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Reportage à Chirfa (Djado) : La vieille ville, comme si vous y étiez!

Publié le vendredi 26 aout 2022  |  Le Sahel
Reportage
© Autre presse par DR
Reportage à Chirfa (Djado) : La vieille ville, comme si vous y étiez!
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Au nord-est du Niger, dans la région d’Agadez, à environ 1.300 kms de Niamey la capitale du Niger, se trouve le Djado ou Chirfa, l’une des communes rurales kawariennes du département de Bilma. Selon T. Tillet das son oeuvre institulé “Djado’’, Encyclopédie berbère (1995), le Djado est constitué de trois plateaux gréseux d’une altitude rarement supérieure à 1000 m, entourant la plaine de Madama, à mi-chemin entre le Fezzan et le Kawar. Le plateau le plus septentrional, celui du Manguéni, domine au sud l’Enneri Achelouma et se termine au nord dans les sables de l’Edeyen de Mourzouk. A l’ouest, le plateau même du Djado est profondément entaillé par des ‘‘Enneris’’ dont le principal est l’Enneri Blaka. A l’est, un chaos indescriptible forme le plateau du Tchigaï dans lequel l’érosion éolienne a aménagé des vallées fermées comme celle de Latouma. Au centre, la plaine de Madama débouche au sud sur la dépression du Kawar, au niveau de l’oasis de Seggedim et est dominée à l’est par l’Emi Fezzan (environ 500 m) et au nord Est par la butte de Kpkarama (environ 400 m). La même source note que , les arts rupestres, le désert, les plateaux, les rocheux, l’aridité du climat, les variations exceptionnelles des températures, les dunes coupantes, etc. font de cette zone une exception à tous points de vue. En dépit de cette austérité climatique, où les journées sont exceptionnellement chaudes et les nuits quasiment froides, des hommes et femmes y vivent, tant bien que mal. Des activités légales (commerce, voyages, transports, caravanes, etc.) comme illégales (trafics des migrants, de drogue, orpaillage) attirent de nombreuses personnes, en provenance aussi bien de l’intérieur du pays que de certains pays africains.
Situé sur la grande voie du Sahara central, entre le Fezzan et le Lac Tchad, le Djado fut de tout temps un lieu de passage obligatoire reliant, avant même le début de l’Islam, la région du Soudan central au monde méditerranéen. En 666, selon l’historien Kiari Mamadou, le conquérant du Maghreb, Uqba ben Nafi, est l’un des premiers arabes à emprunter ce passage. Au début du 11ème siècle, poursuit l’historien, le roi animiste du Kanem, Arkù (1023-1067) intègre le Djado, comme le Kawar, à son empire, mais cette annexion n’est vraiment effective qu’au début du 13ème siècle au moment de l’apogée de l’empire du Kanem. Vers 1570, le roi bornouan Idris ben Ali ben Idris conduit une expédition au Kawar, vainc les chefs tomagras et reçoit la soumission des habitants du Djado. « Ensuite, un important commerce, dont celui des esclaves, prolifèrera avec l’Afrique du Nord et l’Egypte et les caravanes rejoignent « Wargla » (Ouargla) d’une part, et le Fezzan, puis l’Egypte d’autre part et transitent obligatoirement par les oasis de Séggedim et de Djado. Les villes fortifiées de Djado, Djaba, Dabassa et Seggedin sont alors des villes étapes sur la piste caravanière », décrit-il. Il ajoute que d’après les Toubbou et Kanouri de la région, ce sont les « Soos » qui seraient les bâtisseurs des villes fortifiées du Djado. Djado, Djaba et Dabassa qui ont été édifiées sur des buttes rocheuses, et l’architecture de la plus importante (Djado), s’élève en gradins à 40 mètres au-dessus de la plaine environnante. « Dans la seconde moitié du 18ème siècle, le Djado est l’enjeu, comme le Kawar, de luttes entre les Touareg de l’Aïr et les Toubbou du Tibesti dont les rezzous massacrent, pillent et détruisent souvent les villages. Djado, comme Djaba et Dabassa, ne se relèvera plus de ces continuels rezzous, même après la colonisation française de la région en 1905 », estime l’historien. Toujours d’après l’historien Kiari Mamadou, cette région a vu un nombre important d’installations humaines fort anciennes depuis l’Acheuléen jusqu’à la période subactuelle. Aujourd’hui hyper-désertique, cette région est particulièrement isolée et pratiquement inhabitée car les sources y sont rares et peu généreuses ; les plus importantes sont Djado, Orida, Dao Timmi, et Toummo, auxquelles il faut ajouter la guelta d’Er Roui.
Une végétation essentiellement composée de dattiers
