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Mme Ousseini Hadizatou Yacouba, ministre des Mines : «Même si le potentiel aurifère est prouvé sur le site de Dan Issa, il est plus profitable pour la région de Maradi d’avoir une mine industrielle»

Publié le vendredi 4 fevrier 2022  |  Le Sahel
Madame
© Autre presse par DR
Madame Ousseini Hadizatou Yacouba, vice-présidente du ’’Forum des Femmes d’Afrique post 2015»
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Après le drame du 7 Novembre 2021 sur le site aurifère de la commune rurale de Dan Issa (région de Maradi) qui a fait une vingtaine des morts, l’exploitation minière artisanale n’a guère faibli, en dépit de la mesure d’interdiction prise par les autorités compétentes. C’est ainsi que, pour une deuxième fois, le 31 janvier dernier, des puits se sont effondrés sur le même site faisant 7 autres morts. Dans cette interview, la ministre des Mines, Mme Ousseini Hadizatou Yacouba, apporte des précisions nécessaires par rapport à l’exploitation de ce site, tout en justifiant la motivation du gouvernement en décidant de sa fermeture. Elle parle aussi des dispositions prises pour faire respecter la décision de l’Etat et évoque la possibilité d’une exploitation industrielle régulière dans les années à venir.

Madame la Ministre, la question de l’exploitation artisanale de l’or, plus précisément au niveau du site aurifère de la commune rurale de Dan Issa, dans la région de Maradi, reste encore d’actualité au regard de la récente catastrophe déplorée, le 31 janvier dernier sur ce même site, après celle du mois de novembre 2021 ayant fait une vingtaine de morts. Pourtant, une importante décision a été prise le 8 novembre 2021 portant fermeture du site de Dan Issa. Qu’en est-il ?

Je dois d’abord rappeler que le site aurifère de Dan Issa a été découvert dans la dernière décade de juillet 2021, lorsque notre directeur régional nous a signalé la présence de personnes sur le site affirmant avoir découvert de l’or. C’est ainsi que la direction régionale des mines a aussitôt effectué une première visite sur le site en question. Et, en début août 2021, on nous a signalé qu’on compte déjà plus de 6.000 personnes sur le site. J’ai échangé avec le Gouverneur de Maradi de l’époque, qui m’a demandé de lui permettre d’observer et qu’après il va nous donner d’amples informations. C’est ainsi que le 13 août, accompagné des directeurs régionaux des Mines et des responsables Forces de défense et de sécurité (FDS), le gouverneur s’est lui-même rendu sur les lieux. Après sa visite, il m’a expliqué que cela pourrait être dû à des effets d’écoulement. Parce que c’est une zone difficile où il ne croyait pas qu’on peut trouver des minerais sédimentaires, surtout que c’était pendant la saison des pluies. Nous avons convenu ensemble de faire cette observation, puisque quand il y’a la ruée vers l’or, toute autre activité s’arrête. Et pendant la saison des pluies, ce n’était pas approprié que l’on permette de vider les champs pour une activité hypothétique.

Par la suite, l’information s’est vite propagée. A un moment donné, le directeur régional nous a envoyé un rapport pour nous signaler que la situation a pris des proportions inquiétantes sachant qu’il a été dénombré entre 6.000 et 10.000 personnes en pleine activité d’exploitation minière, dont majoritairement des ressortissants étrangers. Et c’est ainsi que la situation est devenue intenable. Nous avons envoyé des techniciens pour faire des analyses, parce que, pour permettre une exploitation artisanale, il y’a un certain nombre de paramètres à considérer.

Le premier paramètre c’est l’habitat. On ne peut pas permettre qu’il y ait une exploitation artisanale là où il y a une forte densité humaine, parce qu’on creuse des trous et on utilise des produits chimiques. C’est pourquoi, il est apparu nécessaire de faire une étude.

