Sani, jeune mendiant : « en demandant de l’aumône, nous sommes agressés au niveau des certains carrefours par des personnes au volant de leurs véhicules »
Célébrée le 16 juin de chaque année, en souvenir du massacre des enfants de Soweto, la Journée de l’Enfant Africain est une occasion pour les Etats et les organisations protégeant les enfants de passer en revue la question du respect des droits de ces derniers. Le thème de cette édition 2022 de la Journée de l’Enfant Africain (JEA 2022) est : l’«Élimination des pratiques néfastes affectant les enfants: Progrès sur les politiques et pratiques depuis 2013».
Au Niger, l’accent a été mis sur la mendicité qui prend de l’ampleur car des milliers de personnes y compris des femmes et des enfants s’adonnent à la pratique. Il faut noter que cette fête coïncide avec la situation des enfants mendiants nigériens retournés du Sénégal et du Ghana, ce qui a constitué la raison principale pour laquelle le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l'enfant a décidé d'organiser la cérémonie officielle sous le thème de « la mendicité, un phénomène qui gangrène notre société ».
En cette occasion, la rédaction d'ActuNiger a choisi de faire parler les enfants par des enfants et surtout d'un sujet au coeur des préoccupations de nos gouvernants : la mendicité.
Dans l’interview qui va suivre, cet enfant mendiant a touché du doigt l’ensemble des violations de leurs droits qui sont nées de l’état de mendicité dans lequel ils se trouvent, le plus souvent malgré eux. Sani, c’est le nom que nous avons donné à cet enfant âgé seulement de dix (10) ans qui pratique la mendicité dans la ville de Niamey.
ActuNiger : Comment tu t’es retrouvé dans la mendicité et depuis quand tu pratique cette activité?
En effet, c’est du Nigeria que ma maman m’a envoyé ici à Niamey, plus précisément dans le quartier Goudel, où je fais des études coraniques chez un marabout. Ça fait aujourd’hui deux (2) ans que je mendie, parce qu’il faut que je sorte pour trouver à manger, mais aussi avoir quelques pièces d’argent qui vont me permettre de faire parfois des économies. Quand je gagne de l’argent, c’est un trou que je creuse pour cacher une partie malgré les risques que ma cachette soit découverte par d’autres personnes plus âgées.
Parle-nous de ton quotidien ?
Le matin nous sortons à partir de huit (8) heures pour revenir à la mi-journée. L'après-midi également nous repartons pour revenir en début de soirée. Parfois, il m’arrive de rentrer dans la nuit, surtout les jours où nous n’étudions pas. Bref, il n’y a que les dimanches que je me repose.
Est ce qu’il t’arrive d’être maltraité ?
Oui, c’est surtout au niveau des carrefours (rond-point) que nous subissons de la violence lorsque nous nous approchons de certaines personnes au volant de leur véhicule, pour leur demander de l’aumône. C’est en ce moment qu’ils sortent leur cravache, pour essayer de nous fouetter. Il y a des fois, où nous esquivons les coups et malheureusement, il y a aussi des moments où avant même qu'on se rende compte, on a déjà reçu le coup.
Si on t’offre un choix entre la mendicité et l’école, lequel tu vas choisir ?
Je préférerais être à l’école comme beaucoup d’enfants de mon âge. Si aujourd’hui je ne suis pas sur les bancs de l’école, c’est parce que mes parents ne m’y ont pas inscrit. Ils ont préféré que j’apprenne le Coran en lieu et place de l’école française. En plus d’aller à l’école, je peux vous dire que, je souhaiterais devenir soldat quand je serais grand.
S'il t'était donné la possibilité d'envoyer un message aux parents des enfants mendiants, quel serait-il?
L’appel que je lance à nos parents, c’est de nous inscrire à l’école et ainsi de nous éviter la mendicité. Là où je suis, je passe la nuit chez des voisins.
Quant à l’Etat, nous lui demandons de créer les conditions qui nous permettront de nous scolariser. Car tout ce que voulons aujourd'hui, c'est d'aller à l’école et de rompre avec la mendicité.
Interview réalisée par Aaliyah Salifou Ibrahim âgée de 16 ans