Au Sahel, l’instabilité conjuguée avec le contexte de la Covid et ses effets sur les économies préoccupent le Réseau Billital Maroobé, une organisation des éleveurs et pasteurs d’Afrique. À travers un rapport, ce réseau interpelle décideurs régionaux et internationaux à mieux cerner la problématique actuelle de la transhumance.
L’étude a consisté à déterminer d’une part les causes structurelles et d’autre part les conséquences de la crise sécuritaire sur les activités liées à la transhumance. Elle a identifié des pistes de solutions et mis à la disposition des instances sous-régionales et internationales des « données fiables pour orienter les processus décisionnels ». Également, c’est une ébauche à nourrir les réflexions pour résorber la crise liée au nomadisme pastoral avec en toile de fond l’insécurité dans les régions concernées.
Les pistes de solution et de réflexions du Réseau Billital Maroobé sont issues d’une enquête. Une recherche-action qui l’a amené auprès de 1898 éleveurs et acteurs de 23 régions administratives de sept (07) pays (du Sahel central et ses voisins que sont le Nigeria, le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire). Il ressort que les bouviers pris en tenailles par les jihadistes et les opérations militaires, sont les principales victimes du contexte actuel à la fois complexe et multiforme.
Multiforme de par la nature des tensions (parfois communautaires) et complexe sous l’angle ethnico-religieux. Economique aussi. Car le bétail est devenu une rente qui nourrit les conflits dans cette partie du continent africain.
On assiste dès lors progressivement à la décapitation de la transhumance. Elle se traduit par l’exclusion des familles due à la perte drastique de leur cheptel, à l’enregistrement inquiétant du nombre des déplacés dans les zones les plus touchées à l’instar du Niger, Burkina Faso, Mali, entre autres. Aussi cette situation rend-elle la jeunesse pastorale de ces pays désorientée. Des menaces qui s’étendent aussi à la partie nord des pays de l’Afrique de l’ouest.
A cela s’ajoutent « la raréfaction des ressources fourragères », l’émiettement des espaces pastoraux, la problématique du foncier pastoral, la croissance démographique, des migrations internes, entre autres. Selon l’étude, « l’ensemble de ces dynamiques affectent la mobilité pastorale ». Elle devient de plus en plus contraignante pour les éleveurs et par ricochet impacte négativement l’activité économique.
S’adapter
Face à ces facteurs structurels et les impacts de la crise sécuritaire sur le pastoralisme, les éleveurs n’ont d’autres choix que de s’adapter. Selon l’enquête menée par le Réseau Billital Maroobé, les transhumants affirment s’adonner à la débrouillardise. « Nous n’avons pas de stratégie particulière, mais nous faisons avec », s’est confié un éleveur de Kompienga (Burkina Faso) aux enquêteurs locaux mobilisés dans le cadre de cette étude. « Mais nous limitons tiut de même nos mouvements et contrôlons toutes actions et paroles », a-t-il précisé.
D’autres se lancent dans la diversification des espèces, notamment dans l’élevage des ovins et caprins afin d’échapper aux rackets ou aux vols des jihadistes. Egalement la stratégie visant à être neutre n’est pas évidente. « Dans la région de Tillabéri au Niger, 80% des 35 éleveurs interrogés pensent qu’il n’est pas possible d’être neutre », peut-on lire dans le rapport. L’option de collaboration passive ne garantit pas non plus la « mobilité des éleveurs ».
Au regard de tout cette situation instable doublé des effets du Covid, les éleveurs aperçoivent un horizon incertain. La jeunesse n’est intéressé plus de s’investir par les activités pastorales. Une fracture générationnelle en perspective, s’alarme le Réseau Billital Maroobé. La transhumance semi-urbaine est de plus en plus la tendance, souligne l’enquête.
Le rapport (162 pages) est divisé en trois grandes parties. Elles portent sur « la crise pastorale, les éleveurs entre décapitation et injustices », « la crise du pastoralisme, terreau de violences armées », et « survivre et s’adapter ». Il interpelle au règlement durable « des causes structurelles de la crise du pastoralisme », à « une approche territoriale concertée et holistique de la gestion des ressources », à « l’accès à la justice des éleveurs », à « l’accompagnement des aspirations des éleveurs », entre autres.