Bazoum Mohamed, en arrivant au pouvoir en avril 2021, héritait d’un pays qui va mal, d’un pays où tout, ou presque, est à refaire. Ses premiers discours montraient qu’il en avait bien conscience et qu’il avait ce désir de changer, de se démarquer d’une gouvernance que le pays avait connue, 10 années auparavant, avant qu’il ne vienne aux commandes du pays. Ses discours des premiers jours avaient résonné dans les consciences et les Nigériens avaient cru à son socialisme, à son pouvoir pour changer, à sa volonté ardente de secouer le cocotier. Il donnait, par un discours fait d’audace, le ton, et on avait cru trop rapidement que les choses ne seront plus comme avant. Bluff.
C’est vrai qu’au départ, il avait tenté, sans succès de démythifier le pouvoir, allant presque partout sans s’encombrer d’une sécurité ostentatoire et faire oublier l’enfer que les passages de l’ancien président Issoufou faisaient vivre aux Nigériens pendant dix années de culte de la personnalité et d’extravagances politiques. Il passait inaperçu, sans que jamais ses passages ne gênent trop la circulation et les Nigériens en étaient d’autant soulagés qu’ils saluaient, presque partout, la nouvelle ère de détente car qui ne sait pas que lorsque Issoufou devrait passer dans la ville, pour aller à l’aéroport ou ailleurs, les populations s’empressaient de finir avec la ville pour rejoindre leurs domiciles ou leurs services de peur que son passage ne leur fasse pas attendre des heures avant que ne passe le « Roi Soleil ».
Mais on a fini par effrayer Bazoum Mohamed, le faisait redouter le pire, depuis l’attaque encore non élucidée de chez Seini Oumarou qui a coûté la vie à un une garde et depuis que certaines sources, relayées par certaines chancelleries, annoncent des attaques imminentes dans la capitale, demandant aux ressortissants étrangers d’éviter les lieux d’affluen- ces humaines. Ainsi, peu à peu, on finit par le récupérer, effrayé lui aussi de tomber dans un guet-à-pent, poussé dans la même paranoïa qui avait empêché à Issoufou d’aller vers le peuple, tout socialiste qu’il se revendiquait et qui aurait, en d’autres temps, parcouru, selon ses propres dires, l’ensemble des villages nigériens. Il apprenait alors à avoir trop peur du pouvoir et de son peuple. Il savait sans doute qu’il gouvernait dans l’injustice et par la prévarication.
Dévié de sa trajectoire…
En vérité, il avait paru pour certains milieux de son parti, comme un électron libre qui risquerait de causer au parti bien de dommages et notamment, lorsque, comme il le faisait entendre : « chacun devra répondre de sa gestion », et que « plus personne ne sera d’aucun secours pour un autre ». Ainsi, Bazoum a fini par avoir peur de ses courages, et finissait par se ranger, au nom de ce que ceux qui voulaient l’apprivoiser politiquement appelaient« l’unité du parti » qui serait la règle d’or de ceux qui, se servant de lui, voudraient se mettre à l’abri d’une lutte contre l’impunité qu’il annonçait avec fracas. Depuis, il semble plus écouter le parti que le pays, un clan que le peuple, gouvernant pour le plaisir d’un patronat du parti qui a mangé gras pendant dix ans de concussion et qui voudrait ne pas être rattrapé par sa gestion.
La lutte implacable annoncée contre l’impunité semble donc perdue, tombée à l’eau. Et plombé dans l’inertie, Bazoum bouge sans avancer, donnant l’impression par un certain activisme trompe-l’oeil d’être actif, de conduire l’action, de travailler quand, pourtant, on ne le voit que dans deux actions qui font plus de lui un président-touriste qu’un homme d’action.
Le passionné d’exotisme…
C’est une particularité du Président Bazoum qui aime ces randonnées champêtres, à humer l’air campagnard des villages nigériens. On l’a vu aller en profondeur dans le pays, rencontrant des populations pour lesquelles il n’avait que des promesses comme s’il devrait être un candidat non un président « élu », attendu plus sur des actes concrets que sur des paroles. Après plus d’un an, il est dans le folklore, oubliant l’essentiel par rapport auquel il devra être jugé par ses compatriotes qui attendent après tant de mois, des actes. Il est vrai qu’on a entendu en fin de semaine dernière le lancement de la construction de milliers de salles de classes, qu’on ne va plus à l’école normale qu’avec le Bac, que des armes sont achetées en Turquie, mais entretemps, la vie se précarise, le pouvoir d’achat des Nigériens s’amenuisant chaque jour davantage, et rien de bouge, rien ne change dans la vie des Nigériens, le pays semblant être suspendu, ne pouvant avancer d’un iota. D’ailleurs, depuis quelques jours, ça grouille dans certains syndicats qui ne voient rien de ce qu’on a promis et commencent par donner de la voix. Les étudiants sont en colère car pour eux aussi, avec les nouvelles conditions annoncées qui trahissent le socialisme, notamment cette « aide sociale » à laquelle le ministre de tutelle dit renoncer et qui était concédée à des étudiants sans soutien afin de les aider à travailler dans ces conditions plus soutenables. Faut-il lire là les signes d’un gouvernant confronté à une tension préoccupante de trésorerie ainsi qu’on l’apprenait il y a quelques jours ? La décision du ministre de l’Enseignement Supérieur ne fait pas du socialisme. Elle ne rend pas service à Bazoum Mohamed auprès de ces jeunes, et Mamoudou Djibo doit le savoir. Les enfants des pauvres méritent mieux. Le socialisme, pouvait-il priver les enfants des pauvres du minimum ? La solution, face à la disette financière, pouvait-elle être de les priver du minimum ou plutôt, de demander des comptes à ceux qui ont volé l’argent du contribuable et qui sont jusqu’ici impunis, presque intouchables ?
Le commis voyageur…
Ça, il l’a hérité de son prédécesseur qui aime tant plastronner dans les grands foras, vaniteux à prendre partout la parole et se flattant même si Bazoum, lui, n’est pas dans ce registre, dans cette obsession de la vanité. Mais comme l’autre, il voyage beaucoup, ne ratant aucune occasion pour prendre l’avion, et s’en aller ailleurs. Le travail du président n’est pas à l’extérieur. Il faut donc revenir les pieds sur terre pour affronter les réalités du pays, les vrais problèmes qui se posent à la nation. La rutilance des images de l’extérieur ne doit pas obnubiler au point de ne pas voir ce qui se passe dans le pays et ne pas entendre les colères et les cris d’un peuple qu’il faut apprendre à écouter et à comprendre. Tant que Bazoum ne fera pas la différence entre le parti et le pays, il ne pourra pas avancer. S’il veut plaire au PNDS au détriment du Niger, il doit assumer son choix.