L’Assemblée nationale vient de modifier et compléter la loi du 26 mai 2011 consacrant le statut de l’opposition politique au Niger. Cette modification complétive a porté, entre autres, sur les prérogatives légales du chef de file de l’opposition, ses avantages matériels, sa présence dans toutes les affaires de la nation, son mode de désignation. Désormais, le chef de file disposera d’un véritable cabinet avec tout ce que cela comportera comme commodités et accessoires, exactement comme le ‘’Shadow britannique’’ (Cabinet fantôme). Révolution démocratique ou simple illusion d’optique ? Encore une fois, c’est l’illustration parfaite du cosmétisme politique et institutionnel qui aura caractérisé le règne désastreux du régime de la renaissance d’un certain Issoufou Mahamadou, cet imposteur politique passé maître dans l’art de la dissimulation et de la ruse en politique pour assouvir ses propres fantasmes et désirs narcissiques. Rétrospectivement, l’on peut s’apercevoir que, dès le départ du premier quinquennat d’Issoufou Mahamadou, en 2011, ce statut de l’opposition n’était ni, ni moins qu’un leurre suprême de la part de celui-ci, comme le seront d’ailleurs toutes les promesses démocratiques faites aux Nigériens dans sa longue et tumultueuse pérégrination politique. On dit souvent que c’est au pied du mur que l’on reconnaît le vrai maçon, à l’oeuvre que l’on découvre le bon artiste, il est aussi juste d’ajouter que c’est à l’exercice du pouvoir que l’on distingue le véritable démocrate, le bon dirigeant ! Or, en dépit de l’existence de ce statut de l’opposition, à quoi avait-on assisté, en réalité, en dix ans de règne d’Issoufou Mahamadou, en termes de libertés fondamentales de manifester pacifiquement, de revendication de plus de justice sociale, d’exigence de bonne gouvernance ? Pour le savoir, il fallait être là, au Niger pour vivre cette chape de plomb mise par Issoufou Mahamadou sur les aspirations démocratiques des citoyens nigériens qui avaient eu le malheur de ne pas partager sa vision des choses. Sous ces deux quinquennats, les instituts crédibles d’évaluation des systèmes démocratiques dans le monde, comme l’I.D.E. A américain, classaient le Niger parmi la catégorie des régimes autoritaristes, en dépit de l’apparence démocratique de son système politique. Pourtant, s’il y avait eu un seul homme politique nigérien qui doit tout à la démocratie, qui en est le pur produit, ce serait incontestablement Issoufou Mahamadou, ‘’l’homme de la force des arguments et non de l’argument de la force’’, cet éternel aboyeur politique qui ne trouvait grâce à personne que lui. Il aimait dire que le Niger n’avait d’autre salut que la démocratie et l’Etat de droit, la bonne gouvernance, la justice sociale, la lutte contre les inégalités sociales, le bannissement du tribalisme et du clanisme. Il battait le pavé et écumait les sentiers du ‘’Niger profond’’ pour prêcher cet évangile démocratique auprès des populations nigériennes, sans pourtant croire, un seul instant, en une seule de ces vertus ci-dessus énumérées. Une fois au pouvoir, ce n’était plus un démocrate sincère qui se mouvait et se mettait à l’oeuvre, mais bien un apprenti autocrate, un vulgaire adepte du pouvoir personnel, du pouvoir pour le pouvoir, qui n’hésitait point à réprimer sévèrement toutes formes d’hostilités politiques à son égard. En dix ans de règne sans partage, l’on peut compter, sur les cinq doigts d’une seule main, le nombre de fois où des manifestations publiques projetées par l’opposition politique ou la Société civile avaient été autorisées par les autorités compétentes ! Et quand les manifestants, excédés par tant de refus de la part du Ministère de l’intérieur ou des autorités municipales, bravaient ces interdictions, il ne fallait pas voir la vague terrifiante de répression qui s’abattait sur les organisateurs de ces manifs qui étaient systématiquement arrêtés et déportés dans les goulags du régime de la renaissance. Ces récalcitrants passaient des mois et des mois derrière les barreaux sans aucune forme de procès, et lorsque soudain, ils passaient devant la Justice, ils étaient très souvent relaxés pour insuffisance des charges, quand ce ne sont pas, purement et simplement, des non-lieux qui étaient prononcés en leur faveur. A l’heure d’aujourd’hui, certains croupissent toujours dans les geôles du régime de la renaissance depuis plus d’une année, suite aux incidents post-électoraux de mars 2021, sans aucune forme de procès. C’est cela le régime de la renaissance, malheureusement, une imposture démocratique suprême dissimulée sous un emballage trompeur, une étiquette mensongère sur le vrai contenu du produit achalandé et vendu à la sauvette par un démago aux petits souliers, qui se faisait passer pour le Jean Jaurès nigérien, mais, qui n’était, en réalité, qu’un pâle usurpateur de titre de l’illustre natif de Castres, dans le Tarn !
