Après dix-sept mois passés au pouvoir, le président Mohamed Bazoum semble tourner en rond, se cherchant désespérément, mais sans se trouver. A l’occasion de la célébration du soixante-deuxième anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Niger, il a livré un message à la nation au forceps, un monologue de voeux pieux devant l’impossibilité de gouverner à sa guise. En effet, Mohamed Bazoum semble oublier qu’il n’est plus ce candidat à la présidentielle qui devait promettre de faire ceci ou cela, mais bien un président investi, qui doit agir, au quotidien, pour orienter le pays. Or, quand on regarde le chemin parcouru, le bilan à mi-parcours paraît bien famélique de la part de quelqu’un qui voulait gouverner autrement, dans la sobriété et la justice sociale. La faute à l’immobilisme présidentiel actuel, c’est sans doute l’omniprésence de l’ancien président, Issoufou Mahamadou, qui demeure encore prépondérant sur le PNDS/Tarayya, en particulier, et sur la vie politique nationale, en général. Comme on le sait, il n’est pas facile de succéder à un homme comme Issoufou Mahamadou, qui régenta le Niger durant une décennie, faisant et défaisant tout à sa guise. Pour bien asseoir l’exercice d’un pouvoir personnel, il avait mis en marche une grosse machine politico-administrative, qui étendait ses longs tentacules jusque dans les entrailles de tous les corps intermédiaires de l’Etat. De l’administration publique, en passant par la Justice, les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), pour finir avec les institutions de l’Etat, partout, le stratège de Dandadji aura semé la graine de sa funeste doctrine politique. Pour parvenir à ses fins, à défaut de convaincre les uns et les autres sur la base d’arguments recevables, il aura su se montrer un fin manipulateur pour arroser, à coups de promotion, de marchés publics et autres graissages de pattes, afin de vaincre les quelques résistances susceptibles de contrarier ses plans diaboliques. En situation de rentes publiques foisonnantes, grâce aux revenus du pétrole, il pouvait mettre un prix sur chaque récalcitrant aux intestins fragiles, dans ce Sahel précaire et incertain où la lutte pour la survie sera devenue un enjeu de tous les instants. Aujourd’hui encore, cette puissante machine reste intacte et sa mainmise sur la gestion du pays demeure assommante. C’est la raison principale qui expliquerait l’inertie actuelle du président Bazoum, cerné de toutes parts par cette colossale cybernétique politico administrative installée aux commandes de l’Etat par Issoufou Mahamadou et son clan politique. Rappelez-vous, lorsque l’opposition politique de l’époque dénonçait le ‘’concassage des partis politiques’’ au Niger par le ‘’Guri système’’, beaucoup de nos concitoyens n’avaient cru à cette assertion terrible, avant de se raviser aujourd’hui pour reconnaître que le propos n’était point exagéré ou caricatural.
Comme, on peut le constater, Bazoum n’est point ‘’le président des Armées’’, comme le dispose la loi fondamentale du Niger, mais bien un ‘’président’’ désarmé, pour emprunter la belle formule d’un politologue français, à propos de Mahamane Ousmane, sous la Cohabitation de 95. C’est pourquoi il tourne, présentement, en rond, s’ennuyant souvent au palais de la présidence où il rongerait ses freins, et ne trouverait le réconfort moral que dans de déplacements incessants à l’étranger. Maintenant, plus personne ne se montre dupe sur la personnalité qui détient la réalité du pouvoir suprême au Niger, et même les plus sceptiques des Nigériens ont fini par s’en convaincre, à leur corps défendant, que c’est autour d’Issoufou Mahamadou que la planète tourne au Niger. Issoufou Mahamadou demeure, jusqu’à ce jour, le seul maître du jeu politique dans ce Niger contemporain. Le personnage et son clan politique disposent d’une force de frappe financière, matérielle et stratégique extraordinaire contre laquelle il serait téméraire de se frotter, pour le moment. Quant au président Bazoum, il est pleinement conscient de ses limites objectives, selon la célèbre formule de Spinoza, « L’homme n’est pas un empire dans un empire », à laquelle on pourrait ajouter, avec une pointe d’ironie, qu’un ‘’Etat, deux présidents’’ est une spécificité politique dont seul le régime de la renaissance détient le brevet d’invention. Peut-être qu’en bon Arabe, qui sait toujours se montrer patient, car la précipitation étant de l’ordre satanique, apprend-t-on dans les Livres révélés, le président Bazoum finira par briser les chaînes infâmes de la soumission, exactement comme l’enseigne la célèbre allégorie du ‘’maître et de l’esclave’’ du plus grand métaphysicien du 19ème siècle, le Prussien Georg Wilhelm Friedrich Hegel !