Après les déboires connus par les 15 délégués du personnel de la China National Petroleum Corporation (CNPC) de Niamey et N’gourti en ayant fait l’objet de licenciement en décembre 2016, et les 6 délégués de Zinder ayant écopé d’un blâme, pour avoir organisé un sit-in à la devanture de leur direction, c’est le tour des agents du service commercial de Air-France de connaitre le même genre de mésaventure.
Pour le cas des délégués de la CNPC, on se rappelle que le Conseil d’Etat avait annulé la décision de leur licenciement (puisque illégale) et ordonné leur réintégration. Mais la CNPC a refusé en toute impunité d’exécuter la décision de la plus haute autorité en matière administrative, et ce jusqu’à ce jour.
Aujourd’hui, c’est la Délégation locale de Air-France Niger qui prend le relai, pour outrepasser les avis conformes et recommandations de l’Inspection du Travail de la Région de Niamey.De quoi s’agit-il ?
La compagne Air-France qui traverse des difficultés suite à la crise sanitaire de la pandémie covid 19, avait obtenu un sacrifice de ses agents à travers la signature d’un protocole d’accord le 2 décembre 2021, dans lequel Air-France et ses agents convenaient du gel des augmentations générales et individuelles (hors ancienneté) pour tous les agents pour l’année 2022 afin de permettre à l’entreprise de maintenir ses engagements financiers.
Mais quelques deux mois après, Air-France balaye d’un revers de main ce protocole pour initier une réorganisation de ses activités. Et dans cette lancée, Air-France propose d’abord une réduction collective de salaire, ce que refuse l’Inspection du Travail. Ensuite, Air-France envisage de procéder tout simplement à un licenciement pour motif économique, pour contracter avec une structure étrangère de sous-traitance appelée GSA (General Sales Agent). Pour cela, la Délégation locale de Air-France sollicite avant tout l’éclairage de l’Inspection du Travail au cours d’une réunion.
La Confédération Nationale des Travailleurs (CNT), centrale d’affiliation du syndicat des agents d’Air-France qui a été sollicitée par le personnel pour assister à cette réunion avec la Direction a été toute simplement interdite d’accès à la salle. Et, les responsables de cette compagnie refusèrent tout dialogue, malgré la correspondance du Ministre de l’Emploi dans laquelle il invitait l’entreprise à respecter les conventions 87 et, 98 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) dans ses relations avec les travailleurs.
Après cette réunion, Air-France sollicite par correspondance, l’avis technique de l’Inspection du Travail sur le licenciement économique projeté, ainsi que l’autorisation de licencier une déléguée du personnel.
L’Inspectrice du Travail répond qu’en l’espèce, il s’agit plutôt de la modification de la situation de l’employeur régie par les articles 97 et suivant du code du travail (qui prévoient dans ce cas le maintien des contrats de travail des agents avec le nouvel employeur).
Et, l’Inspectrice du Travail tout en refusant d’autoriser le licenciement d’une déléguée du personnel, a précisé clairement à cette occasion, que la procédure de ce licenciement déroge au droit en vigueur au Niger, et a exhorté Air-France au respect de la législation sociale nigérienne.
Sans tenir compte de ces avis conformes et recommandations de l’Inspectrice du Travail, Air-France de façon unilatérale, soumet à un cabinet notarial des protocoles de départ volontaire et, impose aux employés la signature desdits protocoles avec un délai imparti pour cela.
L’inspectrice du Travail intervient à nouveau, pour notifier à Air-France que les conditions de départ volontaire ou négocié sont arrêtées d’un commun accord entre les parties, conformément à l’article 86 alinéa 2 du Code du Travail, et non imposées aux travailleurs. L’inspectrice profita aussi, pour demander à la délégation de cette compagnie de respecter les travailleurs qui lui ont rapporté avoir été traités ‘’d’imbéciles’’, juste pour avoir refusé de signer ces protocoles.
S’entêtant dans sa logique d’outrepasser les décisions de l’Inspection du Travail, Air-France procède malgré tout, au licenciement pour motif économique, à travers une notification adressée aux concernés le 03 mai 2022.
La tentative de l’Inspection du Travail s’étant avérée vaine pour faire respecter le Code du Travail nigérien et, les efforts du Ministre de l’Emploi vains pour assoir un climat dialogue entre Air-France et son personnel, le dossier est actuellement transmis au gouvernement par la Confédération Nigérienne du Travail, pour l’imprégner du climat social qui règne entre Air-France et ses agents, mais aussi, des violations répétées du droit en vigueur au Niger par cette compagnie.
De toute évidence, il y a lieu de reconnaitre qu’au regard du comportement de Air-France, qui consiste à braver la législation sociale nationale et les conventions de l’OIT que le Niger a ratifiées, les pouvoirs publics se doivent le plus vite possible, rappeler à l’ordre cette compagnie multinationale. Sinon à ce rythme, cette affaire risque de conduire à l’interpellation du Niger devant les instances habilitées du BIT, et ternir par conséquent l’image du pays à cause d’une entreprise, dont la plus-value n’est guère considérable pour l’économie nationale.
Mieux ! Le gouvernement saisi du dossier doit s’imposer sans faiblesse et affirmer sa souveraineté en faisant respecter sa législation tant par les entreprises nationales que les multinationales. Cela permettra d’éviter qu’à l’avenir, d’autres entreprises ne suivent le pas de la CNPC et d’Air-France, qui sans aucun respect pour les travailleurs nigériens, veulent impunément fouler au pied les textes de la République.
(Affaire à suivre)