Dans un entretien qu’il a accordé à la chaîne de télévision qatarienne, « ALJAZEERA », le président nigérien, Mohamed Bazoum, a signifié que si l’on devait regarder le nombre de terroristes, dont plusieurs chefs, que la force Barkhane a « éliminés » au Sahel, « on ne peut que conclure que l’opération française a été un succès et même un succès important ».
La force française Barkhane a-t-elle échoué ou réussi dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ? Pour le président nigérien, la réponse est conditionnée par les attentes des uns et des autres qui peuvent être différentes. C’est-à-dire, selon cette différence dans les attentes, l’on peut dire qu’elle a échoué ou a réussi. Mais, pour lui, Barkane n’a pas échoué au Sahel. Bien au contraire.
En effet, le président Bazoum estime que si l’on prend en compte « une certaine opinion africaine qui voudrait que Barkhane règle tous les problèmes du terrorisme au Sahel, évidemment, on dira que Barkhane a échoué ». Par contre, « si l’on est lucide », comme il estime être, on dira que la force française a été « un succès important au Sahel », dit-il.
« Pour avoir réussi à tuer 2 800 terroristes parmi les plus combatifs des groupes mobilisés dans le Sahel ; pour avoir tué Droukdel et le patron de AQMI en Algérie, en la centrale, la mère-même ; pour avoir tué Abou Walid Al-Sahraoui qui est le chef de l’Etat Islamique dans le Grand Sahara ainsi que tous ses principaux lieutenants et tous les lieutenants de Iyad AG Ghali, lorsqu’on voit la chose sous cet angle-là, on ne peut que conclure que l’opération française a été un succès, et même un succès important », s’est expliqué Mohamed Bazoum sur la chaine de télévision ALJAZEERA.
« Nos armées ont le rôle le plus important et c’est à elles d’échouer ou de ne pas échouer. C’est à elles, précisément, de ne pas échouer », a -t-il affirmé, soulignant n’avoir jamais pensé que « Barkhane, ou que les partenaires extérieurs avaient vocation à se substituer à nos armées et avoir des résultats qui seraient à eux propres dans lesquels nous, nous ne prendrions pas part ».
L’important travail de Barkhane éclipsé par l’impuissance des armées sahéliennes
Pour Mohamed Bazoum, l’opération Barkhane, au Sahel, a été victime de ce que l’on peut qualifier de « l’impuissance » des armées de cette région. Ce qui, selon lui, a tendance à éclabousser les résultats qu’elle y enregistre dans la lutte contre le terrorisme.
« Si nos armées ne sont pas performantes, leurs alliés, quels que soient leurs résultats, on aura l’impression d’une situation plutôt mitigée à la fin. Et à mon avis, Barkhane est victime de cela », a-t-il soutenu.
Se disant « lucide et raisonnable », le président nigérien estime que « 2 800 terroristes en moins sur le théâtre des opérations, c’est quelque chose d’appréciable ». Il précise que presque tous les chefs terroristes ont été tués [par Barkhane], et, de ce fait, leurs organisations se trouvent, aujourd’hui, désorganisées. Pour lui, cela représente quelque chose d’assez important dans la lutte anti-djihadiste. « (…) Ce sont des choses qui pèsent dans le rapport de force », dit-il.
« LE NIGER SERAIT CERTAINEMENT LE CENTRE NÉVRALGIQUE DE LA LUTTE CONTRE LE DJIHAD DANS LE SAHEL »
Dans son entretien qui a duré près d’une demi-heure, le président nigérien a indiqué que si les Français ainsi que les Européens qui sont engagés aux côtés des forces armées régionales, dans le cadre de l’opération Takuba au Mali, devraient se redéployer et mettre en place un dispositif plus consistant au Niger, « le Niger serait, en effet, certainement le centre névralgique de la lutte contre le Djihad dans le Sahel ». Et ce, seulement « si les partenaires extérieurs les voudraient bien ». Mais, pour le moment, souligne-t-il, rien n’est acquis.
« Nous n’avons pas une idée précise de la façon dont ce dispositif, jusqu’ici, à l’œuvre au Mali, va être réarticulé dans la région. C’est toute l’Afrique de l’Ouest qui est menacée et c’est l’ensemble des pays, du moins ceux qui sont sous la menace la plus pressante, l’ensemble donc des pays de la CEDEAO, qui sont demandeurs d’une intervention des forces spéciales, tant de Barkhane que de l’opération européenne », a déclaré Mohamed Bazoum.
La présence physique des forces étrangère tout autant sollicitée que leur aide matérielle
Le Chef de l’Etat nigérien estime que l’aide matérielle (et ou financière) de partenaires extérieurs, à elle seule, n’est pas suffisante pour combattre le terrorisme au Sahel. Il a indiqué avoir, avec ces partenaires, un programme de formations, de renforcements des capacités, mais aussi un programme d’équipements et de construction d’infrastructures. Il suppose que ce concours à lui seul, n’est pas suffisant. « C’est pourquoi nous concevons leur présence physique avec les moyens qui sont les leurs et qui sont d’une nature supérieure aux moyens que nous, nous sommes capables de mobiliser ».
Par ailleurs, même si l’aide de ces partenaires est en deçà des attentes des autorités, selon Mohamed Bazoum, il est inconcevable de se passer d’eux. « Nous allons nous satisfaire de ce qu’ils peuvent nous donner », a-t-il déclaré.
Selon Bazoum, pour que le Niger ne tombe pas dans une « situation difficile », comme, prédit-il, celle « qui va arriver au Mali » pour avoir fait l’option de se passer des partenaires extérieurs, « il vaut mieux être avec ces partenaires, même dans la limite des moyens insuffisants qu’ils mobilisent à nos côtés que de rompre avec eux ».