Du 20 au 22 octobre 2021 se tient dans la capitale nigérienne, un séminaire scientifique organisé par l’Association Nigérienne de Droit Constitutionnelle (ANDC) en collaboration avec la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (FSJP/UAM) et la Faculté d’économie et de gestion (FADEG) de l’Université de Tahoua ainsi que l’appui financier de la Fondation Hanns Seidel. Placée sous le thème « Droit, pouvoir et politique », cette rencontre de haut niveau va servir de cadre à d’éminents constitutionalistes, d’experts juridiques et de praticiens du droit venus de différents horizons, de débattre et d’échanger sur le contexte, les enjeux et la problématique des relations entre le pouvoir politique et le droit dans les sociétés humaines et Etats contemporains notamment en Afrique.
La cérémonie d’ouverture du séminaire scientifique qui s’est déroulée le mercredi 20 octobre à la salle Amintchi de l’hôtel Bravia de Niamey a été rehaussée par la présence des présidents d’institutions, des députés, des responsables et enseignants des Universités de Niamey et de Tahoua, des universitaires et praticiens de droits en provenance de divers universités, instituts de recherche et think-thank africain, européen et canadien. On notait également la présence à l'évènement de plusieurs invités parmi lesquels des étudiants, des juristes et praticiens du droit ainsi que des représentants de la société civile et des hommes des médias publics et privés.
Dans l’allocution qu’il a prononcée à cette occasion, le Président de l’ANDC, Pr Narey Oumarou, a tout d’abord souhaité la bienvenue aux participants et aux invités à ce séminaire scientifique qui était initialement prévu pour se tenir en octobre 2020 mais a dû être reporté en raison des contraintes liées à la pandémie du Covid-19. Il a ensuite abordé le thème consacré au séminaire en mettant en exergue son intérêt majeur. En effet, a souligné le Pr Narey, «Pouvoir, droit et politique sont consubstantiels à toute société humaine organisée autour des valeurs, qui en constituent les outils nécessaires de sa gestion ou de sa régulation, dans l’objectif de l’atteinte du bien commun de ses composantes ». Il a en ce sens fait remarquer que si par nature, ils se divergent, mais bien souvent ils s’entremêlent. « Ainsi, si le pouvoir peut exister dans toute société ou association humaine, le pouvoir politique, qui nous préoccupe ici, est intimement lié à l’Etat », a relevé Pr Narey Oumarou qui est, par ailleurs, le président de la Cour des comptes du Niger après avoir occupé les fonctions de vice-président de la CENI.
Exposer et échanger sur la problématique de la « pathologie du constitutionalisme » en Afrique
Dans son exposé, le président de l’ANDC n’a pas manqué de revenir sur certaine thématiques sous-jacentes qui fondent la problématique du thème central du séminaire, c'est-à-dire le fait que le droit reste dans l’obsession du pouvoir politique au même titre que le pouvoir et la politique sont saisis par le droit. Par rapport à ce point, il a souligné « la récurrence du pouvoir politique, dès que l’occasion se présente à lui de se débarrasser du droit, ou de créer à cette occasion en s’appuyant sur les expédients de la politique pour retrouver son état de nature ». Un phénomène que la doctrine africaine qualifie, selon le Pr Narey, de « pathologie du constitutionnalisme » et qui révèle, « la tension qui existe notamment entre le droit et le pouvoir politique ».
En terminant sa brève mais brillante mise en contexte thématique de la problématique du séminaire, le président de l’ANDC a tenu à exprimer toute sa gratitude ainsi que celle des membres de l’Association, aux professeurs membres du Comité scientifique pour la parfaite organisation de l’évènement, aux communicateurs qui ont fait le déplacement de Niamey ainsi qu’à tous les partenaires techniques et financiers pour leur importante contribution pour la tenue de cet évènement majeur annuel de l’ANDC.