Le deuxième aspect à considérer c’est la distance par rapport à la frontière. Toute activité d’exploitation est interdite à une certaine distance de la frontière. Et le troisième aspect, c’est la nature du terrain. Si c’est un terrain rocailleux, donc dur on peut dire on peut faire des trous entre 5 mètres et 10 mètres. Mais, lorsque le terrain est humide, une exploitation artisanale serait hasardeuse, voire périlleuse. Parce que, dès qu’on atteint une certaine profondeur, tout peut s’effondrer. Nous étions sur cette lancée d’analyse, pour voir les conditions, lorsqu’il y’a eu malheureusement cette catastrophe du 7 novembre 2021. Face à la gravité des faits le Conseil des Ministres s’est saisi de la question. Et quand nous avons donné les éléments de notre analyse, les membres du Conseil des Ministres ont été unanimes pour dire que, sur la base des trois critères que nous venons de citer, la pratique de l’orpaillage n’est pas possible dans le sud Maradi. En effet, autour du site en question, on ne peut pas faire 500 mètres sans tomber sur un village.

Et le site qui a été découvert est situé sur un couloir de passage. Et il y’a des champs et des mares autour. Cela veut dire que tout est réuni, pour qu’on ne puisse pas permettre cette exploitation. Pire, quand il y a eu cette catastrophe, nous avons enregistré 18 décès dont 5 nigériens et 13 ressortissants étrangers. Tous les paramètres sont là donc pour nous dire que cette exploitation ne profite pas aux Nigériens. Même si nous dévons la permettre, il fallait prendre des dispositions pour que les Nigériens puissent en profiter d’abord. Malheureusement, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi, le Conseil des Ministres a décidé unanimement de la fermeture immédiate dudit site.

On en était là quand nous avons fait le déplacement, ensemble avec le ministre de l’Intérieur et celui de l’Education nationale, parce que entre-temps il y’a eu aussi le malheureux incendie qui a emporté des jeunes enfants dans une école. Ensemble donc, nous étions partis, nous avons visité le site et nous avons vu vraiment la masse des personnes présente sur les lieux, les conditions de travail, tout cela est inimaginable. Sur le terrain, nous nous sommes rendu compte que la décision d’interdiction de l’exploitation de ce site aurifère est réellement appropriée. Même si c’était un site illégal, on ne peut pas permettre qu’il y ait des trous contigus. Là, vous ne pouvez même pas faire un pas sans tomber sur un trou. La seule distance qu’il y’a entre les trous, c’est la largeur des sacs que les orpailleurs ont remplis pour placer entre deux trous. Nous avons vu des trous qui ont une profondeur de plus de 30 mètres, c’est interdit ! Le maximum, même sur les sites autorisés, c’est 10 mètres.

Pire, nous avons trouvé des galeries. Cela veut dire que vous rentrez dans un trou et vous pouvez sortir de l’autre côté. Nous avons trouvé des personnes dans ces trous. Ce qui est interdit pour l’exploitation artisanale. Pourtant il y’avait des FDS qui étaient là, chargées d’assurer la sécurité. C’est inimaginable ce qui se passe à Dan Issa.

C’est dans ces conditions que les gens se sont mis à dire que c’est de l’or trouvé à ciel ouvert et qu’il faut qu’on en profite. Je pense qu’aujourd’hui, s’il y a des richesses dans notre sous-sol, le gouvernement est le premier responsable. De toutes les façons, c’est écrit noir sur blanc dans la constitution que les ressources du sous-sol appartiennent à l’Etat. L’Etat est le garant de l’exploitation des ressources. La dernière fois, il y’a eu une météorite qui est tombée. Nous l’avons réquisitionnée. Aujourd’hui c’est sous scellé, parce que ça dévient un bien de l’Etat. C’est donc la même chose. Les gens ne peuvent pas dire que c’est leurs champs, qu’ils peuvent décider de les vendre et permettre aux intéressés de venir exploiter.

Mais comment est-ce qu’on est arrivé là ? Qui a donné les autorisations ?

Dans tout cela, nous étions les premiers à être interpelés, en tant que ministère des Mines. Nous sommes les seuls à pouvoir autoriser qu’il y ait des activités d’exploitation minière. Nos techniciens sur le terrain ont dit qu’ils n’ont jamais donné cette autorisation parce que, pour qu’il ait une autorisation, il faut qu’elle émane du niveau central. Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme ça. Le 3 octobre dernier, le directeur régional des Mines a écrit au maire de la commune de Dan Issa pour lui demander d’arrêter les activités qu’il est en train de faire, parce qu’il outrepasse sa fonction. C’était lui, qui s’est permis d’aller faire des morcellements comme si on vendait des parcelles pour habitats. Et on se retrouve avec des milliers des trous béants, devenus dangereux pour les personnes et pour le bétail.

