Aussi longtemps que l’Indice du Développement Humain (IDH) des Nations-Unies demeurera un critère objectif pour mesurer les progrès accomplis par les nations, dans le monde, le Niger continuera sans doute à être toujours à l’arrière de la locomotive mondiale de cette progression. La faute, tout simplement, à deux critères déterminants dans ce classement planétaire : l’éducation et la santé. Si le Niger contemporain peine à sortir de ce rang infamant de dernier de la planète, c’est en grande partie dû aux énormes retards accusés par le pays dans ces deux domaines sociaux de base. Dans le présent article, il sera simplement question de la santé publique, où les pouvoirs publics actuels semblent avoir démissionné, en laissant mourir un système de santé jadis performant, égalitaire, cité en exemple en Afrique subsaharienne. C’était sans doute l’âge d’or de l’Hôpital public entièrement gratuit, à la charge de la république, qui garantissait à tous un meilleur accès aux soins de santé infantile, maternelle, juvénile et séniore, avec un corps soignant dévoué qui savait donner du sens au sermon d’Hippocrate, l’éthique de la médecine moderne. Aujourd’hui, cet Hôpital public a peut-être vécu et n’appartient plus qu’à l’Histoire, malheureusement ! A la place, est apparu cet espace nouveau où le droit de mourir semble (une espèce d’euthanasie imposée) avoir pris le pas sur le devoir de soigner. De nos jours, la santé publique ne semble plus représenter une priorité pour les pouvoirs publics, occupés ailleurs par leurs propres intérêts, ceux de leur famille ou de leur clan politique. En dépit de l’accroissement de la richesse nationale, ces dernières années, le secteur de la santé publique a connu peu d’investissements en termes d’amélioration du système sanitaire du pays, dans son ensemble. Ainsi, les hôpitaux publics n’ont rien de tels, car, en réalité, ils sont privatisés dans leur fonctionnement quotidien. Pour illustrer nos propos, prenons les cas des hôpitaux publics de la capitale, à savoir l’Hôpital de Référence, l’Hôpital National, l’Hôpital Lamordé, l’Hôpital Régional et les autres Centres de Santé Intégrés (CSI) de la ville. Dans ces différents centres hospitaliers de Niamey, il existe ce que l’on pourrait appeler le ‘’parcours du malade’’, par allusion au ‘’parcours du combattant’’ relevant de la difficile et rébarbative formation militaire. Aujourd’hui, on se demande si le mot de gratuité a encore un sens dans ces lieux publics de soins, tant ils sont devenus onéreux pour les citoyens qui s’y rendent. Même la simple consultation par un médecin, qui peut déboucher sur un RAS (Rien A Signaler), est payante pour le patient. On ne parlerait pas des différents examens médicaux qui pourraient être prescrits par le médecin consultant, qui sont, souvent, inexplicables par leur cherté pour des centres étatiques dénués de toute recherche de rentabilité économique ou commerciale. Tenez, pour les fameux scanners ou IREM, les patients doivent payer des sommes astronomiques pour ce genre d’examens médicaux. Souvent, même après acquittement des dits-frais, les patients ne sont point au bout de leur peine, car la programmation relève d’un autre parcours qui pourrait s’étirer sur de longues semaines, et d’ici là, le mal aura gagné du terrain. C’est pourquoi, souvent, les patients un peu nantis préfèrent se rendre dans des cliniques privées pour ce type d’examens, principalement les Polycliniques qui disposent de ce genre d’appareils d’imagerie médicale, au lieu de rester poireauter dans les centres étatiques totalement submergés de demandes. Pire, les tarifs des examens médicaux dans ces centres publics sont uniformes, qu’il s’agisse pour des externes ou pour des internes ; ou encore des cas d’urgence ! C’est tout simplement inadmissible ! Aucune différence entre quelqu’un qui est hospitalisé et le patient ambulant dans les prix des analyses médicales ! Même le caractère urgent importe peu pour soulager le malade grabataire, souvent sans prise en charge médicale ! Une fois le patient hospitalisé, ses proches doivent faire face aux ordonnances journalières délivrées par les médecins traitants, sans prise en compte de la situation sociale du malade, c’est-à-dire pour savoir si le malade admis dispose d’une assurance-maladie ou d’une couverture sanitaire professionnelle. Prescrivant la plupart du temps des produits pharmaceutiques appelés ‘’spécialités’’, les médecins traitants se rendent ainsi complices des officines pharmaceutiques, dans la mesure où, le plus souvent, les pharmacies populaires hospitalières n’ont pas dans leurs stocks, ces spécialités qui coûteraient chères, si jamais, l’on devait les acheter avec le privé. Ainsi, chaque jour, les accompagnateurs des malades se bousculent, soit à la caisse pour payer les frais des différents examens médicaux demandés, y passant des heures interminables dans de longues files d’attentes, soit dans les pharmacies hospitalières dégarnies souvent en produits pharmaceutiques spécialisés.
