Tashé ou Assouré-Assouré en Haoussa, Tobey- Tobey ou Bani Koulé en Zarma, est une sorte de folklore sinon de carnaval traditionnel qu’organisent, chaque année, les jeunes Nigériens, dans plusieurs localités au cours du mois de Ramadan. En effet, dès le 10ème jour du mois béni, des jeunes gens, dont l’âge varie entre 7, 15 voire 20 ans, habillés en loques, badigeonnés de poudre, de cendre, de banco, maquillés en clowns version locale, bref, dans une présentation totalement ludique et amusante, sillonnent les rues, visitent les maisons et interceptent les passants pour présenter leurs numéros. Ces prestations accompagnées des sons de bouteilles, de boîtes, de tasses, de calebasses, des applaudissements et souvent des tam-tams, fabriqués à l’occasion mais aussi des pas de danse, permettent à ces jeunes non seulement de s’amuser, d’amuser et de faire rire les autres, durant ce mois béni, mais aussi et surtout de collecter quelques biens en nature et en espèce. Ces artistes amateurs et d’occasion, par le biais de leurs prestations, essayent d’imiter les animaux et de dénoncer les travers des humains, un peu à l’image des fables de la Fontaine. Sucre, riz, mil, sorgho, maïs, argent, tout passe, pour récompenser les efforts de ces jeunes.
Dans la nuit du dimanche 24 avril dernier, sous la houlette du Conseil Régional de Zinder, plusieurs artistes ont organisé une nuit de Tashé. Ces artistes ont sillonné les rues de Zinder, la capitale du Damagaram, pour redonner vie à ces prestations juvéniles, qui ont tendance à sombrer dans l’oubli. Abdou Moussa, un des participants à la nuit de Tashé de Zinder, indique qu’au regard de la disparition constatée de leurs valeurs culturelles, des jeunes gens de Zinder ont décidé de réhabiliter la pratique du Tashé ou Assouré-Assouré. « Cette prestation culturelle se pratiquait chaque année, pendant le mois du Ramadan, dès son 10ème jour et cela jusqu’à sa fin. Cette pratique, qui se fait un peu partout au Niger, loin d’ennuyer les gens, attire plutôt l’attention, la curiosité, le sourire, bref l’intérêt des passants ou des endroits visités. Ce qui explique d’ailleurs les divers et multiples cadeaux qu’on offre volontiers à ces artistes en herbe », précise M. Moussa. « Certes, quelques rares jeunes continuent de faire ce Tashé. Mais de nos jours, c’est plus de la mendicité que de la distraction, ou de la culture. C’est pour montrer réellement comment se pratiquait l’authentique Tashé, que nous avons décidé d’organiser cette nuit culturelle, folklorique et distrayante », justifie-t-il. Ainsi, au rythme des sons de bouteilles, de boîtes, de tasses, de calebasses, des applaudissements, des chants et souvent des tam-tams, ces jeunes ont sillonné plusieurs rues de la ville de Zinder. Les domiciles de plusieurs personnalités locales ont été aussi visités : le Sultan du Damagaram, le président du Conseil Régional, le maire de la ville, certains dignitaires, etc. Partout les visités ont fait l’honneur à ces nombreuses personnes, en sortant devant leurs portes, pour les accueillir et les encourager. « Je suis très content de voir cette mobilisation autour des valeurs culturelles de notre terroir. Cela me rappelle beaucoup ma jeunesse, où nous passons de maison en maison, tout maquillés et en chantant, pour présenter nos divers numéros de Tashé, en retour les gens nous offraient de cadeaux, soit du sucre, des céréales ou autres, mais jamais de l’argent », se souvient M. Abdoul Rahim Balarabé, président du Conseil de ville de Zinder. Plusieurs autres personnalités et dignitaires visités ont confirmé avoir été surpris par cette initiative et s’être agréablement rappelés de leurs jeunesses, des prestations des Assouré-Assouré, dans leurs quartiers ou dans leurs localités et cela en tant qu’acteurs ou en tant que simple spectateurs. «Ces prestations, que nous répétions avant d’aller sur la scène publique, nous font engranger beaucoup de choses. Nous recevons en récompense des céréales, de l’argent et même des habits. Une année, au cours d’une seule nuit, nous avons eu jusqu’à dix (10) mille FCFA et une vingtaine de tiya (mesures) de diverses céréales », se rappelle Halima Habibou une participante à cette activité. « Vraiment je félicite et encourage cette louable initiative et appelle les jeunes à ne pas oublier ou abandonner leur culture. Car un homme qui ne sait pas d’où il vient ne saura pas où il va », lance M. Balarabé.