Quelles sont les dispositions prises au niveau de votre département ministériel suite aux événements malheureux survenus à Dan Issa et la décision de fermeture du site, notamment à l’endroit des élus locaux, des exploitants et des populations ?

Nous avons pensé qu’il était de notre devoir de sensibiliser et de communiquer par rapport à la décision du Conseil des Ministres et surtout par rapport à nos règles. Nous avons envoyé nos techniciens à la rencontre des acteurs et leaders locaux pour leur expliquer les règles de l’exploitation minière, afin d’avoir leur adhésion et faire d’eux des garants du respect de la décision du Conseil des Ministres. J’ai tenu à être présente à l’atelier, avec le gouverneur de la région et les responsables des FDS. Nous avons rencontré les élus locaux, les députés, et toutes les forces. Et, nous ne pouvons pas comprendre cette connivence entre ces acteurs et les opérateurs sur le terrain.

Aujourd’hui, notre souci ce n’est pas ce que nous allons ressortir des sites aurifères, mais ce que nous allons léguer à nos générations futures. Même si le potentiel aurifère est prouvé sur le site de Dan Issa, il serait plus profitable pour la région de Maradi d’avoir une mine industrielle que d’avoir des tels trous là où c’est interdit.

Autour du site, il y’a même des personnes qui ont abandonné leurs maisons parce qu’ils ont des trous dessous et tout autour. Nous avons même trouvé des murs qui sont tombés. L’endroit est inhabitable actuellement. Les animaux ne peuvent pas non plus passer. L’espace est incultivable. Et pour vous dire l’ampleur de la situation, le site d’extraction est de 68 hectares. Le site de traitement, qu’ils ont créé à part, à 5km du site d’extraction, c’est 88 hectares. Après la fermeture, il y’a eu des malins esprits qui ont créé aussi un autre site de traitement, à côté d’une mare. Là, il a fallu que l’association des éleveurs aille se plaindre au gouvernorat pour qu’on puisse être au courant. Les éleveurs savent que c’est un danger pour eux et leurs animaux. C’est aussi un danger pour toute la population d’avoir une mare affectée par des produits chimiques. C’est de cela que l’Etat se soucie.

En plus, sur chaque site d’orpaillage, tous les maux de la société y sont conjugués : trafic de personnes et de drogue, prostitution, banditisme, etc. Or il y’a une forte densité humaine avec des villages à chaque 500 mètres, avec des hangars, des citernes, etc. Non, le gouvernement ne peut le permettre !

Effectivement, vous avez parlé du désastre écologique et des conséquences sur la vie des populations, et récemment il y a eu encore 7 morts au niveau du même site. Quelles sont désormais les dispositions que va prendre le ministère pour mieux sécuriser ce site ?

Je pense que les dispositions à prendre dépassent le Ministère des Mines. Comme je vous l’ai dit, c’est une décision du Conseil des Ministres. Tout le gouvernement est donc engagé, puisqu’il s’agit aussi de la sécurité, de l’environnement, des morcellements, etc.

Quand j’ai rendu compte de la situation sur le terrain, le Conseil des Ministres a reconfirmé la décision, en janvier et a engagé le génie militaire à aller faire une évaluation et déterminer les moyens qu’il lui faut. Le génie militaire va assurer le remblayage de tous les trous. La sécurisation va continuer. Mieux, il a été demandé à toutes les autorités de punir tous les récalcitrants. Toute personne qui est donc associée à désobéir, va sentir la rigueur de la loi. Au niveau du ministère, nous sommes engagés à le faire. Nous accentuons les actions de communication et de sensibilisation. Les gens doivent comprendre les enjeux et accepter la décision d’interdiction du site aurifère de Dan Issa. Nous nous disons que c’est par méconnaissance de la loi. Figurez-vous que ce sont des messages véhiculés par WhatsApp qui favorisent cette situation. Il suffit de dire que le maire va ouvrir le site à telle date et là il y a une affluence et la sécurité est débordée. C’est là tout le problème que nous avons. Ces malins esprits qui font des messages pour la ruée vers l’or. C’est en Conseil des Ministres qu’on a pris la décision de fermer le site, s’il y a ouverture c’est au Conseil des Ministres de l’annoncer. Mais, s’il y aura une exploitation aurifère là-bas, ce sera par une industrie, dans deux ans ou cinq ans, et non pas par de l’orpaillage.

