Voilà de longues années que les Nigériens ne pouvaient plus manifester, contrariés dans toutes leurs déclarations de manifestation au non d’arguties qui ne servent que d’alibis pour étouffer la démocratie et empêcher qu’une opposition qui lui dénie sa légitimité, pour montrer, par les mobilisations qu’elle peut faire, qu’on lui aura volé son pouvoir. Et gentil, le peuple s’y est soumis, acceptant de rester tranquille, sans rien forcer alors même que d’autres, plus acquis à la radicalité et peutêtre à la brutalité, voulaient, sans trouver hélas de leader à leur option, forcer. Presque la mort dans l’âme, le peuple à dut se remettre à la résignation, attendant, fataliste, que le bon Dieu pour lequel il prie, nuit et jour, le couvre de sa bénédiction pour lui faciliter la vie dans un monde devenu injuste. Et on est allé prier, jeûner. Ça a fait rire le monde entier mais pour le M62, Dieu a entendu ses cris de douleurs pour sauver un pays qui va mal.
En tout cas, qu’on y croit ou pas, selon les initiateurs de la marche, aujourd’hui l’autorisation de manifester ne leur aura été accordée que grâce à une telle précaution religieuse. Pardon, mais aussi par des avocats qui ont défendu leur cause, la cause de la liberté, devant les juridictions compétentes. Ce dimanche matin, alors qu’une fine pluie venait pour hypothéquer la réussite de la manif, et dissuader bien d’autres qui, en bons Sahéliens, pourraient renoncer à venir braver l’intempérie et rejoindre les manifestants les plus téméraires engagés qui plus de 11 années qu’il gère le pays dans le mépris de ce qu’ils peuvent vouloir et mériter.
Ce dimanche, jour de repos et de mariages, les Nigériens étaient nombreux à sortir dans les rues de la capitale pour crier leurs ras-le-bol afin de faire entendre leurs malaises, les souffrances qu’ils vivent depuis qu’un socialisme-bourgeois est venu gérer le pays pour plus enrichir les siens que pour soulager un peuple « meurtri », martyrisé, affamé à dessein. Pour cet homme – Issoufou Mahamadou – qui a brisé des familles et des hommes dans leur existence et dans leurs carrières, au-delà d’un peuple, l’on peut compter de milliers de familles et de personnes qui peuvent être prêts à le poursuivre, à lui demander réparation et des comptes devant la Justice. Il sait, pour des rancunes qu’il a pour des hommes, les méchancetés qu’il pouvait avoir, usant d’accusations infondées, fallacieuses, souvent immorales, pour les détruire, les stigmatiser et les mettre en marge d’une société qui n’a jamais connu un tel rabaissement du débat politique dans le pays. La colonne gigantesque et grouillante parcourait des artères de la ville pour converger vers le centre ville, au niveau de la Place de la Concertation, scandant des slogans hostiles au régime et à une France désormais malaimée dans le pays en particulier et en Afrique en général. A la place du meeting, les orateurs, avec véhémence, s’étaient attaqué à la gestion du PNDS et de ses alliés, mais aussi à la France, notamment à sa présence militaire douteuse dans le pays. Les deux étaient visés dans les récriminations que portait le M62 pour s’insurger contre une gouvernance que les Nigériens dans leur ensemble décriaient depuis des années sans être entendus, et sans même qu’on n’entende leurs colères, accusés toujours d’être instrumentalisés par un autre. De la gestion désastreuse du pays, aux injustices, en passant par les scandales qui ont émaillé la gouvernance socialiste et aux partenariats douteux, l’on ne compte que mille et une raisons pour lesquels, selon les acteurs de la société civile, le Lion pouvait mériter la mise en accusation qu’ils demandent aujourd’hui. Du chemin de fer préhistorique qui ne pourra jamais servir aux atteintes graves faites à la cohésion nationale et à la qualité de la démocratie, l’homme qui voulait forcer une image de lui-même dans l’Histoire, ne laisse au pays que de mauvais souvenirs qui le rendent d’autant plus impopulaire, que lui-même, prenne peur de son peuple pour vivre, même après le pouvoir, derrière les mêmes armes qui l’ont protégé pendant dix années d’absolutisme incarné.
