L’arrivée de Mohamed Bazoum à la présidence de la République n’a pas, entend-on ici et là, changer grand-chose à la gouvernance. Pire, par-delà les discours qui pourraient vite se révéler lassants et embêtants, il n’y a eu aucun changement dans la politique gouvernementale...
À l’allure où les choses se passent, si Bazoum ne fait pas attention, il risque fort d’inaugurer un magistère d’une rare médiocrité. Si son prédécesseur a fait le choix, clair, de gouverner dans le mépris de ses concitoyens et l’insouciance vis-à-vis de leurs préoccupations, Bazoum Mohamed a plutôt entamé son affaire avec moins de froid dans ses relations avec ses compatriotes. La différence est notable, mais pour certains militants du Pnds et autres opportunistes, le fait de relever cette différence s’inscrit dans une volonté de manipulation. Il ne s’agirait, ni plus ni moins que de chercher à opposer Bazoum à Issoufou, et donc, à semer les graines de la division au sein des camarades. Ah ! C’est vraiment lamentable de voir les choses de façon si simpliste.
Bazoum Mohamed, et c’est certainement loin d’être une simple vue de l’esprit, est différent de Mahamadou Issoufou. C’est certain, il n’a pas la même perception des rapports humains, politiques, que Issoufou. Il n’a pas, non plus, les mêmes rapports avec les détournements des deniers publics, la corruption et les infractions assimilées. Cependant, il faut savoir raison garder et se souvenir du personnage de Bazoum dans le système issoufien, particulièrement sa position et son opinion sur le scandale du ministère de la Défense. En un mot, il faut éviter de tirer des conclusions hâtives.
Si l’actuel président présente des aspects encourageants qui motivent à lui accorder le bénéfice du doute quant à ses desseins réels, il ne peut toutefois tirer en longueur le délai de grâce dont il bénéficie. Au nom, essentiellement, de ses premiers pas, jugés sans pareil avec les caractéristiques de la gouvernance issoufienne. Si ses premiers pas sonnent comme une remise en cause de son prédécesseur et de ses façons de faire, la suite pourrait être plus compliquée pour Bazoum. Est-il réellement en mesure de lutter contre la corruption ? Il faut en douter, disent certains tandis que d’autres estiment qu’il a fait suffisamment montre d’indices probants.
Au regard de leur impatience à voir la fin de ce système de corruption et de détournements des deniers publics qui a ruiné le Niger, les Nigériens n’accorderont pas un an ou même six mois pour juger de la sincérité de Bazzoum Mohamed. Ils veulent un résultat dans les plus brefs délais. Et si Bazoum traîne les pieds, la sentence est toute connue : c’est parce qu’il n’est pas lui-même clean. L’arrivée de Bazoum à la présidence de la République n’a pas, entend-on ici et là, changer grand-chose à la gouvernance. Pire, par-delà les discours du Président Bazoum qui pourraient vite se révéler lassants et embêtants, il n’y a eu aucun changement dans la politique gouvernementale.
La lutte contre la corruption n’a pas encore apporté quelque chose en termes de reddition de comptes et de recouvrements des montants détournés, la politique sociale n’a pas changé, l’ergonomie du budget national étant toujours celle de la loi de finances 2018, le pétrole reste l’affaire de Mahamadou Issoufou, les auteurs, coauteurs et complices de l’affaire de la Défense dorment sur leurs milliards détournés, etc. Bazoum, jusqu’ici, s’est contenté de passer quelques petits coups de pinceau, sans prendre, ne serait-ce que le moindre engagement par rapport aux grands enjeux.
Bazoum Mohamed, jusqu’à preuve du contraire, a réussi à éveiller l’espoir chez ses compatriotes. Mais, pour quelqu’un qui a dit et répété sa volonté de mener une lutte sans merci contre la corruption, il reste bien engourdi face aux grands dossiers. Il y en a tellement qu’il n’a que l’embarras du choix. Outre le dossier de la lutte contre la corruption, Bazoum Mohamed doit, pour convaincre et avancer, procéder à une redistribution des ressources budgétaires suivant les orientations naturelles d’un socialiste. Il doit faire revisiter la loi de finances et ramener au goût du jour certaines choses chères aux populations, notamment la non-imposition de certaines catégories de produits importés. Si Bazoum garde le statuquo sur ces questions de très grande importance, c’est qu’il compte assurément garantir la continuité.