Franchement, on ne saurait trop comprendre comment un Etat social, comme celui du Niger, ait pu tomber dans cette marchandisation de la santé publique. Même les nations développées du monde, championnes pourtant du libéralisme sauvage, la prise en charge de la question sanitaire jouit d’une considération de premier plan. En France, à l’occasion de l’apparition du COVID-19, les citoyens de ce pays, qui ne sont d’ailleurs pas mal logés en matière de couverture sanitaire, ont clairement dénoncé les insuffisances du système sanitaire de leur pays par la réduction drastique du nombre de lits dans les hôpitaux, la vétusté ou l’insuffisance du matériel médical, ainsi que ceux qu’ils appellent les ‘’déserts médicaux’’, c’est-à-dire le manque criard de médecins dans certaines zones du pays. D’ailleurs, dans la patrie des Gaules, la sécurité sociale est chroniquement déficitaire à cause, justement, des trous que lui cause la santé publique en termes de prise en charge. Egalement, aux Etats-Unis d’Amérique, la première économie de la planète, il y avait eu ce que l’on appelait ‘’Obama care’’, qui est une sorte de sécurité sociale en matière de maladie pour des millions de citoyens américains exclus du système de santé à cause de la privatisation sauvage de ce secteur aux mains des puissants lobbies locaux que sont les maisons d’assurance. Pour sauver ainsi de millions de Noirs pauvres de cette situation périlleuse, le premier président afro-américain, Barack Obama, avait obtenu du Congrès une loi de couverture sanitaire pour ces Américains de seconde zone. Il faut rappeler que le président populiste, Donal Trump, voulait y mettre fin, mais, même le Congrès, aux mains des Républicains pourtant, avait rejeté cette suppression, à cause, sans doute, de son impact social et politique considérable.
Mais, au Niger, où le citoyen ordinaire vit avec moins d’un dollar par jour, la santé publique se privatise et se marchandise, de jour en jour. Les responsables de la santé publique, censés connaître les réalités de ce secteur, viennent de porter un coup mortel au système sanitaire national en matière de prise en charge médicale par des décisions récentes d’une cruauté indescriptible, par le durcissement des exigences pour la validité de ces certificats de prise en charge médicale dans les centres hospitaliers étatiques, notamment la personnalisation dudit document, pour éviter, selon lui, d’éventuelles fraudes dans le domaine. Or, depuis que les hôpitaux publics existent dans le pays, ces pratiques étaient tolérées et permettaient de soigner beaucoup de citoyens dépourvus de cette garantie sociale, sans que l’Etat sombre pour autant ! Combien de détournements de deniers publics, portant sur plusieurs milliards de nos francs, se déroulent chaque année dans le pays, sans que les auteurs en soient inquiétés ? Mais, pour sauver des vies humaines, on refuse de faire de plus de sens des responsabilités, en prétendant respecter les règles et principes de la juste orthodoxie en matière de dépense publique. Notre indignation devient grande devant le fait que ces scanners ou autres appareils de pointe en matière médicale sont souvent acquis, soit sur les deniers publics, soit provenant de la coopération bilatérale ou multilatérale. Mais, l’on a le sentiment que ces appareils sont, en quelque, sorte rentabilisés dans leur exploitation, par les montants exagérés fixés aux usagers. C’est le cas notamment du scanner ou de l’IREM qui coûtent la peau des fesses, comme si la finalité en était purement commerciale ! On n’ira pas jusqu’à demander la gratuité totale pour ces examens particuliers, néanmoins, on pourrait fixer des prix raisonnables en adéquation avec le pouvoir d’achat des citoyens, juste pour assurer la maintenance technique de tels appareils dont le taux d’amortissement s’étend sur plusieurs années. Mais, pratiquer des prix exorbitants dénote, tout simplement, de l’insouciance vis-à-vis de la santé des pauvres nigériens au nom desquels, pourtant, on prétend lever l’impôt. Mieux, comment le scanner d’un Hôpital national, comme celui de Niamey, peut-il tomber en panne pendant plusieurs semaines, obligeant ainsi les usagers à se tourner vers les cliniques privées plus onéreuses ?