La végétation, extrêmement chétive, demeure cependant assez stable dans les fonds des enneris, où poussent, parmi d’autres espèces, l’Acacia radiana et le tamarix. Les principales palmeraies se trouvent sur la bordure ouest entre Orida et Sara et, au sud, à Séggedim, mais cette dernière est plutôt considérée comme appartenant à la région du Kawar. « Hormis Chirfa et Seggedim, qui sont les deux seuls villages de la région, seuls Yat, Dada, Djaba et Sara abritent quelques campements saisonniers ; quant à Dao Timmi et Madama, ils ne sont occupés que par des militaires. Le peuplement de la région est essentiellement toubbou, ce sont les ‘‘Braoya’’ – le plateau du Djado est appelé « Brao » par les Toubbou -, mais aussi quelques kanouris, descendants des occupants antérieurs à la pénétration toubou », précise l’historien. Que ce soit à Seggedim ou à Chirfa, la population ne représente pas, la plus grande partie de l’année, plus d’une cinquantaine d’habitants, en majorité des femmes et des enfants (elle peut atteindre 200 personnes en septembre, au moment de la récolte des dattes), car les hommes sont de grands voyageurs et s’absentent très fréquemment pour de multiples raisons : visites à leurs nombreux parents des oasis du Kawar, vente de quelques dattes et de sel à Agadez (bien que la majorité de la production soit troquée ou vendue aux caravaniers touareg venus tout spécialement en octobre), inspection de leurs troupeaux à Termit – le Djado et le Kawar étant trop pauvres en pâturages pour pouvoir nourrir des troupeaux importants -, achat de marchandises à Sebha en Libye, nombreux déplacements au Tibesti où les ‘‘Braoyas’’ ont leurs origines. Selon Hassane Abarimi, un octogénaire vivant au Djado, le village de Chirfa se résumait à quelques cases en palmes et tentes en nattes très disséminées avec, au centre, une école nomade comportant trois salles de classe -une seule est aujourd’hui occupée – et le fort, construit en 1933 par l’armée française, aujourd’hui désaffecté après une courte réoccupation entre 1979 et 1981 par les Forces Armées Nigériennes. A Séggedim, les habitations sont plus regroupées au sud-est d’une Sebkha qui couvre un peu moins d’une centaine d’hectares à l’extrémité est de l’oasis. Il s’agit de quelques maisons en terre natronnée (Garin Kawa), perdues parmi les ruines de l’ancien village et s’appuyant sur les hautes murailles déchiquetées du vieux ksar, mais la majorité des habitations reste en palmes et nattes. M. Abarimi explique qu’aujourd’hui la ressource principale des habitants de Chirfa est l’exploitation des dattiers de l’oasis de Djado (distante de 5 km seulement), celle des habitants de Séggedim est l’exploitation du sel. « Les salines de Seggedim sont constituées de petits bassins bordés de déblais pouvant s’élever jusqu’à cinq ou six mètres de hauteur et la production, obtenue par évaporation et concentration, atteint 450 grammes de sel par litre d’eau. Le sel très blanc, est très recherché pour la cuisine, contrairement à celui de Kalala près de Bilma, au Kawar, essentiellement destiné à la consommation animale. Les palmeraies de Djado et de Séggedim sont aujourd’hui un peu laissées à l’abandon, état d’autant plus regrettable que les dattes provenant de ces deux oasis ont la réputation d’être les meilleures du Niger », précise l’octogénaire. Magaram Hassia, rencontré au Dajdo témoigne qu’à Chirfa et à Séggedim, quelques hommes (principalement des Kanouris), se livrent également à divers travaux agricoles en cultivant de petits jardins, alimentés en eau douce par des puits à balancier. « Ils cultivent ainsi quelques tomates, de l’oseille, de la salade, et un peu de luzerne pour les animaux, tandis que les femmes élèvent quelques chèvres et poulets voire un âne. Quant aux enfants, ils sont accueillis dans deux écoles nomades dirigées chacune par un instituteur venu soit d’Agadez soit du sud du pays », indique Magaram. « Bien que l’enseignement primaire soit obligatoire et que le matériel scolaire soit fourni gratuitement aux élèves ainsi qu’un repas quotidien, la fréquentation de l’école est réduite et le pourcentage d’enfants poursuivant leurs études au-delà du primaire est insignifiant (nul en ce qui concerne les filles) », déplore Moussa Boucar, un instituteur de Chirfa.
Une histoire riche des peuplades du Djado, témoignée par des anciennes et expressives sculptures rupestres.

