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Entretien avec M. Mahaman Sani ABDOULAYE, Directeur Général de la compagnie minière d’Akouta (COMINAK) sur l’avancement des travaux de réaménagement du site

Publié le samedi 20 novembre 2021  |  actuniger.com
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© Autre presse par Dr
La mine Cominak
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La COMINAK a fermé la mine souterraine d’Akouta le 31 mars dernier et a entamé le démantèlement de ses installations, Monsieur le Directeur Général, 8 mois après cette fermeture, où en êtes-vous ? Qu’est ce qui a été fait ?

Conformément à la décision du Conseil d’Administration de COMINAK du mercredi 23 octobre 2019 d’arrêt des activités d’exploitation pour le 31 mars 2021, la mine souterraine a été arrêtée après le tir abattage intervenu, le jeudi 25 mars 2021 et l’usine, le 20 avril avec l’enfûtage du lot 21-019. Dès lors COMINAK a entamé la phase projet de réaménagement de son site et ce conformément au document de référence que constitue l’Avant-Projet Détaillé (communément appellé APD) du Réaménagement du Site (RdS).

Rappelons-le, l’objectif poursuivi est de restituer en fin de travaux un site sûr, sain, non polluant, dans le respect des normes nationales et des recommandations internationales, soutenir ses salariés et les sous-traitants dans le plan de reconversion et agir pour une transition sociétale pérenne, durable et utile pour les populations. Ces travaux sont prévus durer 10 à 12 ans soit entre 120 et 150 mois calendaires et comprennent le réaménagement de la mine (les travaux miniers souterrains, les trous d’aération et la descenderie), le démantèlement de toutes les installations industrielles de surface dont l’Usine et ses annexes, la protection radiologique de la verse à résidus ainsi que son reprofilage afin de garantir sa stabilité sur le long terme et le réaménagement des différents bassins de production.

Aujourd’hui, nous sommes à un peu moins de huit (8) mois calendaires après l’arrêt de la mine souterraine. Au 4 mai déjà, toutes les installations des travaux miniers souterrains ont été mises en sécurité, toutes les capacités ont été vidangées de leurs huiles ou hydrocarbures et ces huiles ou hydrocarbures ont été récupérés et remontés en surface, tous les transformateurs électriques employés au fond sont remontés en surface au jour, les trois quarts des engins miniers (41) ont été remontés au jour, les quelques engins restés au fond (23 machines vétustes et qui ne peuvent pas être décontaminées) ont été vidangés et leurs batteries récupérées et remontées au jour.

Actuellement et depuis 6 mois nous travaillons pour boucher les deux accès à la mine que sont les deux descenderies, des galeries de 1 300 mètres inclinées avec une pente de 20%. C’est un travail complexe qui nécessite beaucoup de technicité et d’expertise, dans un espace de travail réduit et inhabituel. Nous espérons finaliser ce travail d’ici les trois prochains mois soit en février 2022.

Une partie des bâtiments industriels est d’ores et déjà réaménagée. L’Usine quant à elle est prête pour son démantèlement qui démarrera d’ici la fin de ce mois de novembre. Elle a été vidangée entièrement, nettoyée et mise en sécurité.

Est-ce que les travaux de réaménagement du site se font dans les normes notamment le respect de l’environnement ?

Sur l’aspect environnemental, les équipes travaillent depuis près de 5 ans sur le plan d’actions techniques de réaménagement en vue d’assurer la remise en état sûre et saine de la mine, conformément à la réglementation nigérienne et aux standards internationaux.

Pour la surveillance environnementale nous disposons aujourd’hui d’une douzaine de stations de surveillance atmosphérique et d’un réseau de près de 150 puits et piézomètres de surveillance hydrogéologique tout autour du site.

La surveillance environnementale sera poursuivie à la fin des travaux de réaménagement pendant une période d’au moins 5 ans renouvelable à l’issue de laquelle un bilan de ces résultats sera effectué et une décision prise par l’administration. Je rapelle au passage que Cominak est certifiée ISO 14001, et cela depuis 2002, ce qui est un gage de la qualité de notre approche en termes d’organisation et de respect de l’environnement.