Comme on le voit, ce sont là, sans doute, quelques-unes des tares qui gangrènent, de nos jours, les centres hospitaliers étatiques du pays, et qui n’épuisent point toute la réalité d’un système sanitaire tout aussi malade que les gens qui s’y rendent. Sans compter, dans tout cela, le ‘’pantouflage’’ des médecins spécialistes, formés à grands frais par l’Etat, qui désertent les centres hospitaliers publics pour aller souvent officier dans le privé, au détriment de leurs patients du public ! Tout cela, sous le regard bienveillant des pouvoirs publics indifférents au phénomène, puisqu’ils se rendent, souvent, à l’extérieur pour se faire soigner.
Voilà le grand crime commis, de nos jours, contre la santé publique, dans l’indifférence quasi-générale ! Voilà pourquoi le Niger restera éternellement ‘’delcorto’’ (dernier en espagnol) de la planète, car un peuple malade et mal soigné ne peut avancer en quoi que ce soit ! Du reste, les performances d’un système sanitaire ne se limitent pas seulement à la construction de bâtiments, mais, en plus, il faut disposer de plateaux techniques nécessaires aux activités médicales et d’un corps soignant en qualité et en quantité. Voilà où le régime de la renaissance du Niger d’Issoufou Mahamadou aura conduit le système sanitaire national, lui qui s’engageait, dans son Programme politique, de consacrer 25% du budget de l’Etat à l’éducation et à la santé. Mais, à l’arrivée, l’on voit bien le chemin qui avait été pris, loin des professions de foi antérieures, car l’éducation et la santé auront été reléguées au second plan, tout simplement. C’est d’ailleurs un paradoxe de constater la disparition de l’Etat social au Niger à une période, où c’est justement ces hommes politiques issus, pour la plupart, de cet Etat, de cet Eldorado mis en place par les premiers dirigeants du pays, qui sont aux affaires. Ce sont, les purs produits de cet âge social du Niger qui oeuvrent, aujourd’hui, à liquider ce patrimoine national, hypothéquant durablement l’avenir des générations futures qui devront, désormais, apprendre à inventer un autre Niger que les aînés de maintenant leur aura légué.
Hélas, nous en sommes-là, aujourd’hui, les perspectives heureuses s’assombrissent, de jour en jour, puisque la politique est devenue de la manoeuvre pure au Niger. Or, lorsque la manoeuvre l’emporte sur la conviction, le doute s’installe et l’équivoque triomphe. Il en est ainsi du régime de la renaissance d’Issoufou Mahamadou, une supercherie monumentale de pouvoir personnel et clanique, aux antipodes des principes républicains dont il s’était couvert lorsqu’il arpentait les durs sentiers de la conquête du pouvoir suprême au Niger ! Et c’est triste tout simplement pour un dirigeant qui prétendait être républicain, mais qui, au fond, n’était qu’un simple démago aux petits souliers à la recherche de sa gloire personnelle et celle de son clan politique !