Interview de M. Diabiri Hassimiou, Gouverneur de la région de Tillabéri : «Pour peu que nous développions notre génie, nous pouvons être un véritable grenier de réserves pour le Sahel»
Monsieur le gouverneur, la région de Tillabéri, partage une longue portion de frontière avec la Nord mali, zone qui connait ces derniers temps une insécurité ambiante depuis l'occupation de certaines villes de ce pays voisin par des groupes armés. Comment se présente actuellement la situation sécuritaire dans le nord de la région ?
Il faut d'abord saluer à ce niveau la clairvoyance dont ont fait preuve les autorités de la 7ème République qui, dès les premières heures de leur accession à la magistrature suprême, ont vite pris le taureau par les cornes en faisant de la sécurité une priorité absolue. C'est ainsi qu'aujourd'hui, dans la région de Tillabéri, comme dans les autres régions du pays, dans tous les départements, des patrouilles mixtes sont instituées mensuellement et sillonnent tous les endroits susceptibles d'abriter des bandits ou constituant une menace pour les populations et leurs biens.
Pour parler de la sécurité au niveau de la région de Tillabéri, nous pouvons dire avec force que la situation dans le nord Tillabéri est calme. Calme parce que tous les treize (13) départements disposent de véhicules de patrouille et l'Etat fournit régulièrement aux éléments des Forces de Défense et de Sécurité les moyens dont ils besoin pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens ; et ils le font très bien. Vous avez sans doute appris à travers certaines presses qu'il y a des personnes que j'ai qualifiées ''d'individus sans repères qui pensent, à travers des médias privés, envenimer la situation en disant qu'il y a une forte insécurité dans le nord Tillabéri''; ce qui est totalement faux, parce que l'Etat a mis les moyens conséquents et les hommes pour la sécurisation de la zone.
Qu'en est-il de la question relative aux conflits opposant les éleveurs de part et d'autre de la frontière ?
Il est vrai que la zone nord de la région a connu quelques problèmes, entre éleveurs nigériens et Daoussak maliens dans le passé par rapport aux affrontements meurtriers de part et d'autre de la frontière. Face à cet état de fait, des missions de sensibilisation et des rencontres transfrontalières, ainsi que des missions entre autorités des deux Etats ont amené les communautés à déposer les armes. Malheureusement, avec les hostilités au niveau du Mali, il y a eux des jeunes qui se sont faits enrôler dans les milices des bandits armés, je ne sais par conviction ou par l'appétit du gain facile ; mais toujours est-il que ces jeunes, suite aux frappes des armées africaines et françaises, ont dû fuir le théâtre des opérations pour refugier vers la frontière, le plus souvent à l'intérieur du Mali, ce qui ne constitue pas une menace pour la sécurité du Niger. Ils ne peuvent pas constituer une menace pour le Niger, car nos Forces de Défense et de Sécurité veillent au grain de jour comme de nuit.
Il y a quelques jours, des informations ont fait état d'attaques perpétrées par des éleveurs nigériens contre ceux de la région du nord du Mali, en tuant un notable. Suite à cela, des représailles ont été organisées et il semblerait qu'il y a auraient eu des morts. En tant que responsable administratif de la région, nous avons conduit personnellement une mission de terrain dans la zone d'Inatès pour nous enquérir de la situation. C'était dès les deux premiers jours qui avaient suivi les événements. A cette période précise, les bergers de retour du Mali nous ont confirmé qu'il y a eut trois morts. Mais nous n'avons vu aucun mort, parce que tout se serait passé du côté malien, qui est un territoire souverain. Nous n'avons pas le droit de violer les frontières et de rentrer avec des éléments des Forces de Défense et de Sécurité pour fouiller, vérifier et retrouver ce qu'ils appellent ''des morts que nous n'avons pas été capables d'aller enterrer''. A ceux-là qui distillent ces allégations, je réponds simplement en leur faisant remarquer que je ne suis pas gouverneur de l'AOF, mais gouverneur de la région de Tillabéri. J'insiste en disant qu'à l'intérieur de notre région, tout vas très bien. Très bien, parce que nos Forces de Défense et de Sécurité se déployent nuit et jour pour assurer cette quiétude sociale.
