Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Niger-Nigeria : vers une crise nutritionnelle de grande ampleur en 2022 ?

Publié le samedi 5 mars 2022  |  alwihdainfo.com
Le
© AFP par ISSOUF SANOGO
Le Noma est une maladie polymicrobien, infection gangreneuse Souvent en raison de plusieurs facteurs, parmi lesquels la malnutrition
Comment


MSF travaille en appui au ministère de la Santé nigérien pour fournir des services médico-nutritionnels dans la région de Maradi, plus exactement dans le district de Madarounfa frontalier avec l’Etat de Katsina au Nigeria.

Tandis que l’année dernière a été marquée par un afflux particulièrement élevé d’enfants malnutris dans les structures de santé soutenues par le projet, et que plusieurs éléments pointent vers une crise alimentaire et nutritionnelle de grande ampleur en 2022, Isabelle Defourny partage les constats et priorités de nos équipes.

Comment s’annonce l’année 2022 en termes de nutrition et sécurité alimentaire à Maradi ?

L’année dernière déjà, notre programme dans la région de Maradi a augmenté en urgence ses capacités pour prendre en charge 30 000 enfants hospitalisés, dont plus de 12 000 pour malnutrition aigüe sévère associée à des complications médicales, et soigner 35 000 enfants malnutris sévères suivis en ambulatoire. Aujourd’hui, plusieurs indicateurs convergent pour présager d’une situation encore plus critique pour la période de soudure qui débute chaque année autour de juin.

A travers le pays, selon les autorités, les récoltes sont inférieures de 39% à la moyenne de production des cinq dernières années. Ce déficit est principalement lié à la sécheresse de 2021 que les experts disent comparable à celles de 2004 et 2011, des années de sécheresse exceptionnelle qui avaient été suivies de crises nutritionnelles de grande ampleur. A cela s’ajoute l’insécurité sur certaines zones du pays, limitant les habitants dans leurs déplacements et la pratique de leurs activités agricoles. Combiné à l’impact collatéral du Covid-19 sur l’économie, cela entraîne une hausse générale des prix des denrées, avec le mil, le sorgho et le maïs de 25 à 31% plus cher comparativement à la même période les cinq dernières années.

On retrouve ces tendances nationales à Maradi, où les prix s’envolent et l’insécurité progresse dans les villages frontaliers avec le Nigeria. Les vols, enlèvements et autres violences physiques contre les populations sont en hausse dans le district de Madarounfa, et la frappe aérienne sur le hameau de Nachambé le 18 février, occasionnant la mort d’au moins quatre enfants, représente un nouveau palier dans cette escalade. De l’autre côté de la frontière, côté Nigéria, la situation tant sécuritaire que nutritionnelle reste catastrophique à Katsina où nous avons démarré une intervention d’urgence en juillet dernier. De nombreuses familles nigérianes continueront vraisemblablement de traverser pour que leurs enfants malnutris soient pris en charge au Niger.

Selon les projections de l’IPC, initiative mondiale d’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition, jusqu’à 3,6 millions de personnes pourraient être en situation de crise alimentaire (phase IPC 3 et plus) en juin 2022 au Niger, soit 15% de la population, et près de 1,3 million d’enfants en malnutrition aigüe.

Comment s’organise la réponse à la crise annoncée ?

Depuis plusieurs années, les fonds dédiés à la prévention et prise en charge de la malnutrition aigüe dégringolent. Aujourd’hui, les différents acteurs s’accordent sur la gravité de la situation, reste à savoir les moyens qui seront alloués pour y faire face. Le gouvernement nigérien a récemment partagé un plan de réponse pour les populations vulnérables, les différentes agences onusiennes comme l’UNICEF et le PAM alertent également sur l’ampleur de la crise alimentaire et nutritionnelle au Sahel, et au Niger en particulier.

Il ne faut pas perdre de vue que les commandes et l’acheminement de vivres et de produits alimentaires thérapeutiques peuvent prendre plusieurs mois, et qu’à partir de juin les enfants vont commencer à affluer dans les services nutritionnels. Du financement de ces différents plans et acteurs dépendra donc en partie le déploiement dans les temps d’une aide alimentaire adaptée.

Par ailleurs, si une attention particulière est logiquement portée sur le sort des populations en zones de conflit à Tillabéry et Diffa, il ne faudrait pas que la réponse humanitaire délaisse les régions considérées comme plus stables, telles que Maradi et Zinder, et qui représentent en volume les foyers de malnutrition aigüe les plus importants du pays.

Quelles sont nos priorités dans les mois à venir ?

Nos équipes se préparent à nouveau à prendre en charge un nombre particulièrement élevé d’enfants dans les centres de santé et services hospitaliers que nous soutenons. Nous souhaitons élargir cette année notre action à tous les enfants souffrant de malnutrition aiguë, pas seulement les plus sévères, et renforcer les activités de prévention et prise en charge du paludisme. Il faudra aussi rester vigilants sur l’évolution de la situation et des réponses mises en œuvre pour que les populations soient aidées par les différents acteurs à la hauteur de la crise traversée.

Des progrès majeurs ont été accomplis au Niger pour réduire la mortalité infantile et combattre la malnutrition aigue depuis près de vingt ans. Pour autant, est-ce qu’on devrait se satisfaire de l’hospitalisation de dizaines de milliers d’enfants malnutris en état critique chaque année ? De ne s’occuper de sauver ces enfants et d’aider leurs familles que lorsqu’ils atteignent les stades les plus sévères de la malnutrition qui engagent le pronostic vital ? Bien sûr que non, et des efforts de longue haleine qui dépassent de loin les seules capacités de MSF restent encore à mener pour développer des campagnes de prévention plus efficaces, assurer l’accès à des suppléments nutritionnels à plus grande échelle et aux soins pédiatriques.
Commentaires