Madame la ministre, l’actualité dans le secteur minier, c’est aussi la rencontre sous régionale prochainement à Niamey. Qu’en est-il de ce forum ?

Vous voulez parlez d’ECOMOF ? C’est le forum de la CEDEAO sur les mines et le pétrole. C’est un forum que la CEDEAO tient chaque deux (2) ans. La CEDEAO a ses critères d’analyse avant de décider du pays qui accueille l’événement. Lorsque le Niger a appliqué, c’était avec le Benin. Fort heureusement, avec la force des arguments, le plaidoyer et le dossier que le Niger a présenté, le Niger a été sélectionné. Notre atout c’est l’après conférence de l’Union Africaine, suite auquel nous avons eu plein d’infrastructures d’accueil qui nous permettent aujourd’hui d’abriter toute grande conférence.

L’ECOMOF devrait se tenir en 2020 mais à cause de la pandémie de la Covid-19, la CEDEAO a demandé que ça puisse se tenir par visio-conférence. Le Niger a tout naturellement refusé. Nous nous sommes dit quel est l’intérêt d’avoir un forum où chacun doit rester derrière son écran et palabrer. Le Niger a opté pour un report qui a été acté pour décembre 2021. Mais là aussi avec l’installation du nouveau gouvernement, nous n’avons pas eu le temps. Ici, nous avons deux ministères concernés, le département des mines et celui du pétrole. Nous n’avons pas pu ajuster, pour prendre en main cette organisation. C’est ainsi que nous avons proposé que le forum puisse se tenir du 16 au 18 février 2022. C’est ce que nous sommes en train de préparer activement.

Pour nous, c’est vraiment une grande opportunité. Pendant longtemps, quand on parle des mines on ne voit que l’uranium. Certes le Niger est présent sur le plan mondial, parce qu’il est listé 3ème ou 4ème producteur. Mais, nous voulons montrer qu’au-delà de l’uranium il y’a autres choses. Déjà, avec le problème de Fukushima, les cours de l’uranium sont tombés. Ce qui a été une catastrophe pour le marché mondial de l’uranium. Pour notre économie c’est vraiment un grand manque à gagner. Nous voulons montrer aux investisseurs qu’ils peuvent trouver plein d’autres choses au Niger. Nous avons du phosphate, de l’or, du lithium, nous venons de donner des permis tout récemment. Pour le lithium qui est le minerais d’avenir (utilisé par les industries de batterie et électronique), les gens étaient dépassés, oui il y’en a au Niger. Nous avons du gypse etc. Je ne peux pas vous lister aujourd’hui tout ce que nous avons comme matières. Nous invitons les gens à s’inscrire à ce forum pour venir découvrir le potentiel minier du Niger.

Aujourd’hui, la loi minière de la CEDEAO exige des Etats qu’il y’ait une transformation des minerais avant leur exportation. C’est un atout pour nos pays. Il faut de valeur ajoutée. Et avec celle-ci nous créons des retombées économiques pour notre pays. Nous allons organiser l’ECOMOF en février et nous allons créer d’autres opportunités pour attirer les investisseurs pour venir travailler avec la population nigérienne, la main dans la main. La loi minière, sur la base des conditions que nous avons fixées, fait que le contenu local est important. Ce contenu local c’est d’avoir des prestataires locaux, d’avoir une contribution pour les communautés auprès desquelles on travaille. Le contenu local, c’est utiliser l’expertise nationale. Ce n’est pas parce que notre pays est classé parmi les moins riches que nous n’avons pas d’expertise, nous en avons. Les sociétés qui sont là savent qu’il y’a des experts nigériens sur qui ils peuvent compter.

Réalisée par Ismaël Chékaré
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