Monsieur le gouverneur, qu'en est-il des cultures maraîchères, surtout lorsqu'on sait que plusieurs villages ont enregistré des déficits céréaliers importants au sortir de la campagne agricole passée ?
Vous avez entendu que le Président de la République a dit que ''sécheresse ne doit plus rimer avec famine''. Je crois que c'est admis par les populations, parce que depuis plus de deux ans, et même bien avant, les populations pratiquent les cultures de contre-saison. Mais à travers le grand programme 3N (les Nigériens Nourrissent les Nigériens), je crois qu'en plus de la pratique des cultures de contre-saison, des réflexions sont en cours et qui, en principe, doivent permettre de créer les conditions d'une production irriguée importante en termes de céréales, notamment. Pour cela, je crois sincèrement que nous avons les potentialités nécessaires pour l'irrigation, afin de mettre l'eau à la disposition des braves populations qui ne cherchent que ce facteur essentiel pour se mettre au travail. Nous avons des partenaires qui nous ont toujours accompagnés chaque fois qu'il y a une situation de crise alimentaire ; le PAM, la FAO, le PNUD, l'UNICEF, tous ces partenaires au développement nous accompagnent en effet dans notre combat contre l'insécurité alimentaire; ils peuvent donc être associés à cette entreprise de production irriguée à grande échelle. On peut identifier tous les ménages vulnérables et les placer sur les différents sites de plusieurs dizaines d'hectares pour des productions à haut rendement comme le blé, le maïs, le sorgho, et aussi la patate, parce que nous avons tout le Dallol qui peut être une zone de production pour les tubercules.
De Balleyara jusqu'au Boboye, nous pouvons produire suffisamment de tubercules avec lesquelles on peut faire la transformation pour produire du gari. Je pense qu'il n'est pas tolérable que nous continuions, dans ce pays, à avoir des problèmes alimentaires, avec toutes les potentialités que nous avons. Nous sommes également un pays riche parce que la stabilité politique amène maintenant les partenaires et les investisseurs à nous accompagner. Donc, pour peu que nous développions notre génie, nous pouvons être un véritable grenier de réserves pour le Sahel menacé périodiquement par des famines.
Quel appel aimeriez-vous lancer aux uns et aux autres sur toutes ces questions ?
J'en appelle seulement au patriotisme des uns et des autres au calme, parce que certains pensent qu'ils ont été enrôlés dans le Moujao, qu'ils sont revenus au pays et qu'on n'a rien fait en leur faveur. Or, le Moujao est une organisation criminelle, et tout celui qui participe à cette organisation est un criminel. C'est dire qu'il n'y a pas de place pour eux dans des cabinets, en tant que conseillers ou autre. Bien au contraire, ils doivent être dans les prisons, parce que pour moi, ces individus ne sont pas prêts à accompagner le processus de construction nationale.
J'ai entendu encore dire, par ces mêmes individus, qu'il faut dégager le gouverneur. Je rappelle que j'ai été élu par ces mêmes populations du nord Ouallam qu'ils prétendent défendre. Alors nous sommes les premiers défenseurs de ces populations. Pour tous ceux qui restent travailler correctement, qui sont des bergers qui amènent leurs animaux en pâturage, l'Etat est en train de créer des infrastructures hydrauliques, des points d'eaux pastoraux afin de leur faciliter leurs activités. Mais ceux qui n'ont jamais eu d'activité, et qui s'égosillent dans les radios, nous n'avons rien à voir avec eux. Nous travaillons avec les Nigériens qui sont prêts à accompagner le processus du décollage économique et social du pays, et avec eux seulement. Donc le nord Tillabéri se porte bien. Nous allons continuer à sensibiliser les chefs de village et de canton, les membres de la société civile, pour qu'ils sensibilisent à leur tour les populations qui vivent le long de la frontière, afin qu'ils cultivent la paix entre les communautés des deux pays.