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Migration clandestine et traffic de mendiants : Un fléau social qui porte atteinte à la dignité humaine

Publié le vendredi 24 juin 2022  |  Le Sahel
Immigration
© Autre presse par DR
Immigration au Niger
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Si le Niger est un pays de transit dans le cadre de la migration transatlantique, il n’en demeure pas moins qu’il est un pays de départ des migrants clandestins de ses pays limitrophes et ceux de la côte. Ainsi, le Niger, à son cœur défendant, se trouve au centre du phénomène migratoire que redoute l’Europe, certains pays africains et que le Niger considère attentatoire à la dignité humaine et à l’honneur du pays. Certes, la migration est aussi vieille que l’humanité car l’homme a toujours eu l’impérieux besoin de voyager, de découvrir, d’échanger, de tenter l’aventure ; cependant, les proportions que prennent ces aventures clandestines, les dangers qu’elles présentent (traversée des déserts, des mers, rackets, violences, esclavagisme, etc.), les catégories sociales fragiles qu’elles impliquent (femmes, enfants, handicapés) font que le genre humain doit se poser des questions, y réfléchir et y apporter des solutions car il s’agit de sa dignité et de son honneur. Ainsi, pour le cas du Niger, devons-nous observer deux types de migrations : celle transatlantique dont le Niger sert de pays de transit et la migration des nigériens vers les pays côtiers et les pays du nord comme la Libye et l’Algérie, (concernant surtout des femmes et des enfants), non pas pour travailler mais seulement pour aller mendier, sous prétexte de fuir l’insécurité alimentaire, la pauvreté. En dépit de la mobilisation des autorités nigériennes (sensibilisation, rapatriement), ce fléau persiste encore.

Depuis plusieurs années, des femmes, enfants et jeunes hommes, en provenance de certains pays de l’Afrique de l’ouest et côtiers, affrontent désert, mers, rackets et violence pour se rendre vers ce qu’ils pensent être l’eldorado, c’est-à-dire l’Europe ou encore plus loin, en transitant par le Niger. Cette périlleuse migration des africains à travers le désert du nord-est du Niger transite par la région d’Agadez, et notamment la zone du Kawar (Dirkou, Bilma, Fachi et Chirfa ou Djado), où ces migrants attendent de poursuivre leur voyage. Et de trouver l’espoir ou la mort. En effet, chaque jour, des milliers de personnes entreprennent un voyage périlleux pour chercher refuge et protection dans un pays autre que le leur. Poussées, à tort ou à raison, par la faim, contraintes de fuir la violence ou la persécution, ou tout simplement à la recherche des conditions de vie plus confortables, elles abandonnent tout derrière elles et empruntent des routes illégales et dangereuses en quête de sécurité. Elles y laissent parfois la vie. Depuis 2014, selon l’Organisation Internationale de la Migration, (OIM), plus de 7.500 personnes sont mortes en Méditerranée centrale en tentant de rejoindre l’Italie, faisant de cette route vers l’Europe l’une des plus meurtrières au monde. On en sait cependant beaucoup moins sur ceux qui sont morts avant même d’atteindre la mer, en traversant le désert sans fin du Ténéré, au cœur du Sahara. D’autres part, chaque année, c’est des centaines d’autres qui sont sauvés part les gardes côtes occidentaux. Au Niger, Agadez, porte légendaire du désert, est devenue une ville de transit pour de nombreux migrants qui tentent de rejoindre la Libye pour traverser la Méditerranée vers l’Italie. Les estimations varient, mais on estime qu’en 2015, entre 80.000 et 150.000 personnes ont traversé cette zone désertique hostile et aride au nord-est du Niger pour atteindre l’Europe. La plupart d’entre eux sont de jeunes hommes, parfois très jeunes, originaires du Cameroun, du Sénégal, de la Gambie ou de la Guinée. Ils transitent en majorité par Agadez, la dernière grande ville au nord mais aussi les localités kawariennes, avant d’entamer leur périple à travers le désert pour atteindre la côte libyenne. Désertée par les touristes, celle que l’on appelait autrefois la « Perle du désert », Agadez accueille aujourd’hui des centaines de migrants entassés dans de petites maisons à la périphérie de la ville ou « ghettos ». Là, ils attendent pendant des jours, voire des semaines, avant de pouvoir monter, à la tombée de la nuit, dans le prochain pick-up en route vers la frontière libyenne et poursuivre leur voyage. Ou rentrer chez eux quand ils n’ont plus d’argent.

