Dans un message qu’il a fait publier sur les différents plateformes numériques et repris par certains médias, l’ancien président de la junte qui a dirigée la transition militaire de 2010-2011, s’est prononcé sur la situation sécuritaire du pays suite aux évènements tragiques de Téra du samedi 27 novembre dernier. Voici en intégralité, le message de l’ex général Salou Djibo, président du parti PJP Génération Doubara qui a été, par ailleurs, candidat aux dernières élections présidentielles.
Nigériennes, Nigériens,
Mes chers compatriotes,
Le Samedi 27 novembre 2021, comme vous le savez, un convoi de la force française Barkhane a été bloqué à Tera par des manifestants civils qui, excédés par la crise sécuritaire sans précédent qui nous frappe, protestaient contre la présence des forces étrangères sur le territoire nigérien.
La violente répression de cette protestation a conduit à un drame connu de tous, à savoir, officiellement et à ce jour, trois morts et plusieurs dizaines de blessés,dont dix-sept se trouvent dans un état grave.
A l’instar de tous les Nigériens et de tous les peuples épris de paix et de justice solidaires du Niger, je condamne avec fermeté le drame qui s’est produit à Téra le samedi 27 novembre 2021.
Aussi voudrais-je m’incliner devant la mémoire de nos compatriotes disparus et présenter mes condoléances à leurs familles et proches et au peuple nigérien.
Qu’Allah leur accorde son paradis éternel et facilite le prompt rétablissement des blessés. Amine.
Mesdames et Messieurs,
Mes chers compatriotes,
Dans le contexte sécuritaire délétère que nous vivons et à la veille d’une manifestation à laquelle plusieurs secteurs sociaux appellent, j’ai cru nécessaire de prendre la parole pour évoquer ce drame ainsi que la question lancinante de l’insécurité au Niger.
Concernant le drame de Téra, j’aimerais appeler à en tirer les leçons avec lucidité, en ayant à l’esprit les seuls intérêts du Niger, loin des débats partisans passionnés.
En effet, pourquoi ce blocage, qui a duré une semaine à Kaya, n’a pas dégénéré, alors qu’il a fallu une matinée pour que tout dérape au Niger ?
À l’évidence, la réponse est dans la différence de la gestion politique du problème au plus haut niveau. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la sortie
de Monsieur Bazoum Mohamed, le vendredi 26 novembre 2021, la veille mêmedu drame, n’a pas contribué à apaiser les tensions, bien au contraire.
En effet :
Au lieu de se livrer à une autojustification, il aurait mieux valu écouter le peuple et rechercher avec lui les meilleurs moyens de trouver une solution pacifique au problème ;
Au lieu de présenter notre pays comme un pauvre patient qui ne doit sa survie
qu’à l’aide des autres, il aurait fallu expliquer quelle politique propre est entreprise pour nous sortir de la dépendance extérieure ;
Au lieu de rire des critiques et des interrogations, il aurait fallu convier tous les Nigériens à réfléchir, ensemble, aux mesures permettant d’être plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme ;
Au lieu de prendre la parole le 26 novembre 2021, après les événements de Kaya et dans un contexte de risques réels de manifestations, à tort ou à raison, contre le passage du convoi militaire de la force Barkhane, il aurait fallu se rapprocher de tous les acteurs pour apaiser la situation.
Au regard de ce qui précède, et pour qu’un tel drame ne se reproduise plus, je demande que toute la lumière soit faite sur ce qui s’est passé, que les responsabilités des uns et des autres soient bien situées et que justice soit rendue.
C’est ainsi que nous allons restaurer la confiance entre nos populations et l’Etat,
préserver notre paix sociale et créer les conditions d’une nécessaire adhésion de
nos populations à la lutte contre le terrorisme et l’insécurité.
C’est cela notre intérêt à tous, y compris celui de nos amis et partenaires.
Mesdames et Messieurs,
Mes chers compatriotes,
Le second sujet que j’aimerais aborder est évidemment celui de la gestion de la crise sécuritaire qui se solde par un niveau de pertes militaires et de massacres de populations civiles sans précédent à Diffa, à Banibangou, à Inatès, à Chinagoder pour m’en tenir à un petit nombre d’une longue liste macabre.
C’est le lieu, là aussi, d’exprimer ma compassion et mon soutien à nos braves
forces de défense et de sécurité et à nos héroïques populations. Malgré leurs
sacrifices, à l’évidence, quelque chose ne fonctionne pas dans la gestion de cette
crise effroyable.
Ce qui ne va pas, c’est une politique sécuritaire dans la corruption, l’opacité et l’exclusion de nos populations, à l’instar de l’affaire, encore non résolue de nos
jours, dite ‘‘ affaire du Ministère de la Défense’’; Ce qui ne va pas, c’est la tentative politicienne de privatisation, de
personnalisation et d’instrumentalisation de nos partenaires à des fins de politique intérieure ;
Ce qui ne va pas, c’est le discours qui consiste à diviser et à classer les Nigériens entre d’une part, des pro-régime éclairés favorables à la nécessaire coopération
internationale dans la lutte contre le terrorisme et d’autre part, des populations ignorantes et des opposants renégats qui feraient le jeu des terroristes.
Mesdames et Messieurs,
Mes chers compatriotes,
Ce type de posture qui, exclut tout débat citoyen contradictoire, qui exclut toute prise en compte d’idée émise par les acteurs du terrain et les populations concernées ne correspond pas aux besoins de la lutte contre l’insécurité au Niger.
Elle va, en toute objectivité, contre le sens de l’histoire et contre la recherche d’une solution durable à notre problème d’insécurité.
En vérité, notre pays se trouve dans une situation sécuritaire extrêmement
difficile et nous sommes à la croisée des chemins.
En effet, c’est notre vivre ensemble et l’existence même du Niger en tant qu’État qui sont en jeu
Mesdames et Messieurs,
Mes chers compatriotes
Il existe incontestablement des solutions à nos problèmes sécuritaires.
Elles résident dans le rassemblement des Nigériens, dans un débat politique
ouvert sur la coopération militaire, dans une gestion transparente des ressources
affectées à la gestion de la crise sécuritaire, dans l’écoute de la critique, dans la compassion et dans l’association étroite des populations, des chefs coutumiers et religieux et de la société civile aux stratégies sécuritaires.
Mesdames et Messieurs,
Mes chers compatriotes,
Je voudrais terminer mon propos :
- En adressant encore une fois de plus mes sincères condoléances aux familles endeuillées, aux populations de Téra et au-delà, de Diffa, de Maradi, de Tahoua et au peuple nigérien, fier, solidaire et profondément
humaniste ;
- Et en souhaitant un prompt rétablissement aux blessés.
Je voudrais aussi demander à nos populations de rester unies et solidaires dans l’épreuve pour que vive le Niger.
Enfin, à tous, je demande de continuer de prier, encore davantage, pour le Niger et son peuple, pour la paix dans notre pays.