Que reste-t-il aujourd’hui de la démocratie nigérienne en 12 ans de règne des Tarayyistes ? Juste le nom, serait-on tenté de dire, parce que tous les fondements du système ont été progressivement démantelés par les camarades roses dans le seul intention de conserver durablement le pouvoir pour leur bonheur personnel au détriment de celui du peuple. Cette entreprise de démolition des fondements de l’édifice démocratique à laquelle les Tarayyistes se sont donnés a été un processus savamment planifié. Elle a consisté d’abord à inféoder les partenaires sociaux du monde du travail, en l’occurrence les syndicats, pour se prévenir toute forme de contestation de leur gestion sur ce front.
Et ça a jusqu’ici fonctionné à merveille, l’ancien président Issoufou Mahamadou a bouclé ses deux mandats à la tête du pays sans être confronté une seule fois à une fronde véritable des travailleurs pour des engagements non respectés par son gouvernement. Et Dieu seul sait qu’il y en a eu à la pelle sans que cela ne donne lieu à une quelconque grève dure. C’est sur le tard que beaucoup de Nigériens ont compris que nombre de leaders syndicaux, très critiques vis-à-vis des régimes précédents qu’ils vouent aux gémonies, roulaient en vérité pour le PNDS Tarayya au sein duquel ils militaient secrètement.
Forts de cette accalmie assurée sur le front syndicale, les Tarayyistes ont retourné leurs armes contre l’opposition, notamment ses principaux partis, qu’ils se sont mis à concasser un à un en leur inoculant le virus de la division. Le CDS Rahama du président Mahamane Ousmane a constitué le ballon d’essai avec lequel l’entreprise de concassage a été inauguré pour être appliqué par la suite à d’autres partis comme le Moden Fa Lumana, le MNSD Nassara, etc., avec moins de bonheur contrairement au CDS qui a apparemment sombré totalement aujourd’hui. Pour sûr, ledit parti a disparu des écrans radars, et ne donne plus signe de vie. D’autres formations politiques de moindre envergure -y compris des partis alliés- n’ont pas échappé au rouleau compresseur du PNDS. Cette entreprise machiavélique de démantèlement des partis d’opposition par les camarades roses a eu pour conséquence de donner à notre processus les allures d’une démocratie monopartite. L’opposition n’est plus que l’ombre d’elle-même aujourd’hui, incapable d’affirmer sa présence sur le terrain de la lutte, à travers des actions de mobilisation de ses militants ou même de dénonciation véhémente de la malgouvernance caractérisée des Tarayyistes qui gèrent aujourd’hui l’Etat comme leur patrimoine privé. Comment pouvait-il en être autrement dans une démocratie où il n’y a plus de leaders charismatiques en face d’eux pour dire non aux dérives auxquelles ils s’adonnent, capables de les contraindre au strict respect des règles et principes de la bonne gouvernance démocratique ? En dehors d’Omar Hamidou Tchiana dit Ladan, qui continue encore d’élever la voix pour les critiquer sans gants, les autres leaders de l’opposition adoptent aujourd’hui un profil bas déconcertant. A telle enseigne que les Nigériens se demandent s’ils n’ont pas définitivement abdiqué, s’estimant incapables de parvenir à faire courber l’échine au PNDS Tarayya. Le couronnement de cette opération de domestication de l’opposition s’est traduit enfin par la reconnaissance officielle du statut de celleci et sa matérialisation à travers notamment la désignation de son chef de file assortie des privilèges et avantages à lui conférés par l’Etat. On nous dira que ce statut est consacré par la loi, qu’il ne s’agit pas d’une faveur. Mais pourquoi c’est maintenant seulement, après plus d’une dizaine d’années de gestion de l’Etat, que le PNDS se décide enfin de consentir à l’opposition ce qui lui revient de droit ? Quel usage cette dernière fera-t-elle de cette reconnaissance de son statut ? Va-t-elle [l’opposition] s’en servir pour être plus entreprenante dans la lutte pour forcer le régime au respect des règles et principes de la démocratie ou continuer à faire profil bas et laisser se poursuivre la gestion désastreuse de notre pays par des camarades roses qui ont pulvérisé toutes les valeurs sociétales pour juste assouvir leur désir de conservation durable du pouvoir. C’est avec eux que l’intolérance politique et le montage de complot contre les adversaires est devenue une règle de gestion de l’Etat, que la corruption doublée d’impunité est admise et tolérée dans les hautes sphères de l’Etat, que les biens publics sont désacralisés, que le détournement de deniers publics à visage découvert est autorisé, que la justice est instrumentalisée à outrance, que l’incompétence prospère dans l’administration publique, etc. C’est grâce à toutes ces pratiques néfastes qu’ils se maintiennent encore au pouvoir et comptent y rester en s’attaquant aujourd’hui au dernier contre- pouvoir qui tente de résister encore, à savoir la société civile critique vis-à-vis du système. La stratégie de démantèlement à laquelle le régime a décidé de faire recours, ici, pour parvenir à ses fins est celle de la carotte, nous voulons dire la corruption. Le regroupement des organisations de la société civile dénommé M 62 est au bord de l’implosion aujourd’hui du fait de cette situation, certains de ses cadres ayant succombé à la tentation des espèces sonnantes et trébuchantes.
Les camarades roses sont parvenus à réaliser cette perversion outrancière de notre démocratie, après avoir savamment planifié et mis en oeuvre leur plan sournois de destruction de la carrière politique du président Hama Amadou, leur redoutable adversaire dans l’arène politique. Car ils savent pertinemment qu’avec lui sur le terrain, ils ne parviendraient jamais à démanteler tout l’édifice démocratique. Du fait de cette situation, nombre de Nigériens, même parmi ceux qui étaient d’accord eux avant, regrette l’absence de Hama, qui est un véritable démocrate dans l’âme. Tout le temps qu’il a eu gérer l’Etat au moment où nos princes roses étaient dans l’opposition, il n’a jamais cherché à les détruire parce qu’il sait que c’est malsain comme jeu en matière politique. C’est ça la grande différence entre eux et lui, et c’est ça qui continue de faire briller son étoile a firmament, même n’étant plus totalement actif.