Est-ce que les mesures d’accompagnement des travailleurs promises à la fermeture du site sont respectées? Pouvez-vous nous faire le point ?

L’effectif de COMINAK à la fermeture était de 614 agents statutaires et environs 800 sous-traitants.

COMINAK a mis en place pour ses salariés dans le cadre du plan social, outre le dispositif conventionnel, légal et réglementaire, des mesures complémentaires d’assurance santé, de formation et de reclassement interne et externe. Le dispositif de reclassement est opérationnel depuis novembre 2020 à travers une cellule de reclassement. Ce dispositif a déjà permis quelques 50 mobilités internes au sein du groupe Orano (au Niger mais également à l’étranger) ainsi que des reclassements auprès de sociétés présentes au Niger à la recherche de profils expérimentés et formés : comme les secteurs du BTP ou du pétrole.

Au cours des vingt dernières années, COMINAK a consacré près de 3,6 milliards de CFCFA à la formation. Les salariés de COMINAK ont de multiples compétences dans les domaines du bâtiment et des travaux publics, de l’électricité, de la mécanique, ou encore de la maintenance industrielle ; compétences qui ont été développées tout au long de leurs carrières chez COMINAK grâce notamment au programme ambitieux de formation et de mentorat. Ces compétences sont un levier clé pour un reclassement réussi de nos salariés.

Par ailleurs, depuis juin 2020, COMINAK a mis en place des actions de formation spécifiques en soutien au reclassement au profit de ses salariés comme des sous-traitants : informatique, conduite engins et permis de conduire B, C, D et E.

Concernant les sous-traitants, COMINAK a apporté une contribution de fin de chantier aux salariés de la sous-traitance. Le montant de cette contribution (plus de 323 millions F CFA) est à hauteur des droits légaux de licenciement dus par leurs employeurs. Cette contribution de fin de chantier est exclusivement réservée aux employés des entreprises en contrat effectif avec COMINAK et présents au sein de leurs effectifs, en CDI au 31 décembre 2020.

COMINAK a lancé en décembre 2020 un programme de soutien à l’entreprenariat ouvert à ses salariés mais également à ses sous-traitants ainsi qu’aux habitants des départements d’Arlit et Iférouane. 20 % des dossiers des projets d’entreprenariat retenus dans le cadre du programme (56 dossiers retenus) ont été soumis par les sous-traitants de la COMINAK.

Qu’est-ce que COMINAK a entrepris localement au niveau sociétal pour atténuer l’impact de la fermeture ?

COMINAK avait, pour ses besoins, construit un hôpital qu’elle a fait fonctionner depuis 1978. Ce besoin va disparaître, COMINAK a donc proposé à l’Etat de lui céder cet hôpital à titre grâcieux. Cette cession de l’hôpital au Ministère de la Santé Publique est en cours et prendra plusieurs années.

COMINAK, toujours pour ses besoins, a construit une cité complète avec ses infrastructures, pour que tous ses employés puissent y être logés. Comme pour l’hôpital, ce besoin va disparaître, il a été proposé de transférer à titre gracieux cette cité à l’Etat.

Pour ce faire, COMINAK prendra en charge :

le remplacement du réseau VRD existant à la demande des autorités communales, la construction de fosses septiques pour un montant de près de 400 millions F CFA. Ce marché est entièrement dédié aux entreprises locales ; le réseau électrique est cédé à la NIGELEC ; la cession à la SEEN du réseau d’eau potable ; la démolition des logements vétustes présentant un danger.

Dans le cadre du fonctionnement normal, la plupart des anciens contrats locaux ont été soit reconduits tels quels, soit révisés. Ces contrats concernent exclusivement des entreprises locales (gardiennage, entretien véhicules, entretien pistes, laverie, pompiers, nettoyage, etc.) et représenteront près de 2 milliards F CFA en 2022. A fin octobre, plus de 340 sous-traitants sont encore employés par COMINAK.