On aura compris, par le tableau sombre du pays que décrivait le M62 que l’on ne saurait rien attendre de ces « pseudo-socialistes, brigands, mercantilistes, malfrats, [amateurs] et sans repère ». Mais dans cette manifestation, il y a autre chose. Tous les observateurs peuvent voir au moins trois drapeaux à côté de celui du Niger, brandis avec fierté par des manifestants exaltés par un patriotisme de bon aloi, heureux de se battre pour leur pays et de le soustraire des griffes d’un socialisme prédateur et d’un impérialisme étouffant. Il y a aussi, visible, le drapeau de la France, brûlé dans la manifestation de Dosso, ainsi qu’on peut l’observer ces derniers temps dans beaucoup de manifestations sur le continent, mais surtout griffés de signes qui traduisent les accusations de la part de la jeunesse de crimes, de meurtres, à l’endroit du peuple, par ses mépris pour les Africains mais aussi par ses complicités désormais connues avec le terrorisme, du moins par les accusations accablantes que le gouvernement malien peut avoir contre la France et que peuvent corroborer certains populations.
L’autre drapeau dont la présence dans la foule pousse à se questionner sur la volonté d’un peuple fier de lui-même et décidé à déterminer ses choix de partenaires stratégiques avec lesquels il peut désormais travailler, coopérer. Lorsque d’autres peuples, comme les Turcs, viennent en Afrique, respectant les peuples qu’ils rencontrent pour commercer avec eux d’égal à égal, ce n’est pas de la France, peu humble, qui fait toujours montre, dans ses relations, d’arrogance, tenue par ses relents colonialistes avec lesquels elle continue de nous regarder dans le rabaissement, qui pourra aider à consolider ses relations avec l’Afrique qu’elle est en train de perdre par la politique africaine d’Emmanuel Macron qui est hors de son temps et duquel la France peut se plaindre face à l’érosion de son influence sur le continent africain.
Clin d’oeil à la Russie…
Le chois fâche mais les peuples qui font le choix, sont souverains et adultes pour choisir par eux-mêmes et par eux-mêmes. La France a de quoi se fâcher et surtout à surveiller cet autre pays qui risque de tomber dans l’escarcelle d’une Russie qui lui dispute dispute bien d’espace dans ce qui était de son influence. La démarche est de mode. Elle a commencé au Mali où, face à l’incapacité d’une France bavarde à aller à l’essentiel pour vaincre militairement le terrorisme, le Mali est allé cherché un nouveau partenaire, la Russie en l’occurrence pour l’aider à sortir du trou dans lequel la France ne peut le sortir. Et depuis que la Russie est venue, peu à peu, l’armée malienne, prend confiance en elle-même et contrôle son espace, aidé par l’expertise russe que la France, médiatiquement, a tenté de discréditer, arguant qu’il s’agit de « mercenaires de Wagner » avec lesquels elle ne peut coopérer sur le même terrain de la lutte, sans doute plus pour ne pas se faire découvrir dans ce qu’elle mènerait de louche là et pour lequel on l’accable depuis des temps de complicité avec l’ennemi, avec le terrorisme, mais aussi d’exploitation illégale de ressources du soussol. C’est certainement pour cela que l’on peut entendre dans les slogans scandés, une « France terroriste » que peuvent rabrouer des cris de rejet de la foule surexcitée. Et la foule remontée contre une France incapable de faire l’effort d’écouter les peuples, d’écourter leurs souffrances et d’entendre leurs colères, copinant le plus souvent avec des dirigeants peu aimés des peuples, si souvent ce n’est pas elle qui les impose aux peuples par des élections irrégulières, tronquées, bâclées, non transparentes, se montre déterminée à faire sombrer cette France qui ne change pas. Les clins d’oeil, depuis que la France a déçu, se font presque partout. Après la Guinée et depuis un temps le Burkina Faso, partout lors des manifestations, les populations ne demandent qu’à aller vers la Russie pour nouer de nouvelles alliances militaires, quand celles avec la France, peu crédibles, ne peuvent donner des résultats.
On ne peut donc qu’être attentif à cette image du drapeau de la Russie qui flotte ce dimanche matin, indiquant des choix nouveaux auxquels aspirent les Nigériens, las d’un partenariat français infructueux.
Une nouvelle donne sérieuse…
Tant que la France ne tiendra pas compte du contexte nouveau, elle ne peut que ne plus avoir d’avenir sur le continent, et ne peut que tout perdre chez nous. Sur le continent monte une génération, une jeunesse qui n’a pas connu la colonisation et qui ne peut avoir les complexes par lesquels les aînés pouvaient se plier à elle et à sa « toutepuissance » aujourd’hui défiée.
La jeunesse ne veut plus de cette France. Et c’est clair. L’USN a enfin compris sa responsabilité historique pour rejoindre son peuple et ce qui a toujours été son combat : se mettre du côté des opprimés et de la vérité pour combattre le faux et le mensonge.