De l’avis de certaines analyses et des études réalisées, le Niger est le pays de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et de la communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui utilise le moins d’engrais dans la production des cultures rizicoles, pluviales et maraichères. Or, notre pays fait face, à l’image de certains voisins de la sous-région, à une forte pression foncière due à l’accroissement démographique. En effet, à la forte pression foncière vient s’ajouter la dégradation accélérée de la qualité des sols de production. Face à ce constat peu reluisant, les autorités nigériennes ont décidé d’opérer une reforme dans le secteur de l’engrais. Cette réforme consiste désormais à libéraliser la commercialisation de l’engrais qui était par le passé subventionné par l’Etat. Ainsi, le secteur privé se voit du coup au cœur de la commercialisation de cette substance chimique qu’est l’engrais.
Quelques années après cette réforme, les producteurs pour lesquels l’engrais doit être disponible et accessible ne comprennent rien à la nouvelle situation. Selon le président du conseil d’administration de la plateforme paysanne M. Bagna Djibo, par ailleurs président par intérim des organisations des producteurs au niveau de l’Observatoire des Marchés des Engrais (OMEN), la cherté de l’engrais aujourd’hui s’explique par deux facteurs majeurs : la pandémie à coronavirus qui a négativement impacté l’ensemble de l’économie mondiale et la hausse des prix du gaz au plan mondial. Le gaz étant un élément constitutif de l’engrais, il va de soi qu’il joue sur le coût de production de l’engrais. Conséquence, les commerçants-importateurs achètent l’engrais cher. Les prix de l’engrais a aujourd’hui presque doublé en passant de 13.500 F au temps où la substance chimique était subventionnée par l’Etat et vendue aux producteurs par la Centrale d’Approvisionnement en Intrants et Matériels Agricoles (CAIMA) à 22.500 FCFA aujourd’hui. Toutefois, du point de point législatif, la réforme prévoit un arsenal juridique permettant aux producteurs d’accéder à l’engrais en qualité et en quantité et cela à moindre coût. C’est dire tout ce qui permet à l’activité d’importation jusqu’à la vente de l’engrais aux producteurs, en passant par le système de contrôle, a été bien réglé. L’autre élément de la reforme repose sur la gouvernance, ce que tous les acteurs sont impliqués dans les organes de mise en œuvre de cette réforme en l’occurrence l’Observatoire des Marchés des Engrais et le comité technique des engrais (COTEN). M. Bagna Djibo relève certaines insuffisances liées à la gouvernance des engrais. ‘’ Il doit avoir au niveau de ces deux structures précitées, un mécanisme qui donne les prix de référence. Cela veut dire qu’il doit avoir toujours une analyse mensuelle qui explique clairement la tendance des prix d’engrais à l’échelle mondiale. Ce qui permet aux acteurs de suivre au jour le jour l’évolution des prix’’, a expliqué le président du conseil d’administration de la plateforme paysanne. Pour l’instant, le secteur privé n’a pas la capacité pour importer l’engrais pouvant couvrir les besoins des producteurs.
La venue de la pandémie à coronavirus et la hausse du prix du gaz ont mis sous l’éteignoir le résultat attendu de la réforme des engrais. Pour que les producteurs nigériens puissent accéder à l’engrais, il y a nécessité que l’Etat et les partenaires accompagnent les paysans. Lorsqu’il y a plusieurs opérateurs économiques dans le secteur de l’engrais, il y aura une concurrence qui jouera non seulement sur la qualité, le coût et la disponibilité. M. Bagna Djibo esquisse une piste de solution au problème actuel dans le secteur de l’engrais. « Il est souhaitable que l’Etat puisse injecter de l’argent dans le secteur des engrais pour donner du souffle aux producteurs. C’est la seule alternative qui sied actuellement pour que les prix des engrais puissent connaitre une baisse. En ce qui concerne les producteurs, il faudrait qu’ils mettent l’accent sur l’agro-écologie pour garder la fertilité du sol. Pour y arriver, le Niger doit songer à exploiter de son sous-sol le phosphate afin de développer l’agriculture. Au Niger, on a connu trois inondations majeures qui ont sérieusement affecté les cultures rizicoles et maraichères le long du fleuve et les bas-fonds. Ces derniers sont les principales zones de production par excellence », a rappelé M. Bagna
Typologie d’engrais sur le marché nigérien
La libéralisation de l’engrais a permis au secteur privé d’être au centre de l’importation de ce produit chimique au Niger. Il existe une panoplie d’engrais sur le marché. Mais dans tout le cas, l’Etat a mis sur pied un laboratoire de contrôle des engrais importés. On peut citer sans être exhaustif l’urée ; le NPK et le DAP qui semble être la meilleure qualité sur le marché. Le DAP est aujourd’hui difficile à trouver sur les marchés nigériens en raison de sa cherté. En effet, un laboratoire a été installé à l’Institut National de la Recherche Agronomique du Niger (INRAN) pour que tous les engrais fassent l’objet de prélèvement et d’analyse. Mais avec la porosité des frontières, il est difficile de dire que tous les engrais qui entrent en territoire nigérien sont contrôlés et analysés. Par rapport à cet état de fait, M. Bagna estime qu’il faut renforcer le dispositif d’inspection au niveau des frontières.