Les habitants d'Agadez, à travers leurs élus nationaux et communaux, chefs traditionnels et acteurs associatifs, ont haussé le ton par rapport à l'exploitation des ressources naturelles dans leur région, dans une déclaration rendue publique, le jeudi 10 janvier, au siège de l'association Alternative Espaces Citoyens (AEC) à Niamey.
Une déclaration qui fait le point sur l'exploitation de l'uranium pendant un demi-siècle par Areva dans la région et les risques auxquels les activités minières les exposent aujourd'hui, du fait notamment de la politique de diversification des partenaires dans le secteur ayant donné lieu à l'implantation d'une multitude de compagnies.
Devant ce constat, les auteurs de ladite déclaration ont lancé un cri d'alarme à l'endroit des plus hautes autorités, de élus nationaux, régionaux et locaux, des organisations de la société civile, et au peuple pour une prise de conscience sur "la gravité de cette situation qui risque de mettre en péril la stabilité, la quiétude, et la sécurité de notre pays ".
Si la chefferie traditionnelle et les élus régionaux décident de venir en renfort aux acteurs associatifs dans le combat que ceux-ci mènent pour une gestion transparente des richesses du sous-sol du pays, c'est que la situation est préoccupante et n'est plus supportable aux yeux des populations d'Agadez qui ne tirent que des miettes contre des problèmes de tous ordres comme "l'épuisement des nappes fossiles, un stockage de résidus radioactifs estimés à 45.000 tonnes générés par les activités des filiales d'Areva au Niger, la disparition de la faune et de la flore, la pollution, la dégradation et la modification irréversible de l'environnement", recense la déclaration.
Il y a aussi l'état de dégradation avancée du réseau routier d'Agadez en général et de la route Tahoua-Arlit dite route de l'uranium en particulier, le transport dans des mauvaises conditions et stockage dans les habitations des produits chimiques (carbonate, soufre, nitrate, acide sulfurique, soude, etc.), la dispersion par les filiales d'Areva au Niger des ferrailles radiologiquement contaminées dans les villes, la création de zones d'exclusion de 450km² ( cas de la ceinture dite sanitaire d'Imourararen SA), la très faible utilisation de main d'œuvre-locale et la très faible promotion des entreprises locales qui sont énumérés par les élus et acteurs locaux de la région. A tous les aspects identifiés ci-dessus viennent s'ajouter la faiblesse de la participation des compagnies au développement local, l'apparition de maladies liées à la radioactivité, l'utilisation abusive de la sous-traitance, la non implication des ONG et associations dans les opérations de suivi et évaluation des impacts environnementaux et sociaux, la démission totale des cadres de l'administration étatique dans le suivi des activités de recherche et d'exploitation minière ainsi que la faible extension du réseau électrique au profit des populations des zones concernées par les activités.
La longue liste comporte également le risque de développement des maladies liées aux poussières de charbon, le non respect des normes environnementales en matière de gestion des résidus solides et liquides radioactifs comme les eaux usées déversées dans la vallée et consommées par les animaux, la non information et sensibilisation des travailleurs et de la population sur la radioactivité, le non respect des règles de sécurité au travail (tenue de travail, protection, etc.), la non déclaration des travailleurs à la caisse nationale de sécurité sociale par les sous-traitants, le recrutement déshumanisant de la main d'œuvre et les mauvaises conditions de logement pour les forces de défense et de sécurité.
Les responsables de ces maux multiformes endurés par les populations d'Agadez sont le groupe Areva et la société des mines d'Azelik dont le chiffre d'affaires annuel combiné est estimé à quelque 350 milliards de francs CFA par le groupement des organisations de la société civile de la région d'Agadez, auteur de la déclaration (GOSCRAZ).
C'est dans ce contexte suffisamment insupportable que le groupement note l'octroi par l'Etat du Niger de plus de 200 permis de recherche dans le domaine minier à des sociétés qui "ne participent pas au développement local en violation des dispositions de la convention type qui leur fait obligation de participer au financement des infrastructures collectives territoriales".
Sur ce registre, il incrimine notamment "les sociétés GOVIEX, GLOBAL Uranium, GAZPROM, Niger Ressources, Niger Uranium, PALADIN qui ont entrepris ces derniers temps un rapatriement des capitaux à travers la mise à l'écart des sociétés et entreprises locales au profit des celles venues de l'extérieur avec leur main-d'œuvre entraînant ce faisant la mise en chômage des jeunes dans une zone où l'Etat s'évertue à consolider la paix en créant des emplois".