Une initiative louable et un thème majeur d’actualité
Le représentant régional pour l’Afrique de l’ouest de la Fondation Hanns Seidel, Dr. Klaus Grutjen, s’est lui félicité du choix porté avec courage par l’ANDC, « notre partenaire de longue date », sur le thème consacré au séminaire de cette année et qui est, selon lui, « d’une grande complexité, brisance et actualité ». Dans la réalité que nous vivions dans tous les pays du monde, a-t-il souligné, le droit, le pouvoir et la politique constituent trois pôles de la vie en société, en communautés, qui peuvent quelques fois paraitre comme des éléments opposés, « mais qui sont en fait plutôt complémentaires, interdépendants et même indispensables ».
Le Représentant de la Fondation Hanns Seidel n’a pas manqué de mettre en exergue la qualité des enseignants, chercheurs et praticiens de droits présents à Niamey, ce qui est de nature à renforcer la position du centre d’excellence et de référence que constitue désormais la capitale nigérienne en Afrique de l’Ouest et Centrale. « Cela ne laisse point de doute sur la pertinence des contributions et discutions prévues pour les trois jours que durera le séminaire scientifique et encore moins des conclusions qui en seront tirées des travaux », a estimé Dr Grutjen qui a tenu à rendre un vibrant hommage au professeur Oumarou Narey ainsi qu’à l’ANDC.
« Les impacts de vos travaux scientifiques se manifestent dans la rédaction continue des constitutions des Etats de notre région. Certains problèmes constitutionnels relevés au cours des conférences de l’Association Nigérienne de Droit Constitutionnel (ANDC) et des travaux de recherche menés autour de son action ont laissé leurs empreintes dans la rédaction des nouvelles constitutions ou de leurs amendements. Les travaux de l’ANDC, soigneusement documentés dans les ouvrages collectifs que nous tenons aujourd’hui entre nos mains, témoignent et illustrent ainsi les progrès du droit constitutionnel en Afrique ». Dr. Klaus GRUTJEN, Représentant régional de la Fondation Hanns Seidel pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.
Pouvoir politique et droit dans la nouvelle ère post Covid-19
En procédant à l’ouverture officielle du séminaire scientifique de l’ANDC, le Recteur de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (UAM), Pr Saidou Mamadou a, de prime à bord, rappeler le contexte dans lequel se tient cette rencontre, celui de la pandémie de la Covid-19, une maladie qui paraissait banal à ses débuts mais qui a fini par bouleverser le monde avec des répercussions sur toutes leurs activités. « Les impacts sur la marche des Etats et des politiques publiques, sur l’aménagement des droits humains et les contraintes qui pèsent sur eux, le renforcement du pouvoir d’Etat face à l’urgence médicale et sociale, ne sont pas les moindres des effets induits par cette pandémie », a souligné le Recteur de l’UAM non sans ajouter que certainement, « les scientifiques s’attèleront à étudier les conséquences de la pandémie actuelle sur tous les aspects ». Pour le Pr Saidou Mamoudou, l’objectif de cette contextualisation est de rappeler à quel point la problématique ancienne des rapports entre droit, pouvoir et politique peut-être impactée par la crise actuelle. « Les rapports entre ces trois notions sont animés par une tension dynamique qui peut être considérée comme congénitale, dans la mesure où le pouvoir, pour être stable, doit s’exprimer à travers le droit ; de même que la politique emprunte les voies du droit pour atteindre ses objectifs, le droit, quant à lui, bien qu’émanant des deux autres, se pose comme la mesure et la limite du pouvoir politique », a déclaré le recteur de l’UAM.
Après avoir rappelé les résultats attendus à la fin de ce séminaire, le Pr Saidou Mamoudou a estimé que la qualité des nombreuses communications reçues vont permettre, au vu de la haute valeur scientifique de leurs auteurs, d’aller bien au delà de ces objectifs. Il s’agit notamment, d’identifier les différents mécanismes par lesquels le droit est instrumentalisé par le pouvoir public ; de cerner les situations politiques dans lesquelles le droit a une vocation sinon purement, du moins largement, instrumentale; de comprendre les mécanismes par lesquels le droit encadre le pouvoir et la politique; d’identifier les mécanismes par lesquels le droit contrôle le pouvoir et la politique dans leurs dimensions institutionnelles et, enfin, de relever les mécanismes par lesquels le droit contrôle l’activité normative des pouvoirs politiques.