Des migrants clandestins livrent des témoignages poignants, ……

Bernard Katam, un camerounais de 28 ans, est bloqué à Dirkou (400 km d’Agadez) depuis 2 mois. Il attend maintenant que sa famille lui fasse parvenir de l’argent pour négocier une place dans un camion et parcourir les 1.000 kilomètres jusqu’à la frontière libyenne. Fall Mbaye, un sénégalais originaire de la Casamance, âgé de 24 ans, est lui bloqué depuis 1 an 6 mois à Chirfa (850 kms d’Agadez) ; il vit dans un hangar de fortune au niveau d’un site d’orpaillage où il travaille et espère gagner de l’argent pour poursuivre sa route vers ‘‘l’eldorado européen’’. « Ma famille a perdu ses terres agricoles et avec elles, tout moyen de subsistance à cause du conflit armé qui oppose les rebelles, qui demandent l’indépendance, et l’armée. J’espère rejoindre l’Italie et trouver un travail qui me permettra de subvenir aux besoins de ma famille », témoigne-t-il, le regard lointain. Agbani Juliette, une jeune migrante nigériane, rencontrée dans un ghetto à Dirkou est amère : « J’ai quitté Jos (Nigéria), il y a 8 mois ; j’ai pris toutes mes économies, j’ai emprunté de l’argent auprès de mes proches pour entreprendre ce voyage qui, j’espère, va m’amener vers une vie meilleure. Actuellement, je suis accablée par la faim, le froid et l’attente. Nous vivons ici cachés dans des ghettos, enfermés sans la salle de bains », ajoute-elle. Selon elle, le chef du ghetto leur apporte un sac de riz tous les deux jours et un peu d’eau à boire. « Si nous voulons nous laver, il faut payer un supplément. Six personnes partagent une assiette pour manger. Il y a juste un WC. Beaucoup d’entre nous dormons dehors parce qu’on ne peut pas rester dans les chambres à cause de la chaleur et du manque d’air», explique Juliette au bord des larmes. Elle poursuit : « j’ai quitté mon pays car chez nous, il n’y a pas de travail. Je sais que c’est risqué, j’avais vu les informations à la télévision sur les morts en Méditerranée, l’instabilité et le manque de travail et les violences en Libye. Mais beaucoup de gens, des femmes et même des enfants, sont parvenus à surmonter ces obstacles, et cela m’avait donné de l’espoir. Mon rêve est d’aller en Allemagne. J’ai appris que nous allons enfin quitter cette nuit à 21 heures. J’y parviendrais et j’irais jusqu’au bout », clame Juliette, décidée contre vents et marées. Quant à l’ivoirien Isidore Konan, il affirme que sa famille a réussi à réunir 400.000 francs en vendant du bétail et en travaillant comme journalier à la campagne. « J’ai mis un an à préparer ce voyage. Actuellement, je n’ai pas grand-chose sur moi, mais je compte travailler dans le maraîchage pour avoir de l’argent et continué mon périple jusqu’en Europe », espère Konan. Fixant du regard le mur et haussant les épaules, la soudanaise de 30 ans, Fatiya Goudous, soupire et dit : « Je suis l’aînée de ma grande famille, et c’est à moi que revient la responsabilité de subvenir aux besoins de ma famille. Je suis la troisième migrante de ma famille, les deux premiers ont réussi en Europe et envoient régulièrement des choses à la famille ; alors maintenant, ma famille a placé beaucoup d’espoirs en moi», un refrain familier parmi les jeunes gens avec qui elle partage un ghetto, où un jeune homme dort dans l’une des chambres du ghetto. Il n’y a pas de lit, juste quelques nattes, et beaucoup doivent dormir à même le sol. Beaucoup d’interviewés dénoncent aussi la violence et les pots-de-vin dans les pays de transit, notamment au Burkina Faso et même au Niger. « Ici comme ailleurs, la police arrête les bus, identifie les migrants et les fait descendre. Ils prennent votre téléphone et tout ce qui a de la valeur; en plus, ils vous font payer entre 1.000 à 3.000, voire 5.000 FCFA, et si vous ne pouvez pas payer, ils vous menacent de vous bloquer pour laisser le bus partir », se plaint le ghanéen Fatahu Kwana. Tous les lundis soirs, les camions partent pour la Libye. Ils quittent la ville, en pleine nuit, tous feux éteints et s’enfoncent dans le désert à pleine vitesse. Les passeurs ne donnent ni nourriture ni eau aux migrants, qui doivent veiller à ne pas s’endormir pour ne pas tomber des camions surchargés, et mourir ; leurs seuls appuis, ce sont les bâtons que les clandestins dressent dans les véhicules en guise de ceintures de sécurité. Près pour le départ, un autre migrant témoigne : J’ai acheté un bidon d’eau de 5 litres avec ce qui me restait (1.000 CFA) pour traverser le désert. Le voyage dure deux jours à l’arrière du camion et ils ne s’arrêtent sous aucun prétexte. Rester ici me coûte 500 CFA par jour. J’attends maintenant que ma famille puisse m’envoyer de l’argent pour continuer jusqu’en Libye. Là-bas, il faudra que je travaille pour gagner l’argent dont j’aurai besoin pour prendre un bateau vers l’Espagne.»

Par Mahamadou Diallo
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