Des violences d’une ampleur inattendue marquées récemment par l’assassinat en salle de classe d’un enseignant par un élève, dans la région de Tahoua, des actes d’indiscipline et de vandalisme dont le fait le plus récent est cet épisode de « casse » de table-bancs où l’on voit à travers une vidéo-amateur des élèves du CES Tillabéri, parait-il, qui saccagent brutalement leur propre classe, à ce challenge de « journée sans sac » où les élèves s’amusent à jouer aux pires débiles en venant à l’école avec leurs cahiers et livres dans des valises, casseroles, paniers de ménagère, brouettes etc, sans oublier l’affaire de vidéos à caractère pornographique mettant en scène de jeunes filles et garçons, élèves de certains établissements de Niamey, qui a défrayé la chronique sur les réseaux sociaux, en début de l’année académique: Le milieu scolaire a été, cette année, le théâtre de faits divers particulièrement indignes de connotation éducative de l’école.
Ces faits décevants surgissent pourtant au moment où les autorités multiplient les initiatives, reformes et projets, afin de redresser le système académique déjà assailli par une tendance fulgurante de baisse de niveau, l’insuffisance et vieillissement des infrastructures pour des effectifs de plus en plus grandissants.
L’acte de vandalisme des élèves de Tillabéri, qui serait une forme malpolie de remercier leur classe, en cette fin d’année, intervient notamment quelques jours après une réunion du Cadre de concertation sur l’éducation nationale, tenue le vendredi 3 juin 2022, sous la présidence du ministre de l’éducation nationale, Pr Ibrahim Natatou, en présence des cadres centraux du Ministère de l’éducation nationale, des représentants de l’association nationale des parents d’élèves et étudiants, des syndicats et associations du secteur. En effet, le cadre de concertation déjà saisi sur la situation née des actes de violences précédents dont ceux ayant abouti à la mort d’un enseignant à l’école Guidan Alami dans le département de Bouza, envisageait des mesures idoines telles que le renforcement de l’enseignement de la morale dès l’école primaire; la sensibilisation des élèves et les enseignants sur le respect des règlements intérieurs à tous les niveaux; et la sensibilisation des autorités coutumières et des communautés sur la problématique de la violence en milieu scolaire.
De mal en pis !
L’heure est grave. L’on reconnait certaines comportements et attitudes qu’on peut qualifier d’acte d’indiscipline aux élèves. Des surnoms moqueurs qu’ils attribuent à leurs enseignants, des écritures et dessins qu’ils gribouillent sur les bancs et murs de l’école, et rarement des interactions à la limite verbales avec leurs maitres, des « casses » à l’occasion des manifestions, mais quand-même pas des actes aussi criminels et insensés si ce n’est pendant cette année de tous les scandales.
C’est vraiment déplorable pour le système éducatif nigérien qu’un élève puisse agresser son enseignant qui prépare son avenir alors que la moindre des choses qu’il devait à son égard c’est le respect. Certes ce sont des faits plus ou moins isolés, mais qui compromettent décidément la connotation de l’école nigérienne.
Par rapport aux actes reprehensibles, les élèves du Collège Mariama, s’y sont une fois de plus illustrés dans le challenge du « débarquement les plus fous » à l’école lors d’une « journée sans sac ». Selon la directrice de cet établissement semi-privé, c’est un groupe d’élèves qui a fait la manifestation pendant la recréation, sur le terrain d’EPS, mais les autres n’y sont pour rien. « Après nos enquêtes nous savons qui et qui sont à la base de cette manifestation. En termes d’acte d’indiscipline c’est le seul acte majeur qui a été enregistré dans l’établissement. Et des sanctions seront prises au cours des délibérations de fin d’année », assure Mme Sadou Odile. Sinon, en termes de violence, des cas de petites bagarres entre élèves ne finissent jamais.
