Plus que jamais, les Nigériens ont la conviction que leur pays est dirigé par deux hommes : l’un, officiel mais n’ayant pas le pouvoir de gouverner comme il prétend l vouloir et l’autre, officieux mais détenant manifestement la réalité du pouvoir décisionnel. Et il n’en cache pas. Car, s’il n’a rien revendiqué par les mots, il parle très fort par les actes. Par deux fois depuis l’accession au pouvoir de Bazoum Mohamed, Issoufou Mahamadou s’offre des vacances présidentielles au même titre que son successeur. Et si, l’année dernière, il l’a fait de façon presque concomitante avec le président en titre, cette année, il a attendu que celui-ci achève ses vacances pour prendre les siennes. Cela permet notamment à ses ouailles de ne pas trop se compromettre en choisissant son camp au détriment de Bazoum Mohamed. À Zinder, puis Tesker pour Bazoum Mohamed, comme à Tahoua, puis Illéla et Dandadji pour Issoufou Mahamadou, ce sont des vacances animées, trop bruyantes et quelque peu dédiées à des consultations de toutes sortes. Depuis que l’ancien président a décidé de sortir du bois, talonné par ses ouailles qui se disent être lâchées par le Président Bazoum, la ligne de démarcation entre les deux tendances du Pnds Tarayya sont de plus en plus claires. Bazoum Mohamed, certes, est le chef de l’État. Il a, à ce titre, des partisans qui souffrent de constater que leur champion fait profil bas devant l’ancien président et cela le rabaisse considérablement auprès de ses compatriotes, plus habitués, culturellement, à un profil de chef non contesté et non piétiné à ce point. Ils ruminent leur rage en attendant de pouvoir remettre les pendules à l’heure.
Bazoum Mohamed et Hassoumi Massoudou sont les deux grands perdants de ce qui se profile à l’horizon. Jusqu’à quand ce bicéphalisme de plus en plus criard va continuer au sommet de l’État ? Personne ne sait. Pour les partisans de Bazoum Mohamed, c’est une question de temps qui ne saurait tarder. Leur vision de la gouvernance, à tous points de vue, tranche avec celle des partisans d’Issoufou. Si les premiers, à l’image de leur leader, privilégient une gouvernance apaisée et souhaitent une entente cordiale de la classe politique, les seconds ne veulent rien entendre d’un changement de paradigmes. Une divergence, toutefois, qui n’a rien à voir avec les préoccupations essentielles de la grande masse des Nigériens.
Comme Issoufou Mahamadou, Bazoum Mohamed excelle dans l’attribution de marchés à milliards de gré à gré et la corruption, les adeptes de détournements des deniers publics, ont certainement de beaux jours devant eux. Rien n’a véritablement changé d’Issoufou à Bazoum. Au contraire ! Selon des échos en provenance de Tahoua, l’ancien président aurait fait affréter un avion qui a effectué deux vols pour les personnalités de marque et les proches collaborateurs parmi lesquelles l’on note des profils surprenants. Chez lui, l’ancien président aura notamment l’opportunité de discuter avec ses proches sur la conduite à tenir face à Bazoum Mohamed qui cherche à s’émanciper de son mentor et à trouver sa propre voie. Les préparatifs du prochain congrès du Pnds Tarayya seront particulièrement au centre des discussions. Pressenti pour remplacer Bazoum Mohamed à la tête du parti, Kalla Hankouraou sera de la partie. Cependant, on doute fort que ce soit le cas avec Hassoumi Massoudou qui connaît d’ores et déjà la position et le choix d’Issoufou. Il prétendra sans doute une mission qu’il se fera le plaisir de créer pour être absent du territoire national, le temps que l’ancien président finisse ses conclaves qui pourraient bien précipiter les deux anciens challengers à se donner la main. Selon certains analystes, Bazoum Mohamed et Hassoumi Massoudou sont en effet les deux grands perdants de ce qui se profile à l’horizon.
« Un mort qui ne veut pas être enterré »
La continuité tant promise par Bazoum Mohamed trouve tout son sens dans la prévalence de l’impunité pour les auteurs de corruption et de détournements des deniers publics. Seulement, celui qui préside aujourd’hui aux destinées du Niger n’a pas prévu cette tournure tragique que prend la gestion du pouvoir. Il n’a pas pensé que Issoufou Mahamadou, que l’on dit égocentrique, pourrait manifester tant de volonté de puissance. « Un mort qui ne veut pas être enterré », commente un confrère, amusé par ce jeu malsain auquel l’ancien président soumet son successeur. Les actes successifs qu’il pose renseigne suffisamment sur la gêne qu’il cause à son successeur. Selon des sources concordantes, Issoufou Mahamadou est encouragé et soutenu dans cette voie par ses ouailles, notamment le gotha des hommes d’affaires de la région de Tahoua qu’il a enrichis avec des marchés publics dont on connaît les conditions d’octroi et l’exécution grâce, entre autres, au rapport de l’audit du ministère de la Défense nationale. Bazoum Mohamed subit. Son option de diversifier et d’étendre la liste des hommes d’affaires devant bénéficier de gros marchés publics est très mal comprise de l’autre côté. Et selon toute vraisemblance, la guerre fratricide, feutrée pour le moment, qu’on lui fait vise à l’agenouiller. Issoufou Mahamadou et ses ouailles réussiront-ils à gagner leur combat ? Les prochains jours le diront.