Le constat se dégage et se confirme, de mois en mois, selon lequel la présidence de la république actuelle du Niger serait entre les mains de deux présidents. Absurde en termes de rationalité constitutionnelle, objectera-t-on à juste titre ! Mais, sans aller jusqu’à forcer le trait de cette idée aporétique d’une double présidence de la république au Niger, l’on peut, tout de même, voir les choses de façon plus prosaïque, sur le plan de la sensibilité, des impressions générales ou particulières et des observations des uns et des autres sur la marche des choses. Alors, lorsque tous les éléments de ce puzzle s’enchâssent les uns aux autres pour donner forme à une espèce de présidence de la république par procuration, vous comprendrez aisément de quoi il sera question dans les lignes qui suivront. Cette situation, du moins, cette impression générale qui se dégage de la gouvernance actuelle est la résultante des ambitions politiques contradictoires d’Issoufou Mahamadou, de l‘imposture démocratique avec laquelle il avait exercé le pouvoir suprême au Niger durant une décennie.
Issoufou Mahamadou, le fossoyeur de la démocratie nigérienne
Si Issoufou Mahamadou Mahamadou, ce pouvoiriste-né, n’avait jamais accédé à la magistrature suprême du Niger avant de mourir, très certainement que beaucoup de Nigériens, qui avaient cru, un moment, au projet politique qu’il portait, auraient été profondément déçus et regretter que le pays fût passé à côté d’une grande présidence. Ses partisans lui auraient érigé, à cet effet, un piédestal afin d’immortaliser leur héros dans la mémoire collective. Mais, le drame, c’est que, très souvent, les légendes vivantes résistent très peu à l’épreuve du temps. C’est d’ailleurs pourquoi l’Eglise catholique hésite à canoniser (rendre saint un personnage de la foi chrétienne) ses adeptes de leur vivant et attend, parfois, de nombreuses années après leur disparition, pour les honorer de ce statut. Cette dimension temporelle attachée à la béatitude suprême suppose que le personnage en question est digne de cette distinction au regard du déroulement de sa vie jusqu’à la fin, et aussi au regard de l’héritage qu’il aura légué à la postérité. Et Dieu Le Très-Haut, dans son infinie sagesse, a permis qu’Issoufou Mahamadou ne soit pas seulement cet éternel aboyeur politique contre toute la classe politique nigérienne, mais qu’il soit également président de la république, pour que l’on puisse juger, en toute objectivité, de la valeur politique de ce personnage. Après plusieurs échecs, il parvint enfin à la lumière, au printemps 2011, suite à la recomposition politique opérée par la junte militaire ayant renversé le régime de la Sixième République de Mamadou Tandja. Une fois au pouvoir, ce fut un autre Issoufou Mahamadou que les Nigériens avaient vu à l’oeuvre, loin, très loin de l’image de l’homme politique qui vendait aux gens les valeurs et principes de la démocratie, les vertus de la bonne gouvernance et l’exigence de la justice sociale dans un pays. Séducteur politique ou simple démago aux petits souliers ? En tout état de cause, en deux quinquennats de règne, il n’aura été ni le président de la prospérité du Niger, ni le président de la postérité du pays. Tout ce qu’il a fait, c’était satisfaire ce pourquoi il cherchait le pouvoir, c’est-à-dire réaliser ses fantasmes les plus fous et assouvir sa soif inextinguible de pouvoir. Aujourd’hui, l’on peut estimer il a obtenu ce qu’il cherchait, mais pas la grandeur qui immortalise les grands hommes d’Etat. Passé maître dans l’art de la ruse et de la tromperie en politique, parfois adepte du cynisme politique sauté au sadisme, il aura durablement inoculé les germes de la corruption dans le système démocratique nigérien, au point que celui-ci ne peut plus accoucher d’hommes et de femmes capables de répondre aux profondes et légitimes aspirations du peuple. Jamais, dans l’Histoire, le Niger n’aura été si mal géré que sous le régime de la renaissance spécialisé dans le cosmétisme politique et institutionnel avec des formules ronflantes comme ‘’Programme de renaissance du Niger’’, ‘’l’Initiative 3N’’, ‘’le PDES’’, ‘’la HALCIA’’, qui se seront révélées dans la pratique comme de grosses arnaques politiques pour divertir et tromper les citoyens nigériens. Car, au finish, toutes ces institutions ne sont, en réalité, de suprêmes mystifications qui cachent l’état de dévoiement et de dépravation dans lesquels le système démocratique nigérien aura été plongé par l’autocrate Issoufou Mahamadou.
Voilà, de façon résumée, ce qui aura été le bilan d’Issoufou Mahamadou à la tête et qui justifierait, probablement, les raisons de son omniprésence dans la conduite actuelle des affaires de l’Etat !
Deux commanderies sont inconcevables sur un navire ou bonjour les périls !
Il est évident qu’Issoufou Mahamadou, au regard de son funeste et désastreux bilan à la tête du pays, ne souhaitait pas une véritable alternance politique au Niger, qui aurait sans doute constitué pour lui de gros et potentiels risques d’ennuis judiciaires susceptibles d’affecter une retraite du pouvoir qu’il voulait dorée et paisible. Convaincu sans doute du caractère inopérationnel d’un troisième mandat au Niger, il avait cru trouver la bonne formule dans le fait de propulser Mohamed Bazoum à la présidence de la république, en dépit de nombreux obstacles qui se dressaient sur une telle candidature. Mais, tout cela était fait à dessein dans le seul but d’instaurer une sorte de régence au Niger. Et qui mieux placé que Mohamed Bazoum pour assurer cette fonction ? Il devait se dire à l’époque que l’enfant de Tesker lui devait tout dans ce destin présidentiel auquel il avait grandement oeuvré, contre vents et marées, y compris au sein de sa famille politique, le PNDS/Tarayya ; et par conséquent, il pouvait continuer à dicter ses volontés à ce dernier. Mais, ce que le ‘’Poutine de Dandadji’’ (allusion au cas russe Medvedev/Poutine, dans les années 2000), c’est qu’une situation pareille n’est guère viable à long terme au Niger, au regard sans doute des immenses défis de toutes sortes auxquels se trouve confronté le pays. En effet, au bout du compte, deux scénarii se présenteraient : ou la double commanderie se poursuivra, auquel cas, les périls en mer seront inéluctables ; ou bien, l’une des commanderies prendra le dessus sur l’autre et les cartes seraient rebattues.
Aujourd’hui, hélas, nous en sommes-là pour dire à Issoufou Mahamadou de laisser Mohamed Bazoum de gouverner seul le Niger, si tant est que le choix porté sur son dauphin était sincère ! Mais, en âme perpétuellement persécutée, il ne pourrait jamais se sentir totalement rassuré sur ses arrières politiques avec un personnage comme Bazoum trop sujet à d’influences extérieures. Quant au président Bazoum lui-même, il devrait plutôt s’élever à la dignité de la fonction suprême qui lui a été confiée par le peuple et se débarrasser de toutes considérations d’ordre moral envers son ancien mentor politique, tant que le commandent les intérêts supérieurs de la nation. Les grands hommes d’Etat sont justement ceux qui savent placer le curseur au bon endroit et au bon moment. Le pouvoir est d’essence divine, nous enseignent les Livres révélés, et son exercice transcende toujours les vains calculs humains des uns et des autres. Après dix ans de règne, il serait grand temps qu’Issoufou Mahamadou accepte de passer réellement la main à Bazoum, car une présidence par procuration est préjudiciable à tout Etat démocratique digne de ce nom !