Dans le cadre du projet entreprenariat nous serons bientôt en phase de mise en œuvre des 56 projets retenus, la cession de puits aux maraîchers d’Akokan est en cours. Dans le cadre de l’appui à l’éducation à travers le programme de bourses d’études, les cinq (5) lauréats 2021 viennent d’effectuer leur rentrée scolaire et académique.

A cette date, sur les sept (7) nouveaux contrats signés et spécifiquement liés aux travaux RdS et représentant près de sept (7) milliards de FCFA, six (6) concernent directement des entreprises nigériennes. Nous nous sommes fortement engagés pour atteindre un taux de main d’œuvre locale de 90% en heures travaillées.

Dans le cadre du volet sociétal du RdS, un budget de 4 milliards F CFA est prévu pour l’aide à la reconversion économique dont principalement l’industrie maraîchère.

La société civile d’Arlit estime que certains points relatifs au réaménagement du site ne respectent pas les engagements pris par la compagnie lors de sa fermeture. Quelles réponses apportez-vous à cette société civile ?

Sur Arlit les organisations de la société civile sont centrées autour de deux groupements : la Coordination de la Société Civile d’Arlit (CSC) et SYNERGIE. Je rappelle que la CSC est membre du Comité Local de Suivi Technique du RdS. Dans une déclaration rendue publique le 23 octobre, la coordination de la société civile d’Arlit a interpellé la Ministre des Mines, COMINAK et Orano. Parmi les sujets abordés et concernant directement COMINAK, il y’en a deux sur lesquels je souhaite apporter ici l’éclairage suivant : le financement du projet et la verse à résidus.

S’agissant du financement, le budget RdS annoncé lors de l’APD qui est de l’ordre 95 milliards de F CFA est une estimation du coût à terminaison du projet sur toute sa durée de vie près de 20 ans. Les travaux seront financés en partie par un fonds constitué du stock d’uranium que COMINAK a constitué à cette fin il y a plusieurs années (entre 15 et 17 milliards F CFA à terme), le reste sera financé par les actionnaires. L’actionnaire historique OURD, qui s’est retiré de l’actionnariat début 2021, a versé sa contribution de (19, 8 milliards) lors de la cession de ses actions à Orano. Chacun des trois actionnaires actuels s’engage à assumer sa responsabilité au titre du passif de COMINAK comme suit : ENUSA (10%), SOPAMIN (31%) et Orano Mining (59%).

S’agissant de la verse à résidus, celle-ci fait partie des principaux sujets auxquels le projet RdS porte une attention particulière.

Le stockage des résidus miniers et des déchets de démantèlement en stockage en surface est une pratique classique dans l’industrie minière

Les objectifs des travaux de réaménagement sont de garantir la sécurité de la verse par son reprofilage et une protection radiologique sur le long terme par une couverture multicouches constituées de matériaux localement présents afin d’éviter la multiplication des sites de stockage des déchets. Les produits de démantèlement de l’usine seront également stockés avec des résidus sur une aire dédiée.

Les travaux de test de l’efficacité de la couverture ont été menés depuis plusieurs années et ont démontré que la radioactivité dans les environs de la verse ne dépasse pas la limite règlementaire pour les populations, i.e.

1 mSv par an en dose ajoutée par rapport à l’exposition naturelle – limite règlementée par d’Etat du Niger et identique dans les juridictions les plus strictes à travers le Monde, en incluant la France ou le Canada par exemple.

Les choix techniques ont été validées par les autorités nigériennes compétentes qui ont suivi les travaux des essais. La mise en œuvre des travaux de réaménagement de la verse s’échelonnera de 2023 à 2027. Nous nous préparons actuellement à réaliser une quatrième planche d’essai pour simuler les travaux de reprofilage et de recouvrement en conditions réelles afin de les optimiser.

