Le Sahel, du fait d’une insécurité grandissante, presque non maîtrisable par ses nouvelles complexités y compris par les forces d’occupation, souffre le martyr depuis des années avec des peuples éprouvées, des armées exténuées, des espaces désertés tragiquement silencieux, des économies étranglées, une école en pleine perdition dans de larges contrées vivant sous les affres de l’insécurité. La présence militaire étrangère ne change rien à la situation et c’est presque impuissants que les peuples assistent à la dégradation continue de la situation. Une telle situation, comme il fallait s’y attendre, a remis à la table la nécessité de ces alliances militaires infructueuses, souvent suspectes. Le format opportuniste de G5-Sahel créé pour capter au nom de la guerre des fonds, dès le départ, avait fait douter beaucoup d’observateurs quant à ce qui aura réellement motivé l’initiative. Au Niger, on doit vite s’en rendre compte quand, profitant de la guerre qui justifie des investissements colossaux en faveur des armées, des hommes s’en servent à détourner des budgets alloués à l’armée pour s’enrichir, montrant par de tels prévarications que l’insécurité compte moins que leur confort. D’ailleurs, alors que le G5-Sahel, officiellement se créait avec la Mauritanie, ce pays n’a montré que peu d’intérêt à ce cadre de lutte contre le terrorisme, car plus concentrée à protéger ses frontières pour éviter quelques excursions dans son territoire, choix pertinent, responsable et réaliste car à la fin, l’on se rend compte que c’est le pays le moins touché par le terrorisme.
Cela fait souvent plus de neuf ans que des pays se battent contre le phénomène sans en arriver à bout. Et si l’on est arrivé à un tel niveau d’insécurité avec l’étendue dans laquelle sévit le terrorisme c’est que ceux qui ont en charge la gestion des Etats n’ont aucune capacité – et peutêtre aussi aucune volonté – à combattre le mal, à l’endiguer pour définitivement ramener la paix dans les pays de la zone touchée. Aussi, au lieu de la manne attendue par des pouvoirs voraces, les Etats, découvrent vite la supercherie notamment avec une Europe qui envoie de grosses structures budgétivores comme EUCAP-SAHEL qui permettent à des ressortissants de la communauté envoyés chez nous pour combattre le phénomène, à récupérer une part importante des fonds que l’UE prétend mettre à disposition dans le cadre de la lutte globale contre le terrorisme, ne serait-ce que par leurs prise en charge, leur vie luxueuse, leurs salaires énormes. Le G5-Sahel n’arrive donc pas à convaincre et les peuples en doutent depuis des années pour ne plus compter sur ce regroupement artificiel pour croire qu’on puisse arriver avec un tel instrument à bout de l’insécurité.
Une annonce qui met à mal la cohésion au sein du G5-Sahel Dans son isolement, le Mali, a fini par claquer la porte, refusant de siéger au sein du G5-Sahel dont on lui refuse la présidence rotative au prétexte que le pays ne serait pas en conformité avec les règles pour y aspirer à le diriger alors même qu’un pays comme le Tchad où gouverne un putschiste pouvait en assurer la direction. L’annonce fut fracassante et depuis, le G5-Sahel perdit de sa force apparente, de sa cohésion déjà trop fragile. Dans son émiettement, comment peuton continuer à croire à cette structure qui peine depuis des années à convaincre de sa pertinence autant que de son utilité ? Les maliens n’ont-ils pas raison de se défaire d’une chose qui ne peut montrer son utilité ? C’est dans ce déchirement qu’une autre donne de la voix, annonçant même la mort du G5- Sahel
Bazoum, fossoyeur du G5-Sahel… ?
Dans une interview donnée au journal français, La Croix, le président nigérien, sur le seul fait que le Mali ait annoncé son retrait du G5-Sahel, pouvait aller à la déduction hâtive par laquelle, il voit une «mort» certaine de la structure sous-régionale. Qu’est-ce qui peut d’ailleurs fonder un tel argumentaire ? Que le seul Mali en sorte pourrait-il justifier que le G5 meurt, et qu’un autre, de son propre chef, l’enterre ? Ou bien faut-il croire que le G5-Sahel se créait plus pour autre chose que pour la sécurité au Sahel, toute chose que pourraient avoir compris les autorités maliennes pour décider de s’en distancer ? La question est opportune car, personne n’a pu voir la raison qui puisse valablement démontrer l’affirmation d’un président qui, si tant est qu’il pouvait avoir une telle compréhension du problème, n’aurait pas raison à s’en prendre trop à ce pays et à ses autorités, et à se faire l’un des procureurs les plus intraitables d’un pays voisin dont il a plus intérêt à être solidaire de la situation pour l’aider à s’en sortir plutôt qu’à le combattre dans la situation inconfortable qu’il traverse. Cette perception nigérienne du problème ne fait d’ailleurs pas l’unanimité car, il n’a pas fallu trop longtemps pour entendre un autre pays – le Tchad – se prononcer sur la prophétie de Bazoum Mohamed, avec des autorités de haut niveau du pays d’Idriss Déby qui se rendaient à Bamako pour exprimer au Mali leur amitié et leur solidarité, se désolidarisant des propos du président nigérien qui risque ainsi de s’isoler au sahel relativement au problème malien quand lui pouvait demeurer inflexible, sans doute pour plaire à une France qui est pourtant en train de revoir ses positions et sa politique à l’égard du Mali. Tant il est vrai qu’ils sont très nombreux dans la sous-région à ne plus avoir cette attitude rigide vis-à-vis du Mali. On a même entendu le président togolais offrir ses bons offices pour rapprocher la CEDEAO du Mali, comprenant mieux que le Mali, dans ce contexte, ait plus besoin d’autre chose que de ces sévérités que lui commandent un autre dont elle est devenue l’instrument. Qui parle d’ailleurs trop du Mali si ce ne sont les autorités nigériennes qui n’ont cette attitude désobligeante que par précaution pour elles-mêmes. Il profitait des colonnes de La Croix pour s’attaquer encore aux autorités de la transition malienne sans qu’il n’y ait de cohérence dans ses analyses. Pourquoi le retrait du Mali pouvait-il conduire à la «mort» du G5-Sahel ?
