La genèse, le contexte, le contenu et la symbolique de l’hymne national étaient au centre de la conférence-débat mercredi.
Beaucoup de paroles, de sonorités, de couleurs et d’émotions étaient au rendez-vous hier dans un lieu de culte, et pas n’importe lequel. C’est, en effet, l’auguste et austère enceinte du temple de l’Eglise presbytérienne de Foulassi à quelques encablures de Sangmelima dans le Dja et Lobo, qui a servi de cadre aux échanges sur le thème de l’Hymne national. Après le débat télévisé organisé récemment à Yaoundé, cette manifestation très courue marquait la deuxième étape du cycle des Conférences-débats programmés à l’occasion de la célébration du Cinquantenaire de la Réunification du Cameroun.
Quand la délégation officielle arrive sur les lieux peu après la mi-journée, la salle qui a fait le plein d’œuf est depuis longtemps plongée dans une ambiance festive entretenue par des nombreuses chorales relayées à l’extérieur par quelques groupes de danse et des orchestres de balafons très populaires ici. Représentant personnel du ministre Belinga Eboutou, directeur du Cabinet civil et président du Comité national d’organisation des Cinquantenaires de l’Indépendance et de la Réunification, le ministre Joseph Le, par ailleurs, vice-président dudit comité, était accompagné pour la circonstance de plusieurs membres du gouvernement dont le Pr Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur et président de la Commission études, conférences et débats. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il est intervenu peu après l’exécution de l’hymne national en langue bulu et en français, pour inviter d’emblée l’auditoire à un « copieux repas de l’esprit autour d’un thème appétissant.» De quoi mettre l’eau à la bouche d’un auditoire conquis. On va apprendre, par la suite, que cet hymne qui « féconde l’orgueil national », la créativité et le sens du patriotisme mérite notre reconnaissance. Un vibrant hommage aux « membres de l’académie des voix du silence » aujourd’hui disparus au premier rang desquels René Jam Afane et Samuel Minkyo Bamba, unanimement reconnus comme les deux principaux auteurs. On apprendra la présence dans la salle du dernier témoin vivant de la deuxième promotion de l’Ecole normale de Foulassi. Agé de 101 ans, le patriarche Anatole Ebongo Adolphe se verra décerner par la suite un diplôme spécial de participation. Ouvrant les débats proprement dits, le ministre Joseph Le, représentant personnel du président du CNO des Cinquantenaires, a rappelé les prescriptions du chef de l’Etat concernant cette célébration qui doit contribuer à la consolidation des acquis, au premier rang desquels l’Unité nationale et la paix. Les panélistes et l’auditoire ont été ainsi invités à partager un « banquet intellectuel, culturel et historique. »
Le ton était donné pour entrer dans le vif du sujet. Autour du thème central se sont greffés trois sous-thèmes traités par des intellectuels chevronnés, histoire d’examiner l’hymne national sous toutes les coutures. Parlant des « fondements, justificatifs et signification de l’hymne national », le Pr Jean Emmanuel Pondi a rappelé le contexte particulier d’une époque transitoire marquée par la suspicion et les pratiques répressives. Le « chant de ralliement » de 1928 devenu l’hymne national avait été accueilli fraîchement par l’administration coloniale. Cette œuvre traduit le sentiment profond des jeunes gens élevés dans l’amour de la liberté par des missionnaires américains qui voyaient d’un bon œil la marche vers l’indépendance. Le Pr Léopold Donfack Sokeng a, quant à lui, exploré la portée symbolique de l’hymne national qui est un instrument d’identité et de construction de la cohésion nationale au même titre que le drapeau, le siège des institutions, etc. Les « déterminants du choix de la musique » ont donné lieu à des exposés sur la lexicologie et la musicologie par le Pr Gervais Mendo Ze, notamment. Retracée par le Pr Wilfried Nyongbet Gabsa et le Dr Nug Bissohong, le sous-thème sur l’histoire du passage du chant de ralliement à l’hymne national a sans doute été le moment le plus passionnant du débat, suscitant au passage de nombreuses controverses concernant entre autres les différences entre les versions française et anglaise de l’hymne. Dans les pistes à explorer, plusieurs solutions ont été préconisées concernant soit le statu quo, soit une éventuelle révision du texte à travers une commission spécialisée. La cérémonie s’est achevée par la visite de la salle de classe de l’Ecole où fut composée l’hymne national. Un retour aux sources en somme.