a existé de tous temps et en tous lieux, mais bien de la fraude qui se pratique à une plus grande échelle et qui est savamment préparée par de spécialistes en la matière contre espèces sonnantes et trébuchantes. Cette fraude-là pourrait avoir une date de naissance bien précise, dans son processus de formation et de propagation, elle est apparue sous l’ère démocratique. On raconte qu’à une certaine époque, au Niger, les épreuves du bac et du BEPC se monnayaient sur un marché de la place, au vu et au su de tout le monde. L’on se rappelle également que le premier concours de recrutement à la Fonction publique annulé pour raisons de fraudes massives date de cette période trouble. Il s’agissait, en l’occurrence du concours de recrutement d’agents des douanes, qui avait été purement et simplement annulé, car tous les déclarés admis provenaient d’une seule région administrative du Niger !
Comment en-est-on arrivé là ? Il est vrai, la fraude aux examens scolaires trouve d’abord son explication dans l’effondrement de l’école publique nigérienne. Dans une de nos précédentes livraisons, un article de votre journal avait été consacré à cet aspect de la question. Mais, ce que nous voudrions surtout souligner dans cet édito, c’est la faillite morale collective de la société nigérienne dans son ensemble face au renversement actuel de notre table de valeurs sociales, marquée par une désintégration sociale accélérée et un effondrement cataclysmique de la morale publique et individuelle.
Le paradoxe, ou mieux, l’aberration, viendrait du fait que ce sont les parents d’élèves eux-mêmes qui volent au secours de leurs progénitures en difficultés scolaires pour leur assurer l’admission aux examens en recourant à la fraude, par l’achat à prix d’or des épreuves des examens, issues des fuites administratives, ou en soudoyant de correcteurs véreux. Mieux, parfois, ce sont des parents lettrés, qui doivent tout à la bonne école, à l’école publique dans toute sa noblesse, l’école fondée sur ‘’méritocratie’’ qui choisissent ce raccourci honteux pour leurs enfants, en croyant que cela leur ouvrirait les portes de la réussite académique, et plus tard, professionnelle. Illusion suprême ! Egarement total ! Régression morale !
A la vérité, le recours massif aux fraudes aux examens scolaires et autres concours de sélection n’est que la traduction de la décadence morale générale à laquelle est en proie la société à tous les échelons. S’il y a une seule chose dans la vie dont on ne puisse pas hériter, c’est bien le savoir, la connaissance tout simplement. Pour acquérir ce bien précieux, ce ne sera ni par le biais du commerce, ni par les armes c’est-à-dire par la force, mais bien par l’apprentissage, c’est-à-dire en allant à l’école ou en fréquentant un précepteur. C’est uniquement de cette façon et pas autrement que les parents d’élèves devraient envisager l’avenir de leurs enfants, c’est-à-dire en veillant scrupuleusement sur la scolarité de leurs rejetons et les moyens de leur perfectionnement.
Le Président Mohamed Bazoum, enseignant de formation, est mieux placé que tout autre Nigérien pour comprendre et mesurer l’urgence et la dimension de placer la réhabilitation et la revalorisation de l’école publique nigérienne qui passe d’abord par la sécurisation des examens scolaires et autres concours en promettant la tolérance zéro contre tous éventuels indélicats, aussi bien du côté des élèves que des enseignants ou autres intervenants administratifs. A cet effet, les sanctions doivent être dures, très dures, d’une sévérité telle qu’il ne puisse plus y avoir de récidive ou de nouvelles tentatives de fraudes.
Si le mal s’est amplifié, c’est simplement dû au laxisme des pouvoirs publics et surtout à l’absence de sanctions à la hauteur du crime. Il n’existe point de méthodes particulières pour combattre la fraude : qu’il s’agisse de la fraude douanière, fiscale, sportive ou scolaire, seule la répression conduit à la pédagogie. C’est pourquoi les dernières arrestations opérées lors des épreuves du Bac édition 2021 devraient constituer un véritable signal positif à l’endroit de potentiels candidats aux fraudes, mais à la condition que ce ne soit pas de simples lampistes qui paient à la place des gros poissons !
Il faut oser espérer que face à la farouche détermination du premier magistrat du pays, les fraudes aux examens scolaires et autres concours ne seront plus que de simples souvenirs lointains d’un passé à jamais révolu. Le nouveau pacte social qu’il entend construire avec les partenaires sociaux aura donc pour centre de gravité la réhabilitation et la refondation de l’école publique nigérienne pour éduquer et instruire les citoyens d’aujourd’hui et de demain. Comme vous le savez, l’école et la structure familiale sont les deux piliers essentiels de la société. De leur bonne marche dépend tout le reste. C’est pourquoi le Président Bazoum accorde une attention particulière à ces deux institutions. D’abord la famille, qui est le lieu de la première éducation, ensuite l’école qui est au bout de la chaîne de formation citoyenne.
Au demeurant, le destin de l’école publique nigérienne dépendra fortement de la volonté politique clairement affichée à son égard par le Président Mohamed Bazoum. Sur cet aspect, l’on peut être assuré que l’engagement présidentiel ne faillira point et sera total, car, le Président-philosophe est dans son jardin en matière d’éducation. Enseignant de métier, il est aussi donc jardinier des intelligences ! A lui donc de bien labourer le jardin de l’école nigérienne comme le fit le vieux ‘’Laboureur et ses enfants’’ de la célèbre récitation de la Fontaine !
Pour conclure, sur une note d’espoir, gageons que l’ensemble de nos compatriotes auront compris la nécessité absolue de revoir leur conception de l’école et de ses finalités pour comprendre que l’école n’est en fin de compte que le fidèle reflet de l’état de notre société : lorsque la société est vertueuse, l’école l’est aussi ; lorsque la société est moins vertueuse, l’école l’est aussi !