D’année en année, les prix grimpent dans les marchés de bétail communément appelés « Tourakou », particulièrement à Niamey où la fête de la Tabaski qui préconise aux fidèles musulmans d’en immoler à titre de rite fait monter les enchères. Cette année encore, la barre est poussée plus haut et frôle l’inaccessible pour la bourse moyenne. Feutrés, les clients se font rares au niveau des marchés et semblent être plus orientés à aller eux-mêmes ou commissionner pour payer à la source (dans les localités pastorales environnantes) ou à attendre les « dernières heures » dans l’espoir que des véreux revendeurs reviennent « les pieds sur terre » et acceptent de céder à des prix raisonnables à défaut de rentrer avec leurs troupeaux, comme ce fut le cas, l’année dernière, pour beaucoup d’entre eux.
Si l’on tient au principe d’éligibilité de mouton au culte d’Aid el Kebir, selon lequel celui-ci doit avoir au moins un an, cette année le plus bas prix à Niamey tourne autour de 80.000FCFA. Or, rien qu’en 2021, il y’en avait pour 60.000FCFA, nous confient de revendeurs de Tourakou de la Rive Droite. Un mouton « mature » de 120.000FCFA à 130.000FCFA est passé à 150.000FCFA voire 160.000FCFA. Quant aux plus engraissés, les béliers, l’on parle en terme des centaines de milliers de FCFA.
« Les moutons sont vraiment chers cette année, parce qu’avec l’insécurité nous ne pouvons pas aller dans certaines localités pourvoyeuses de bétail. Ici à Niamey, c’est surtout des moutons qui proviennent de Torodi et Mangayzé (région de Tillabéri) qui sont revendus », indique Abdoul Aziz Moussa. La quarantaine révolue, il ne mâche pas pourtant qu’il a pu se ravitailler récemment à Torodi sans difficulté particulière.
« Nous payons 1.500FCFA à 2.000FCFA par tête pour l’acheminement jusqu’ici », précise Abdoul Aziz. Selon ses explications, c’est auprès des éleveurs même que les moutons sont chers. « Avec l’insécurité, nous ne pouvons pas aller plus loin pour avoir moins cher. La zone de Tillabéri qui est touchée a beaucoup plus de ressources que d’autres contrées. C’est cela le problème », souligne le revendeur.
A la même période (dans la semaine d’avant fête), rien que l’année passée, les marchés étaient déjà bondés de moutons. « Voyez maintenant c’est presque vide, puisque la bonne partie de ce que nous avons ici sont marqués, c’est-à-dire qu’ils sont vendus mais les propriétaires préfèrent les récupérer la veille », prévient Abdoul Aziz qui estime que d’ici le Jour-j qu’attendent les gens, la disponibilité n’est pas garantie.
Dans la même foulée, un autre revendeur à côté d’une dizaine de béliers dont les prix varient de 200.000FCFA à 300.000FCFA, Boubacar Abdou ajoute qu’il préférerait rentrer avec son bétail comme l’année dernière où il a ramené 5 moutons que de rouler à perte. « Mais c’est possible qu’on vende tout d’ici la fête, plaise à Dieu », espère le revendeur.
Situé en plein cœur de la ville de Niamey, Tourakou de Lazaret est naturellement le marché à bétail de référence. Mais, là aussi, seuls quelques intéressés se manifestent. Et certains repartent sans bélier, ni chèvre. En effet, les prix font fuir les clients. « Les clients ne viennent vraiment pas », nous confirme un berger qui a amené ses béliers de Mangayzé. Il estime que les moutons sont abordables mais ne comprend pas les raisons de la réticence des clients qui se font rares. Les vendeurs passent tout leur temps sous les hangars faute de clients. Selon lui, le marché est difficile. «On achète les moutons depuis les marchés lointains. Pour les moutons que nous avons achetés nous-mêmes à 100.000 FCFA, on nous propose moins de 75.000 FCFA, etc. », ajoute un revendeur. Ce dernier ne partage pas le hangar de Tourakou avec l’homme de Mangayzé, il partage aussi le désarroi de n’avoir eu aucun client, toute une demi-journée de ce lundi 4 juillet 2022.
Yacouba Moussa constate qu’au marché de bétail Tourakou de Taladjé, les prix sont également élevés, très élevés, dit-il, après avoir marchandé en vain un mouton à 170.000FCFA. « Je ne sais ce qui explique cette hausse. Peut-être que c’est juste lié au contexte de la fête où la demande est forte, cela peut jouer », a-t-il indiqué. « En bon musulman, on doit se rappeler que la fête de Tabaski n’impose à personne un sacrifice qui le dépasse. Il n’y a pas que le mouton, on peut faire avec la chèvre ou autre ruminant, selon ses moyens. Ce n’est pas une obligation pour celui qui n’a pas les moyens », dixit Yacouba.