L’audition au Sénat de Frances Haugen, qui a transmis des milliers de pages de documents internes de l’entreprise à des médias et des régulateurs, était le point culminant d’une série de mises en cause.
« Quand nous avons compris l’ampleur des dégâts causés par l’industrie du tabac, le gouvernement est intervenu. Lorsque nous avons compris que les voitures étaient plus sûres avec des ceintures de sécurité, le gouvernement est intervenu. » Pour sa première audition parlementaire, mardi 5 octobre, Frances Haugen, l’ancienne employée de Facebook qui a transmis à plusieurs régulateurs et médias des milliers de pages de documents internes du groupe, a donné le ton dès les premières minutes, en comparant les pratiques de ce dernier à celles des fabricants de cigarettes ou d’automobiles.
La formule n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd : Richard Blumenthal. Le sénateur démocrate, qui préside la commission au commerce devant laquelle témoignait Mme Haugen, est l’une des personnes les plus critiques à l’égard de la Silicon Valley et a par le passé dirigé, en tant que procureur, des enquêtes contre l’industrie du tabac :
« La semaine dernière, devant cette commission, la responsable de la sécurité de Facebook, Antigone Davis, nous a dit que ces documents ne constituaient pas une “bombe”. En réalité, ils sont la définition même d’une “bombe”. Facebook et les grandes entreprises du numérique sont sur le point de connaître les mêmes déconvenues que l’industrie du tabac. »
Dans cette métaphore, filée au cours de toute l’audition, l’équivalent de la nicotine et des goudrons était l’« engagement », cette mesure du nombre d’actions réalisées par un utilisateur (partage, clic, commentaire…), scrutée par Facebook, Instagram (propriété du groupe Facebook) et de très nombreuses autres entreprises. D’après Mme Haugen, qui s’appuie sur les documents qu’elle a emportés avec elle, Facebook a systématiquement refusé de mettre en place des politiques pour limiter les conséquences négatives de ses applications dès lors que ces projets risquaient de nuire à l’« engagement » de ses utilisateurs, ou à ses statistiques d’« interactions sociales significatives » (meaningful social interactions), une autre mesure interne de l’activité des utilisateurs. Ce que Facebook conteste.