Il faut noter que, ces histoires de « journée sans sac » viennent des réseaux sociaux, notamment de la plate forme Tik tok où, à travers le monde, les jeunes rivalisent plus en débauche qu’en importe quoi, pour le buzz. « Nous ne comprenons pas d’où ils s’inspirent sur ces genres d’idées, si ce n’est à travers la télévision et les réseaux sociaux », affirme M. Bruno Saussou, censeur au Collège Mariama. Il estime que les responsables des écoles et les autorités sont appelés à prendre des mesures appropriées contres les influences qui détruisent l’éducation. « Au lycée Lafontaine, les téléphones portables sont interdits. Nous avons tenté de le faire ici au collège Mariama il y’a 5 à 6 ans, mais ce sont les parents même qui se sont opposés, comme quoi, ils ont besoin d’être en contact avec leurs enfants, quand ils viennent les chercher à la descente », déplore le censeur. La seule chose qui a pu être instaurée c’est l’interdiction de l’utilisation des téléphones en classe. « Au collège Mariama nous ne tolérons pas les téléphones portables en classe. Quand l’élève se fait prendre, son téléphone est confisqué jusqu’à la fin de l’année », disait la directrice Mme Sadou Odile.
Les parents qui payent des téléphones en cas d’urgence pour leurs enfants, si tel est le véritable souci, ils ne leur rendent pas service en leur offrant ou les laissant venir avec des smartphones en classe, et ils (les élèves) ont l’esprit partagé entre la classe et les réseaux sociaux. En effet, les smartphones ne sont pas nécessaires en classe, puisque les recherches même sont sensées se faire à la maison. En fin de compte, connectés, certains élèves ne sont présents que physiquement dans la classe. Et pire, il n’est pas rare de voir des « selfies » et des vidéos prises pendant des heures de cours.
Laxisme dans l’application des règlements intérieurs de l’école ou démission des parents d’élève
« Je pense que ce sont les parents d’élèves qui sont responsables de ce phénomène. Actuellement ce qui est difficile pour nous c’est le caractère d’indiscipline des élèves. Je suis sûr que le proviseur de cet établissement de Tillabéri, le matin il est venu à l’école sans penser à s’attendre à ces actes. C’est imprévisible », s’exclame le censeur de Mariama. M. Bruno explique qu’en principe le règlement intérieur permet de prévenir et gérer des actes d’indiscipline et exige que chaque parent le lise et le signe, pour que l’application des textes se fasse telle qu’elle se doit.
Pour le directeur du lycée Kassaï, M. Yacouba Amadou, la situation dans laquelle l’école nigérienne se trouve aujourd’hui, interpelle tous les acteurs. Les élèves sont connectés sur les réseaux sociaux et déconnectés de l’école et des mœurs. C’est le revers du développement de la technologie. « En réalité ce n’est pas un problème de texte, moi je pense que c’est un problème d’éducation. Je me dis ce sont des enfants qui ont raté leur éducation de base, à l’origine de ces actes », estime le proviseur du lycée.
« Apres les cours, de fois, ou quand ils sont en grève, les élèves montent et tapent sur des tables. C’est ce qui fait que nous avons toujours des tables cassées », se plaint Issa Abdou, membre du comité de gestion de l’établissement. Selon lui, cette année ils ont confectionné plus de 1.500 tables. Les élèves de 6ème sont les plus indisciplinés, ils font du n’importe quoi dans les classes. Pour sa part, le COGES du Kassaï fait classe par classe pour sensibiliser les élèves afin qu’ils prennent conscience et s’approprient des biens de l’école.
Au lycée Kassaï, en plus des actes de vandalisme décrits par les membre du COGES, l’établissement situé au cœur du « no man’s land » du marché Katako de Niamey est confronté à une insécurité particulière. « Nous avons des intrus qui viennent nous agresser ou agresser les élèves. C’est cela surtout notre difficulté. Ils nous dérangent de trop. Tout récemment nous avons pris un enfant qui venait voler des motos », nous apprend M. Yacouba Amadou. Et à l’entrée de son bureau nous croisons le censeur de l’école accompagnant une élève qui venait d’être agressée avec une lame par un jeune inconnu. « Il a dû utiliser une lame pour déchirer la pomme de la fille, certains élèves et responsables de l’école sont en train de sillonner les couloirs pour le retrouver, afin de le mettre à la disposition de la police », affirme le proviseur. « Après des jours fériés, des congés, ou des weekends, nous constatons souvent qu’il n’y a pas des tables, des ventilateurs, des robinets, des chaises etc », ajoute le membre du COGES.
Par Ismaël Chékaré(onep) et Mourtala Alhassane(onep)