On le sentait venir, tant les actes qu’il pose tendent à semer la confusion au sommet de l’État. Issoufou Mahamadou a été si présent dans la conduite des affaires de l’Etat qu’il est impossible de savoir où se situe le pôle des grandes décisions. Avec Bazoum Mohamed à la tête de l’État, il forme une sorte de tandem anachronique. « Deux hommes pour une seule et même place », ironise un acteur politique qui a requis l’anonymat. Avec les vacances annuelles qu’il a tenu à prendre au cours de la même période que le chef de l’État, exactement comme l’année dernière, Issoufou Mahamadou donne à tous ceux qui s’interrogent sur la nature du régime, la mesure des forces en présence. S’il ne s’est jamais éloigné des affaires publiques – il a d’ailleurs exprimé, très tôt, sa volonté de ne pas les quitter – il va, cette fois, franchir le rubicond. Depuis Dandadji où il s’est retranché, pendant que le Président en titre est à Tesker, certains de ses farouches partisans ont annoncé l’évènement. Issoufou Mahamadou va revenir dans l’arène politique. Ce ne sont plus des spéculations. Ce sont ses partisans qui l’annoncent. « À ces adversaires-là, nous leur souhaitons beaucoup de courage pour affronter Zaki désormais de retour sur le terrain politique aux côtés de l’équipe dirigeante de son parti », écrit Zakari Oumarou, l’ancien gouverneur de Maradi, dans un post publié avant-hier. Une annonce qui vaut avertissement. Pas seulement pour les opposants politiques comme le souligne Zakari Oumarou, mais également pour tous ceux qui, militants du Pnds Tarayya, ont pris ou prennent le risque de soutenir la voie que Bazoum Mohamed est en train de tracer.
L’annonce de Zakari Oumarou est un gros coup de pavé dans la mare. Elle intervient à un moment où le Pnds Tarayya se trouve à la croisée des chemins. Avec toutes les intentions qu’on lui prête, et pour la présidence du Pnds Tarayya et pour la magistrature suprême du pays, Issoufou Mahamadou ne saurait être plus clair que ce que Zakari Oumarou a publié. Compte-t-il reprendre les rênes du Pnds Tarayya qu’il a cédés à Bazoum Mohamed ? Ou bien va-t-il se contenter, comme beaucoup de gens le pensent, oeuvrer à faire monter quelqu’un de son choix sur le fauteuil rose ? Quoi qu’il en soit, ce retour annoncé d’Issoufou Mahamadou sur le terrain politique sème le trouble dans les rangs du Pnds. Les perspectives du prochain congrès qui désignera le successeur de Bazoum Mohamed à la tête du parti augurent de chaudes empoignades. On sait déjà, par les colonnes d’un confrère, que Issoufou Mahamadou a déjà porté son choix sur Kalla Hankouraou, un des vieux dinosaures du parti. Et selon des sources politiques crédibles, Kalla ne servirait que de piédestal à Sani Issoufou dit Abba, le fils de l’ancien président.
Décidé à reprendre les choses en mains, autrement dit, à remettre les pendules à l’heure, l’ancien président paraît si sûr de lui. À la tête de l’État, il a brisé les reins de ceux qui sont aventurés à lui disputer le leadership. Hassoumi Massoudou en sait quelque chose. L’accession de Bazoum Mohamed à la tête de l’Etat n’a rien changé. Issoufou Mahamadou garde toujours la haute main, et sur le parti, et sur l’Etat dont il contrôle tant de postes vitaux. Le message de Zakari Ousmane s’adresse plus à ceux des leurs qui ont pensé se tracer un chemin en dehors de la volonté d’Issoufou. Une chose est certaine. Il est revenu pour peser lourd dans la balance. Si tant il est vrai qu’il prépare un avenir présidentiel à son fils, Issoufou Mahamadou ne peut laisser la latitude aux prétentieux du parti d’obstruer la voie royale qu’il veut lui tracer. Il tient à la baliser de l’intérieur, en exerçant, de bout en bout, un contrôle total du processus. Ce ne sont pas les lieutenants qui manquent pour l’épauler dans sa mission.
Que deviendrait Bazoum Mohamed sans le parti ? Déjà mal en point alors qu’il cumule les rôles de président de la République et président du Pnds Tarayya dont il n’a pas encore démissionné, le Président Bazoum sera davantage fragilisé. Le come-back d’Issoufou n’inspire rien de bon pour lui. Non seulement, il va devoir céder la présidence du parti à un autre, mais il n’est pas sûr qu’il soit reconduit candidat du parti à sa propre succession en 2025. Peut-on, toutefois, prétendre qu’il est en fin de course ? Il est très tôt pour l’affirmer. Bazoum Mohamed dispose certainement d’atouts non négligeables. Même si certains, obnubilés par la toute puissance d’Issoufou dans les réseaux du pouvoir actuel, ne lui concèdent aucun autre destin que celui d’être à l’ombre d’Issoufou. « Bazoum Mohamed, ont soutenu certains, n’existe que par Issoufou Mahamadou ». Quid de Hassoumi Massoudou ? Il a suffisamment appris de son outrecuidance pour ne pas savoir se tenir à carreau lorsqu’il est question d’Issoufou.