Dès lors, comment aurait-il été possible d’espérer un meilleur destin au statut de l’opposition politique, lorsque la volonté politique avait toujours fait défaut chez le premier magistrat du pays, qui désirait tout régenter au Niger, selon son bon vouloir et ses caprices, et qui ne tolérait la moindre velléité de critique à l’égard de son action politique ? Comment quelqu’un, qui ne se gênait guère à envoyer en prison son challenger principal aux élections présidentielles de 2016, pendant que lui, tranquillement, battait campagne et se disait bon démocrate, créant ainsi une rupture d’égalité flagrante entre candidats officiels ? En plus d’être président sortant et de l’avantage de garder le pouvoir, il lui fallait en plus cette instrumentalisation de la Justice pour affaiblir un adversaire politique !
Comme on le voit, le statut de l’opposition politique, tel que l’avait imaginé Issoufou Mahamadou onze ans plus tôt, ne devrait pas être perçu, aujourd’hui, comme une avancée démocratique majeure au Niger, mais bien comme une unième imposture démocratique dont seul le régime de la renaissance d’Issoufou Mahamadou et de ses continuateurs actuels détient le brevet d’invention ! Que signifierait et que vaudrait un statut de l’opposition, lorsque le minimum de démocratie n’existe pas dans le système politique, à savoir la liberté de manifester, de s’exprimer publiquement, de demander des comptes publics à la classe gouvernante ? Il est bien beau et facile de se doter d’un tel statut et se payer des mots, à la place des réalités quotidiennes, et prétendre que, par un coup de bâton magique, à l’aide d’un statut de l’opposition, l’on rendrait la démocratie nigérienne plus vitale, respectueuse des aspirations profondes du peuple. Tout statut véritable de l’opposition n’irait pas sans cette exigence première des libertés démocratiques fondamentales, comme celles de manifester, de réclamer la justice sociale, de demander des comptes aux dirigeants, qui sont, aujourd’hui, hélas, une espèce en voie de disparition dans ce Niger contemporain encore profondément empreint de la monarchie républicaine instituée par le régime de la renaissance d’Issoufou Mahamadou et de ses successeurs actuels.
Alors, le grand regret résiderait dans l’attitude complice et coupable de l’opposition parlementaire actuelle pour avoir cautionné, de façon légale, cette escroquerie politique, en rendant tout simplement les armes sous les sirènes assourdissantes, une fois encore, de la conception rentière et prébendière de la politique de l’air du temps. Ainsi, le chef de file de l’opposition baignerait aussi dans le beurre et le fromage, à l’instar de la majorité, et tout cela aux frais de la princesse nationale, renonçant de ce fait à sa mission de conquêtes et de veille démocratiques pour laquelle les électeurs nigériens auront opté en lui accordant leur suffrage. En général, si les peuples font souvent confiance à l’opposition politique de leur pays, c’est parce qu’elle devrait observer une certaine distance vis-à-vis des avantages matériels qui sont l’apanage du pouvoir en place. Dans ces conditions, quelle inconséquence politique de la part de l’opposition parlementaire nigérienne qui semble mettre la charrue avant les boeufs ! A-t-on réellement besoin d’un statut de l’opposition de ce type pour mener et incarner une véritable opposition politique au Niger ? Encore, une fois de plus, après la grande déception des démocrates sincères nigériens, suite au récent revers judiciaire infligé à Mahamane Ousmane dans le différend électoral avec Mohamed Bazoum, l’opposition politique nigérienne vient de recevoir un autre coup de poignard mortel au… ventre de son chef de file !
La démocratie nigérienne saura-t-elle se remettre d’un tel rendez-vous manqué ? Telle semble être la question finale !