Une riche histoire racontée par de nombreux arts rupestres
« L’art rupestre est abondant au Djado mais n’a jamais fait l’objet d’une étude approfondie et si nous connaissons un certain nombre de stations, en particulier dans l’Enneri Blaka-Enneri Domo et dans la région de Dao Timmi, c’est grâce aux nombreuses observations faites à l’époque coloniale par les méharistes lors de leurs déplacements, ainsi qu’à la Mission Berliet Ténéré-Tchad, qui en 1960, permit à des chercheurs de décrire un peu plus en détail la station de Kayaska surnommée « le sous-marin ‘‘du Blaka’’, constate l’historien Kiari Mamadou . Il ajoute que c’est une énorme formation gréseuse qui se dresse au milieu de la vallée. L’étonnant naturalisme des gravures d’éléphants, de rhinocéros, de girafes, d’antilopes et même – chose exceptionnelle – d’hyène, semble correspondre à la période des chasseurs.

Sur le versant sud de cette formation, un petit abri présente une frise peinte en ocre-rouge représentant une série de personnages à tête en bâtonnet et robe en forme de cloche pour les femmes, permettant d’attribuer l’ensemble au style équidien. « Proche de cette frise, sous une dalle formant une petite corniche, une scène de chasse à la girafe d’un réalisme frappant, peinte et aux contours gravés, présente un chasseur armé d’un arc et ajustant son tir, un genou posé au sol.

Cette scène pourrait être intermédiaire entre les gravures naturalistes de la faune sauvage et la frise de personnages du style équidien et peut-être datée de la phase bovidienne », précise l’historien. Selon la même source, dans une vallée proche, une autre station présente, sous une petite coupole gréseuse, une scène pastorale polychrome montrant un troupeau de bovidés dont certaines bêtes sont montées par des hommes ; le caractère bovidien de l’ensemble ne fait là aucun doute. « A la jonction des enneris Domo et Blaka, la station d’Arkana réunit des milliers de gravures de quatre époques différentes sur une dalle horizontale au centre de l’enneri, et sur les reliefs environnants.

La période des chasseurs, la plus ancienne, se caractérise par des lignes profondément incisées et son sujet de prédilection est la grande faune sauvage. Par sa technique et le choix de ses sujets, ce premier style se rapproche du grand style naturaliste des chasseurs du Fezzan et de l’Oued Djerat. Un petit personnage masqué et doté d’un phallus démesuré, est très proche d’autres rencontrés à la Tadrart Acacus, ce qui semble bien indiqué l’existence de rapports étroits entre ces deux régions à l’époque de ce premier style de l’art rupestre saharien », décrypte Kiari Mamadou. Le style bovidien classique, poursuit l’historien, est peu représenté à Arkana, mais on y remarque néanmoins une superbe vache aux cornes déformées ainsi qu’une rangée de veaux attachés à une corde. Au contraire, le style équidien est bien marqué par la présence de plusieurs chars tirés par des bœufs.

Le cheval, peu représenté, est monté par un personnage à antenne ; ces scènes correspondent manifestement à deux phases différentes : la première, caractérisée par un trait profondément incisé, la seconde se distingue par la technique du piquetage. Les gravures de la période équidienne sont l’œuvre de groupes libyco-berbères qui ont pu atteindre le Djado par le nord en provenance du Fezzan (d’après l’un des chars et quelques détails dans le style), mais aussi par l’ouest en provenance de l’Aïr (d’après certaines originalités dans le style de la représentation des animaux et surtout des personnages à antennes).

Par Mahamadou Diallo(onep) (Envoyé Spécial)
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