Qui contrôle le réaménagement du site afin d’être certain que les travaux se font dans les règles ?

Une gouvernance multipartite robuste et inclusive a été mise en place entre la société, les représentants de l’état et de la société civile pour garantir le bon déroulement du projet.

Le Comité d’Orientation est une instance gouvernementale de haut niveau mise en place pour accompagner le projet de Réaménagement du Site de COMINAK. Dans le cadre de son travail, le Comité d’Orientation anime des ateliers où sont conviées diverses parties prenantes.

Un appel à la tierce expertise indépendante est fait régulèrent afin de conforter des décisions prises par des différentes instances dans le domaine technique, social et sociétal.

À la demande des actionnaires de COMINAK, un expert indépendant a réalisé un audit de l’APD avant sa finalisation.

Les différentes instances de l’État du Niger, notamment les services techniques des Ministères ainsi que les différents Comités mis en place par l’État dans le cadre de ce Projet RDS jouent un rôle de validation et d’alerte sur les écarts éventuels à la règlementation en même temps qu’elles enrichissent les hypothèses retenues.

Au niveau local, le Comité local de Suivi, présidé par le Préfet d’Arlit (président) et par le Maire d’Arlit (vice-président), est composé des représentants des différents ministères, mais aussi de la société civile (Synergie et Coordination de la Société Civile), chefs traditionnels, associations. Il se réunit à minima une fois par mois avec des sous-comités : technique, social, sociétal.

En interne, le Directeur Général supervise l’ensemble des activités de la COMINAK aussi bien celles du Projet de réaménagement que celles des autres directions en appui au Projet. Il est responsable de la Compagnie devant son Conseil d’Administration et devant l’Administration du Niger.

L’équipe en charge du projet réaménagement est composée du personnel du site ayant une formation technique ainsi que des experts en réaménagement et en gestion de projet du groupe Orano.

Pour confirmer le respect des normes internationales de l’ICMM (International Council on Minings and Metals), une analyse des écarts entre le guide de réaménagement de l’ICMM réunissant les meilleures pratiques du secteur et le projet de réaménagement de COMINAK a été menée en octobre 2019. Cette analyse a permis de définir des axes d’améliorations dans la mise en œuvre et le suivi du projet de réaménagement.

Quelles sont les prochaines étapes du réaménagement et quelle est la part réservée aux entreprises locales?

Je le disais au début de cette interview, le programme des travaux RdS est étalé sur douze ans hors période surveillance environnementale qui elle sera de cinq à dix ans. Sur le reste de 2021 et l’année 2022 les travaux concerneront essentiellement les travaux miniers souterrains, le bouchage des gros trous (cheminées d’aération), l’usine et la verse (planche d’essai).

S’agissant des travaux miniers souterrains, nous nous organisons pour finaliser dans les prochains trois mois les travaux de bouchage des deux descenderies.

Les travaux de démolition de l’Usine démarreront d’ici la fin de ce mois de novembre. Ces travaux sont regroupés en deux lots (lots 1 & 2 Usine) et seront menés chacun par un groupement d’entreprises nigérienne et française. Une centaine de personnes seront mobilisées pour ces deux lots dont majoritairement du personnel nigérien. Seul une demi-douzaine de personnel expatrié sera mobilisée pour la conduite des engins de démolition.

Juste après la démolition de l’usine d’ici les six prochains mois, nous entamerons la démolition des massifs en génie civil et autres bâtiments industriels (lot 3 Usine) qui est aussi un lot significatif en termes de volume de travaux. Ce lot n’est pas encore attribué.

Vers la mi-2022, juste à la fin des travaux lots 1 & 2 Usine et au démarrage du lot 3 Usine, nous entamerons le reprofilage de la verse à résidus ainsi que son recouvrement. Ce lot verse reste le plus important en volume de travaux et budget. Il s’agira de reprofiler une surface 120 hectares et de la recouvrir avec des matériaux.

Propos recueillis par Seini Seydou Zakaria
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