Bazoum Mohamed, on ne le dit pas, assez, est pris dans une sorte d’engrenage. Et on ne lui voit pas d’issue de sortie honorable possible. Propulsé au pouvoir par un système dont les membres ont les mains sales, il est face à un véritable imbroglio : comment s’en sortir sans s’en prendre aux membres du système qui ont pratiquement tout pris du Niger ? Face à cette problématique, la question politique n’est pas, loin s’en faut, le principal goulot d’étranglement. Financièrement, l’Etat est pratiquement sous perfusion. Il est trop endetté pour permettre une autre logique de gouvernance que celle, pourrie, qui a prévalu durant 10 ans sous Issoufou. Sur ce plan strict, il n’y a guère d’espoir à le voir apporter à l’Etat l’oxygène dont il a besoin pour respirer et envisager un nouveau départ. Un nouveau départ que Bazoum a toutefois promis lors de son investiture. Du bluff ? On n’en sait rien pour le moment. Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’y connaît pas en magie. Le Niger est endetté et appauvri par la gestion calamiteuse faite de corruption et de détournements systématiques des fonds publics sous Issoufou. Comment rebondir et donner un nouvel espoir aux Nigériens sans tordre le bras à ceux qui ont fait main basse sur les ressources publiques ?
Selon certains observateurs avertis, il n’y a rien à attendre d’un homme qui a publiquement jeté l’opprobre sur Issoufou Katambé, à l’époque ministre de la Défense nationale, simplement pour avoir tenu les propos qu’il a tenus sur le scandale du ministère de la Défense nationale. D’autres, en revanche, estiment qu’il est désormais au pouvoir, c’est-à- àdire dos au mur : soit, il fait le ménage, soit, il se laisse ensevelir sous les décombres sales d’Issoufou. Quoi que non MOINS inquiétant selon Mamadou Diop, l’ancien ministre des Finances et aujourd’hui vice-gouverneur de la Bceao au titre du Niger, le niveau de la dette ne laisse toutefois qu’une marge de manoeuvre réduite à Bazoum Mohamed dans ses intentions d’investissement, notamment dans les secteurs sociaux de base telle que l’éducation. Selon Mamadou Diop, « l’encours de la dette publique du Niger s’est établi à la fin juin 2020 à 3 328,7 milliards de FCFA (60 millions de dollars) pour un ratio d’endettement de 42,5% du Produit intérieur brut (Pib) ». Cette dette, précise-t-il, est composé, à 67% (2 239 milliards FCFA) de dette extérieure, et à 33% (1090 milliards FCFA) de dette intérieure.
Si l’ancien ministre des finances est formel qu’il n’y a d’inquiétude sur la question, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont tout de même sonné l’alerte sur les risques de dérives certaines. En avril 2020, une délégation des institutions de Bretton Woods a séjourné à Niamey à cet effet. Elles ont relevé que « la dette publique du Niger, qui représente entre 42,7% et 44% du PIB en 2017 et pourrait atteindre 45,1% en 2018, constitue une préoccupation majeure. Facteur essentiel de l’endettement public, la dette intérieure a connu une hausse de près de 10% sur une période de quatre ans sous Issoufou. La cause ? L’émission régulière de titres sur le marché régional ainsi que l’encours de la dette de la banque centrale. Avec des taux d’intérêt plus élevés par rapport à la dette multilatérale extérieure, la multiplicité et la régularité de ces prêts ont induit des échéances trop rapprochées.
La Banque mondiale et le Fmi ont, donc, rappelé le gouvernement nigérien à la plus grande prudence dans la gestion de la dette.
En réalité, Issoufou Mahamadou n’a fait que ça en dix ans de gouvernance. Tout ce qu’il a trouvé en termes de capital laissé par Tanja Mamadou a été rapidement dilapidé et les revenus du pétrole qui s’y sont ajoutés par la suite n’ont pas également échappé à cette boulimie. Tout a été rapidement raclé pour ensuite plonger le Niger dans un cycle infernal de prêts tous azimuts qui ont plus enrichi des individus. Le prêt de 1000 milliards auprès d’Eximbank de Chine a littéralement hypothéqué les chances du Niger et le pays s’est englué dans une spirale de prêts divers : émissions de bons de trésor, emprunts obligataires, prêts bilatéraux, prêts multilatéraux, etc. Issoufou Mahamadou a littéralement détruit tous les efforts de gestion orthodoxe accomplis avant son arrivé au pouvoir. Tout le contraire de ce que Tanja Mamadou et Hama Amadou ont réalisé à la tête de l’Etat. L’économiste Abdou Gado Maliki soutient que « En fin 1999- début 2000, quand le Président Tandja et le PM Hama Amadou s’installaient à la tête de l’Exécutif nigérien, les caisses de l’Etat ne comptaient qu’environ 600 millions de FCFA, l’endettement représentait 90% du PIB, selon le rapport du Fond Monétaire International (FMI). Et les salaires accusaient des arriérés. En 2004, soit 4 ans après, l’endettement était, toujours selon le FMI, seulement de 17% du PIB. Soit une réduction de 73%, grâce aux efforts mis en place par le gouvernement de l’époque.
En 2010, les comptes publics étaient excédentaires avec des arriérés intérieurs quasi nuls, le solde du compte Niger à la BCEAO était créditeur ». Il n’y avait pas encore de pétrole », précise, Abdou Gado Maliki qui note que « Jusqu’en 2009, le Niger était dans une phase d’endettement normal. Mais sur la période 2011-2015, le pays est entré dans une phase de « surendettement ». Autre détail important qui traduit l’inconséquence de la gestion sous Issoufou, « le compte dépôt du Niger à la BCEAO qui était largement excédentaire avant l’arrivée au pouvoir d’Issoufou s’est effondré à la mesure des marchés surfacturés et autres gaspillages des ressources publiques. En 2009, ce compte présentait un solde créditeur de 113 milliards de FCFA. A la fin 2011, la première année du Président Issoufou au pouvoir, il n’était qu’à 20 milliards de FCFA à la fin de l’année ».
La situation est aujourd’hui très difficile, notamment au regard de la dette intérieure qui explose littéralement. Outre qu’il est pris financièrement à la gorge et qu’il ne peut se suffire de petits soutiens financiers au coup par coup, Bazoum Mohamed est également attendu sur un point précis : convaincre qu’il peut agréablement surprendre ses compatriotes. Dans le cas, échéant, on ne donne pas cher de sa peau, ses antécédents avec l’opinion publique nationale dominante n’étant pas encore résolus.