Mais plus que sur un tel aspect, c’est sur un autre que sa parole pourrait inquiéter ses alliés occidentaux qu’il appelle à combattre sérieusement tout en n’ayant pas peur de mourir pour nous comme si, ainsi qu’on peut l’entendre dans les non-dits de sa communication, que les forces étrangères éviteraient de se battre franchement par peur de se faire tuer pour nous alors que leur engagement ne devrait pas aller à consentir un tel sacrifice pour des gens qui pouvaient ne pas mériter un tel sacrifice de leur part. Tant les propos du président nigérien sont faits de doute quant à l’engagement des occidentaux dans cette guerre au point de croire, qu’il pourrait aussi aller à l’option extrémiste malienne si jamais il arrive qu’il se rende compte que l’engagement européen n’est pas effectif, du moins sincère pour consentir pour nous le sacrifice ultime. En tout cas, il est donné à croire que Bazoum Mohamed, en tenant de tels propos, prendrait des distances, commençant aussi à douter ainsi qu’il l’a toujours pensé et il l’avait dit, souvenons-nous, devant Emmanuel Macron en France, quand au début de son entrée en fonction, il lui disait que notre sécurité est de notre responsabilité exclusive et ce, avant que, convaincu par un autre – suivez mon regard – il ne renonce à ses convictions pour faire l’apologie de la coopération militaire avec l’Europe et tenir à l’occasion des propos qui avaient choqué l’opinion, demandant à refusant, par un regard étriqué, à refuser au, nom de la souveraineté clamée, les routes construites par l’UE.
Depuis cette interview, la France pourrait se méfier d’un président devenu imprévisible, soufflant presque le chaud et le froid, pour ne pas trop saisir ses positions et savoir mieux le gérer.
Le Tchad ne croit donc pas à la mort annoncée du G5-Sahel et nourrit l’espoir que pour autant le Mali n’est pas perdu ni pour la CEDEAO encore moins pour le G5- Sahel pour peu que l’on sache parler au Mali et l’écouter. C’est d’ailleurs avec un tel esprit que la délégation tchadienne se rendait à Bamako, avec un esprit plus fraternel, non avec cet esprit belliqueux qu’ont les autorités nigériennes, chaque fois qu’elles doivent parler de ce pays et de ses choix souverains.
D’ailleurs, si tant est que Bazoum Mohamed et ceux qui pensent comme lui pour croire que le G5- Sahel est une nécessité, pourquoi, à défaut du Mali qui s’en écarte, ne peut-on pas redessiner la carte pour réduire ce regroupement à un G4 pour faire regretter alors au Mali son choix quand ce G4 aura mieux réussi que sa soeur aînée ?
Le Niger ne peut pas se rendre compte à quel point le Mali est loin dans ses choix pour ne plus compter sur une France avec laquelle il s’est stratégiquement éloigné pour se rapprocher d’autres et notamment de la Russie dont l’amitié agace une France qui ne supporte pas de la voir dans ses platebandes pour lui ravir des espaces naguère sous son contrôle.
Juste après la délégation tchadienne, l’on apprend qu’une délégation mauritanienne est attendue dans le pays Choguel Kocala Maïga pour raffermir des relations quand la CEDEAO embourbée dans ses extrémismes, ne sait plus comment se sortir de «son affaire» alors qu’elle est lasse d’attendre l’effondrement attendu d’un Mali qui tient bon, sachant qu’il y a toujours un prix à payer pour ses choix et qu’il avait à s’assumer et à tenir stoïquement, pour la victoire si proche. Comme quoi le Mali reste fréquentable et malgré l’activisme de la France et de la CEDEAO, il n’est pas pour autant isolé.
D’ailleurs, même Issoufou Mahamadou qui était l’ardent défenseur de ce G5-Sahel n’en était que très déçu au point de demander, sans succès, qu’il soit placé, sous le chapitre 7 des Nations Unies. Mais, alors, pourquoi contrarier le Mali dans ses rêves, dans ses choix souverains ? Si tant est que le président nigérien est convaincu de la nécessité du G5-Sahel, lorsque le Mali s’en retire de manière souveraine plutôt que d’y voir sa mort, il pourrait mieux convaincre ceux qui y restent, autour d’un G4 Sahel. Mais qui peut-il convaincre quand tout le monde doute, y compris certains partenaires qui hésitent à s’y engager redoutant certainement d’autres fiascos inévitables quand les acteurs engagés peuvent ne pas être animés par les mêmes ambitions ?
A des moments de l’histoire, les peuples ont à faire des choix difficiles.